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Full text of "Les noms du roitelet en France"

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A  mes  maîtres  vénérés 
MM.  GAUCHAT,  JUD  et  BOVET 


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Table  des  matières. 


Page 


A.  Introduction . 7 

1.  Bibliographie . 7 

2.  Le  folklore . 10 

3.  Histoire  du  folklore,  description  des  oiseaux,  confusion 

des  deux  oiseaux . 17 

4.  Noms  grecs  et  latins . 20 

B.  Les  noms  français . 23 

1.  Noms  formés  sous  l’influence  du  conte  antique.  ...  23 

a)  Les  trois  étapes  du  mot  roitelet . 25 

b)  La  zone  d’expansion  récente  de  roitelet  parisien  .  .  28 

c)  Les  noms  du  type  roitelet  en  Suisse  romande  ...  31 

2.  Bitriscus  et  ses  dérivés . 35 

a)  Roibri . 38 

b)  Roi  Robert,  les  noms  de  personnes . 39 

c)  Déformations  de  reyberé . 41 

d)  Bitriscus  en  Normandie . 45 

e)  Roi  Bertaud . 48 

f)  Berichon . 51 

3.  Peteret  et  ses  dérivés . 52 

a)  Collision  avec  rampantin . 55 

b)  Rey  petit  et  ses  dérivés . 57 

c)  Remplaçants  de  peteret  à  signification  semblable  .  .  60 

4.  Noms  do  formation  romane . 64 

a)  Les  désignations  inspirées  par  la  petite  taille  de  l’oiseau  65 

b)  Noms  suggérés  par  son  air  impertinent . 70 

c)  Noms  d’amiété . 71 

d)  Rekutcet  et  autres  désignations  se  rapportant  aux 

mœurs  de  l’oiseau,  spécialement  son  adresse  à  se  fau¬ 
filer  dans  les  buissons . 74 

e)  Noms  onomatopéiques . 84 

f)  Confusion  avec  d’autres  oiseaux . 89 

g)  Noms  appartenant  spécialement  aux  Regulus  Cristatus  94 

r .  5.  Mots  obscurs . 98 

'  ^  6.  Conclusions . 99 

a)  La  multitude  des  noms . 99 

b)  L’ordre  de  la  succession . 100 

C.  Indices . . 105 

1.  Index  des  mots . 105 

2.  Index  des  matières . 109 


,  -i  5 


A 


Digitized  by  the  Internet  Archive 
in  2018  with  funding  from 

University  of  Illinois  Urbana-Champaign  Alternâtes 


https://archive.org/details/lesnomsduroiteleOObrug 


A.  INTRODUCTION. 


1.  Bibliographie. 

a)  Dictionnaires. 

La  plupart  des  dictionnaires  que  je  cite  sous  le  nom 
des  auteurs  se  trouvent  dans  la  bibliographie  de  M.  von 
Wartburg:  Die  Ausdrücke  für  die  Fehler  des  Gesichts- 
organs  (R.D.  ROM.,  lU,  496 — 503).  Quant  aux  vocabulaires 
de  la  Suisse  romande,  je  renvoie  à  la  Bibliographie  lin- 
guistique  de  la  Suisse  romande,  Chap.  III,  publiée  par  la 
rédaction  du  Glossaire  des  Patois  de  la  Suisse  romande. 
En  dehors  des  œuvres  mentionnées  dans  ces  deux  listes 
j’ai  utilisé  les  sources  suivantes: 

Meyer -Lübke,  Eomanisches  etymologisches  Wbrterhuch, 
Heidelberg  1911 — 16. 

Fenouillet,  Monographie  du  patois  savoyard,  Annecy  1902. 
Ravanat,  Le  patois  de  Grenoble,  Grenoble  1911. 

b)  Latin  vulgaire,  vieux  français  et  provençal. 

Thésaurus  linguae  Latinae,  Lipsiae  1900 — 16. 

Du  Gange,  Glossarium  mediae  et  infimae  latinitatis, 
1813—87. 

Corpus  Glossariorum  Latinorum  a  Gust.  Loewe  inchoatum, 
compos.  recens.  ed.  Geo.  Gatz,  Lipsiae  1884 — 94. 
Bollandus,  Acta  Sanctorum,  Bruxellis  1784  ss. 

Hôlder,  Altkeliischer  Sprachschatz,  2  Bande,  Leipzig 
1891—1904. 

Godefroy,  Dictionnaire  de  l’ancienne  langue  française, 
Paris  1880—1902. 

Cotgrave,  A  dictionnaire  ofthe  French  and  English  tongues, 
London  1611. 

Raynouard,  Lexique  roman,  6  tomes,  Paris  1838 — 44. 

E.  Levy,  Provenzalisches  Supplement-Wôrterbuch,  Leipzig, 
1894—1905. 


8 


c)  Ornith.ologie. 

Cd.  GeBner,  Vogelbuch,  Zürich  1581. 

Ulysses  Aldrovandius,  Ornithologia,  t.  II,  p.  649,  Bononiae, 
1599—1603. 

Brisson,  Ornithologie  ou  méthode  contenant  la  division 
des  oiseaux  en  ordres,  sections,  genres,  espèces  et 
leurs  variétés,  Paris  1760,  t.  III,  p.  1427  et  579. 

Buffon,  Histoire  naturelle,  1749 — 89,  t.  X,  p.  136  et  146. 

Joh.  Andréas  Naumanns  (ier  Vôgel  Deutsch- 

lands,  in  13  Bânden,  aufs  neue  herausgegeben  von 
seinen  Sôhnen  1823 — 60,  3.  Teil,  Bd.  4. 

A.  E.  Brehms  Tierlehen,  Leipzig  1911  W. 

Victoire  Fatio,  Vertébrés  de  la  Suisse,  oiseaux  I,  1899. 

Th.  Studer  u.  G.  von  Bui’g,  Verzeichnis  der  schweizerischen 
Vôgel  und  ihre  Verbreitungsgebiete,  neueste  Aufl.  1916. 

Gd.  de  la  Bassetière,  Essai  sur  le  chant  de  quelques  oiseaux, 
1913. 

Précigou,  Ornithologie  de  la  Haute  -  Vienne,  Limoges  1904. 

La  plus  ancienne  ornithologique  en  langue  française, 

celle  de  Belon  (1555),  ne  se  trouve  pas  à  Zurich.  Mais 

elle  a  été  utilisée  par  tous  les  auteurs  subséquents. 

d)  Folklore. 

P.  Sébillot,  Le  folklore  en  France,  t.  III;  Faune  et  Flore, 
Paris  1916. 

Revue  des  traditions  populaires,  recueil  mensuel  de  mytho¬ 
logie,  1886  SS. 

e)  Etudes  spéciales  sur  les  noms  des  oiseaux. 

Eug.  Rolland,  Faune  populaire  de  la  France,  t.  II  :  Les 
oiseaux  sauvages,  Paris  1879. 

Compléynent  de  la  faune  populaire,  t.  X,  publié  par  Gaidoz, 
Paris  1905  (Rolland,  compl.). 

H.  Büskens,  Die  franzôsischen  Namen  der  Singvôgel, 
GieBner  Diss.  1911. 

Hensel,  Die  Vôgel  in  der  provenzalischen  und  nordfran- 
zôsischen  Lyrik  des  Mittelalters  (Rom.  Forschungen, 
XXVI,  p.  584—670)- 

Ch.  Beauquier,  Faune  et  Flore  popidaire  de  la  Franche- 
Comté,  t.  1,  Paris  1910. 


9 

Fritz  Robert,  Les  noms  des  oiseaux  en  grec  ancien,  Thèse 
de  Bâle  1911. 

Hugo  Suolahti,  Die  deutschen  Vogelnamen,  Strai^burg  1909. 
Clem.  Merlo,  I  nonii  romanzi  delle  stagioni  e  dei  mesi, 
p.  3  SS.,  Torino  1904.  (L’introduction  de  ce  livre 
contient  une  collection  de  noms  italiens  du  roitelet.) 
Bonelli,  1  nomi  degli  uccelli  nei  dialetti  lomhardi  (Studi 
di  filologia  romanza,  t.  IX,  p.  374 — 486,  1903). 

f)  Les  noms  onomatopéiques. 

Wundt,  Volkerpsychologie,  Bd.  1,  p.  257. 

Oskar  Hauschild,  Deutsche  Tmmamen  in  Schrift,  Sprache 
und  Mundart  (Zeitschrift  f .  deutsche  W ortf orschung, 
XI,  149). 

Wilhelm  Wackernagel,  Voces  variae  animantium,  ein  Bei- 
trag  zur  Naturkunde  und  zur  Geschichte  der  Sprache, 
2.  Auflage  1869. 

Winteler,  Naturlaute  und  Sprache,  Ausführungen  zu 
Wackernâgels  Voces  variae  animantium  (Programm 
der  aargauischen  Kantonsschule  1892). 
Meyer-Lübke,  Einführung,  §  75. 

Nyrop,  Grammaire  historique  de  la  langue  française,  III,  p.  17. 
Frieda  Rocher,  Reduplikationshildungeyi  im  Franzôsischen 
und  Italienischen,  Thèse  de  Berne  1921. 

g)  Ouvrages  manuscrits. 

1.  M.  Gauchat  a  eu  la  bonté  de  mettre  à  ma  dispo¬ 
sition  les  matériaux  du  Glossaire  des  patois  de  la  Suisse 
romande  en  préparation. 

2.  J’ai  utilisé  en  outre  des  matériaux  inédits  du 
Dizionari  rumantsch  de  M.  Pult,  à  St-Gall. 

3.  Enfin  M.  Schmidt,  à  St-Gall,  a  bien  voulu  me 
communiquer  les  résultats  d’une  enquête  qu’il  a  faite  dans 
la  Suisse  romande  sur  les  noms  du  roitelet. 

Que  ces  Messieurs  veuillent  bien  agréer  tous  mes 
remercîments  pour  leur  appui,  en  particulier  mes  maîtres 
vénérés  MM.  Gauchat  et  Jud,  qui  m’ont  constamment  as¬ 
sistée  de  leurs  précieux  conseils. 


10 


2.  Le  folklore. 

§  1.  Si  nous  jetons  un  coup  d’œil  sur  la  demi-carte 
que  l’Atlas  linguistique  de  France  (ALF)  consacre  au 
roitelet  (B.  1697),  nous  sommes  frappés  de  la  grande 
variété  de  noms  que  cet  oiseau  porte  en  français.  Et 
encore  l’Atlas  est-il  loin  de  les  mentionner  tous.i)  Les 
cartes  „rossignoL‘  (1168),  ,.)merle“  (843),  „loriot“  (1612) 
par  contre  ne  contiennent  guère  plus  d’un  type  d’appel¬ 
lation  pour  toute  la  France.^) 

Cette  multitude  de  noms  prouve  que  l’imagination 
de  l’homme  s’est  beaucoup  occupée  du  roitelet,  bien  que 
ce  petit  être  ne  lui  fût  d’aucune  utilité.  L’oiseau  devait 
frapper  par  sa  petite  taille  et  ses  allures  curieuses.  D’ailleurs 
il  n’est  pas  rare  en  France;  il  ne  fuit  pas  le  voisinage 
de  l’bomme  ;  en  hiver  il  s’approche  même  des  maisons. 
Mais  ce  qui  a  certainement  le  plus  contribué  à  le  distin¬ 
guer,  c’est  le  fait  que  de  tout  temps  il  a  été  l’objet  de 
légendes  diverses.  Je  crois  qu’aujourd’bui  rnême,  le  roitelet 
est  encore  pour  bien  des  gens  un  être  fabuleux  plutôt 
qu’un  oiseau  réel. 

Rien  ne  nous  permet  d’admettre  un  état  de  chose 
différent  au  moyen  âge,  alors  que  toute  la  science  zoolo¬ 
gique  était  livresque,  fabuleuse  et  moralisante.  La  fable 
aura  précédé  en  France  le  nom  de  roi  à  peu  près  comme 
le  roman  du  renard  précéda  et  causa  la  substitution  du 
mot  ,,renard“  à  l’ancien  ,^goupil“.2)  Le  nouveau  nom  est 
plus  expressif,  parce  qu’il  évoque  quantité  d’historiettes 
drôles  et  spirituelles. 

§  2.  Voici  la  fable  dans  la  version  de  Grimm  : 

Früber  hatten  aucb  die  Vôgel  wie  der  Hammer, 
der  Hobel  und  die  Müble  ihr  eigene  Spracbe,  die  jeder- 

9  En  italien  aussi,  on  constate  une  grande  diversité  de  noms. 
Pour  la  ville  de  Bergame  seule,  Bonelli  (p.  453)  n’indique  pas  moins 
de  huit  noms  du  roitelet. 

“)  Il  y  a  pour  cela  différentes  raisons.  Tout  d’abord  une 
tradition  latine  vivante  partout;  le  merle  est,  en  outre,  très  connu 
des  oiseleurs  ;  quant  au  rossignol,  c’est  le  grand  favori  des  poètes. 

Ch.  K.  Rockel,  Goupil,  eine  semasiologische  Monographie, 
Thèse  de  Breslau  1906. 


11 


mann  verstand  ;  jetzt  lautet  es  nur  wie  zwitschern, 
kreischen  und  pfeifen,  und  bei  einigen  wie  Musik  ohne 
Worte. 

Es  kam  aber  den  Vogeln  in  den  Sinn,  sie  wollten 
nicht  langer  ohne  Herrn  sein  und  einen  unter  sich  zum 
Kônig  wahlen.  —  Sie  wollten  sich  nun  über  die  Sache 
besprechen,  und  an  einem  schônen  Maimorgen  kamen  sie 
aile  aus  Waldern  und  Feldern  zusammen,  Adler  und 
Buchfinke,  Eule  und  Kriihe,  Lerche  und  Sperling,  was 
soll  ich  sie  aile  nennen?  Selbst  der  Kuckuck  kam  und 
der  Wiedehopf,  sein  Küster,  der  so  heiBt,  weil  er  sich 
immer  ein  paar  Tage  früher  hdren  liifit.  Auch  ein  ganz 
kleiner  Vogel,  der  noch  keinen  Namen  hatte,  mischte  sich 
unter  die  Schar  ...  Es  war  aber  beschlossen,  daB  der 
Konig  sein  sollte,  der  am  hôchsten  fliegen  kônnte  .  .  . 
Sie  wollten  gleich  an  diesem  schonen  Morgen  aufsteigen^ 
damit  niemand  hinterher  sagen  konnte  :  ,,Ich  ware  wohl 
noch  hoher  geflogen,  aber  der  Abend  kam,  da  konnte  ich 
nicht  mehr.“  Auf  ein  gegebenes  Zeichen  erhob  sich  also 
die  ganze  Schar  in  die  Lüfte.  Der  Staub  stieg  da  von 
dem  Felde  auf,  es  war  ein  gewaltiges  Sausen  und  Brausen 
und  Fittichschlagen,  und  es  sah  aus,  als  w^enn  eine  schwarze 
Wolke  dahinzôge.  Die  kleinen  Vôgel  aber  blieben  bald 
zurück,  konnten  nicht  weiter  und  lielen  wieder  auf  die 
Erde.  Die  grôBeren  hielten’s  langer  aus,  aber  keiner  konnte 
es  dem  Adler  gleichtun;  der  stieg  so  hoch,  daB  er  der 
Sonne  hâtte  die  Augen  aushacken  kônnen.  Und  als  er 
sah,  daB  die  andern  nicht  zu  ihm  herauf  konnten,  so 
dachte  er  :  was  willst  du  noch  hoher  fliegen?  Du  bist  doch 
der  Kônig,  und  er  fing  an,  sich  wieder  herabzulassen. 
Die  Vôgel  unter  ihm  riefen  ihm  aile  gleich  zu  :  „Du 
muBt  unser  Kônig  sein,  keiner  ist  hôher  geflogen  als  du.“ 
.^Ausgenommen  ich,“  schrie  der  kleine  Kerl  ohne  Namen, 
der  sich  in  die  Brustfedern  des  Adlers  verkrochen  hatte. 
Und  da  er  nicht  müde  war,  so  stieg  er  auf,  und  stieg 
so  hoch,  daB  er  Gott  auf  seinem  Stuhl  konnte  sitzen 
sehen.  Als  er  aber  so  weit  gekommen  war,  legte  er  seine 
Flügel  zusammen,  sank  herab  und  rief  mit  feiner,  durch- 
dringender  Stimme:  „Kônig  bün  ick,  Kônig  bün  ick!“  — 


12 


„Du  unser  Kônig?“  schrien  die  Vogel  zornig;  „diu’cb 
Ranke  und  List  hast  du  es  dahin  gebracht.“ 

Sie  machten  eine  andere  Bedingung  ;  der  sollte  Konig 
sein,  der  am  tiefsten  in  die  Erde  fallen  kônnte.  .  .  .  Der 
Kleine  ohne  Namen  aber  suchte  ein  Mâuseloch,  schlüpfte 
hinab  und  rief  mit  seiner  feinen  Stimme  heraus:  „  Konig 
bün  ick,  Konig  bün  ick!“ 

Sie  beschlossen,  ihn  in  seinem  Loch  gefangen  zu 
halten  und  auszuhungern.  Die  Eule  machte  die  Wache. 
In  der  Nacht  aber  wurde  sie  müde,  tat  ein  Auge  zu  und 
schaute  mit  dem  andern  steif  in  das  Mâuseloch.  Der  kleine 
Kerl  guckte  mit  dem  Kopf  heraus  und  wollte  wegwitschen, 
aber  die  Eule  trat  gleich  davor,  und  er  zog  den  Kopf 
wieder  zurück.  Dann  tat  die  Eule  das  eine  Auge  wieder 
auf  und  das  andere  zu  und  wollte  so  die  ganze  Nacht 
abwechseln.  Aber  als  sie  das  eine  Auge  wieder  zumachte, 
vergaB  sie,  das  andere  aufzutun,  und  sobald  die  beiden 
Augen  zu  waren,  schlief  sie  ein.  Der  Kleine  merkte  das 
bald  und  schlüpjfte  weg. 

Von  der  Zeit  an  darf  sich  die  Eule  nicht  mehr  am 
Tage  sehen  lassen  .  .  .  Auch  der  kleine  Vogel  lâBt  sich 
nicht  gerne  sehen,  weil  er  fürchtet,  es  ginge  ihm  an  den 
Kragen,  wenn  er  erwischt  würde.  Er  schlüpft  in  den 
Zâunen  herum,  und  wenn  er  ganz*sicher  ist,  ruft  er  wohl 
zuweilen:  Konig  bün  ick,  und  deshalb  nennen  ihn  die 
andern  Vogel  aus  Spott  Zaunkônig. 

§  3.  Cette  fable,  racontée  déjà  par  les  anciens,  fit 
le  tour  de  TEurope  au  mojen-âge,  à  une  époque  où  tout 
le  monde  était  avide  de  fables  allégoriques  et  de  contes 
merveilleux,  et  où  la  science  exacte  était  inconnue.  En 
fait  de  zoologie,  la  période  médiévale  ne  connaît  guère 
que  des  ouvrages  moralisants  où  la  plus  large  part  est 
faite  à  l’allégorie.  Le  Physiologus  est  le  modèle  du  genre. 
La  zoologie  du  moyen-âge  s’y  étale  dans  toute  sa  bizar¬ 
rerie.  A  côté  de  récits  curieux,  cet  ouvrage  médiocre 
contient  surtout  des  descriptions  d’animaux  étranges  et 
de  pays  fabuleux.  N’oublions  pas  que  la  théologie,  en 
ce  teinps-là,  absorbait  toutes  les  forces  intellectuelles  de 
l’homme.  La  nature  n’existait  que  pour  autant  qu’elle 


13 


lui  était  utile  ou  qu’elle  pouvait  lui  servir  à  démontrer 
la  puissance  de  Dieu,  mais  il  ne  la  trouvait  pas  digne 
d’être  observée  et  étudiée  pour  elle-même.  Par  contre 
on  écoutait  avec  intérêt  les  fables,  comme  on  aimait  les 
récits  étranges  et  les  contes  allégoriques. 

La  fable  du  roitelet  et  de  l’aigle  ne  se  trouve  pas 
dans  le  Physiologus.  Cependant  on  la  connaît  au  XIIP"'® 
siècle. 1)  Puis  elle  se  répand  rapidement  ;  2)  son  cadre 
s’élargit  de  plus  en  plus  et  l’on  7  voit  apparaître  l’ob¬ 
servation  des  allures  singulières  du  troglodyte,  le  détail 
caractéristique  qui  nous  charme  dans  la  version  de  Grimm. 
On  invente  l’épisode  du  chat-huant,  qui  fait  suite  au  récit 
primitif. 3)  Et  ce  n’est  pas  tout;  la  fable  est  prise  comme 
réalité  par  les  savants,  qui  la  reproduisent  dans  leurs  gros 
ouvrages  latins  sur  l’histoire  naturelle  des  oiseaux.^) 

En  France  aussi  elle  se  répand  un  peu  partout.^) 

Grimm  a  retrouvé  ce  conte  populaire  dans  un  recueil  de 
fables  que  le  rabbi  Barachia  Niktani  versifia  dans  la  deuxième  moitié 
du  XIII®“*  siècle  en  langue  hébraïque,  et  il  en  a  publié  une  tra¬ 
duction  dans  la  Zs.  de  Wolf,  Fur  die  Mythologie  und  Sittenkunde, 
I,  II,  III.  Thomas  Catimpratensis  (Liber  de  natura  rerum,  XIir“® 
siècle)  raconte  que  le  roitelet  osa  disputer  à  l’aigle  sa  royauté. 

2)  Au  XV®”®  siècle,  on  écrivit  en  Allemagne  beaucoup  de 
poèmes  dialogués  où  tous  les  oiseaux  viennent  donner  un  conseil 
à  leur  roi  nouvellement  élu,  le  roitelet  (cfr.  Pfeiffer,  Vas  Marchen 
vont  Zaunkônig,  Germania,  t.  VI,  p.  80).  A  la  même  époque  l’ancien 
nom  wrendo,  qui  subsiste  encore  dans  l’anglais  icren,  fut  remplacé 
par  la  traduction  du  latin  „regulus‘‘  ;  Kôniglin,  plus  tard  Zaunkbnig, 
contamination  de  Zminschlüpfer  avec  Kôniglin. 

Ce  conte  est  connu  dans  l’Allemagne  entière,  en  Irlande 
et  en  Hollande  (Goyert  et  Walter,  Vlàmische  Sagen,  Legenden  und 
Volksmarchen,  p.  199).  Le  nom  lithuanien  du  troglodyte  karalius 
et  le  nom  polonais  krolik  qui  signifient  aussi  roi,  prouvent  qu’il 
était  aussi  connu  des  Slaves.  Il  y  a  également  une  version  roumaine, 
contenant  l’épisode  du  chat-huant  (publiée  dans  la  Rev.  des  trad. 
pop.,  VIII,  595). 

^)  C.  Gefiner  dans  son  Vogelhuch  (p.  65  de  l’édition  allemande 
de  1581)  et  Aldrovande  (t.  II,  p.  649). 

^)  J’en  puis  citer  les  versions  suivantes:  En  Basse-Bretagne 
c’est  Jésus-Christ  qui  rassemble  tous  les  oiseaux  et  fait  roi  celui 
qui  vole  le  plus  haut  (Luzel,  Contes  populaires  de  Basse-Bretagne, 
III,  p.  231).  On  trouvera  encore  d’autres  versions,  celles  des  Côtes- 
du-Nord,  dans  P.  Sébillot  (Rev.  des  trad.  pop.,  II,  215),  et  une  ver- 


14 


§  4.  Chez  les  Celtes  aussi,  la  légende  s’est  emparée 
du  roitelet.  Ainsi  les  habitants  de  l’île  de  Man  croient 
que  le  roitelet  est  une  fée  métamorphosée.  Voici  ce  qu’ils 
racontent  à  ce  sujet:  Une  fée  très  belle,  qui  attirait  les 
hommes  à  elle  pour  les  noyer,  était  poursuivie  pour  ses 
méfaits.  Traquée  de  toutes  parts  et  sur  le  point  de  tomber 
entre  les  mains  des  chasseurs,  elle  réussit  à  leur  échapper 
en  se  changeant  en  roitelet.  Dès  lors,  elle  est  condamnée 
à  revêtir  la  forme  du  petit  oiseau  chaque  année,  le  premier 
jour  de  l’an.  Ce  jour-là,  les  hommes  font  une  chasse 
acharnée  au  pauvre  roitelet.  Ils  le  tuent,  mais  il  con¬ 
servent  ses  plumes  comme  talisman  contre  les  naufrages 
au  cours  de  l’année  commencée.^) 

A  Carcassonne,  le  premier  dimanche  de  décembre  les 
jeunes  gens  font  la  chasse  au  roitelet  au  moyen  d’une 
gaule.  Le  premier  qui  abat  un  de  ces  oiseaux  est  pro¬ 
clamé  roi;  on  le  fête  par  un  cortège  et  un  festin  le  jour 
des  Rois.^)  Sébillot  trouve  obscurs  le  motif  et  l’origine 
de  cette  coutume.  Peut-être  y  a-t-il  lieu  de  la  rapprocher 
de  la  légende  celtique. 

Rolland  décrit  d’après  Bar j aval  (Dictons  du  dépar¬ 
tement  de  Vaucluse,  1853)  une  coutume  semblable  existant 
naguère  à  Entraignes  où  les  jeunes  gens  cherchaient  la 
veille  de  Noël  à  prendre  une  petouze  (troglodyte)  vivante. 
Ils  l’apportaient  au  curé  qui,  après  la  messe  de  minuit, 
montait  en  chaire  et  la  lâchait  dans  l’église.  Celui  qui  la 

sion  champenoise  (Rev.  des  trad.pop.,  I,  389).  La  fable  de  l’Auvergne 
est  publiée  ibidem,  XII,  549.  Bladé  {Contes  populaires  de  la  Gas¬ 
cogne,  Paris  1885,  III,  p.  218)  en  donne  une  version  un  peu  mo¬ 
difiée.  Il  ne  s’agit  plus  de  l’élection  d’un  roi,  mais  bien  du  courage 
du  roitelet  osant  braver  l’aigle.  Parmi  les  correspondants  du  Glos¬ 
saire  de  la  Suisse  rom.,  ceux  d’Ormont-dessus.  Montherond,  Trient, 
Sales,  Estavayer,  Charmoille  rapportent  cette  fable  à  propos  du 
mot  roitelet. 

Adalbert  Kuhn,  Die  Herkunft  des  Feuers  und  des  Gotter- 
tranks,  1859,  p.  107. 

Uhland  (Schriften,  III,  82)  raconte  une  chasse  semblable  le 
jour  de  St-Etienne,  dans  le  sud  de  l’Irlande;  mais  il  n’en  connaît 
pas  la  raison. 

2)  Baron  Trouve,  Description  du  département  de  V Aude,  1819, 
II,  383. 


15 


rapportait  était  exempté  de  la  dîme  des  olives  pour  une 
année  ou  béni  par  le  curé.  Au  sortir  de  l’église,  chacun 
complimentait  le  „rei  de  la  vaquete“.i) 

Aldrovande  raconte  une  autre  très  jolie  coutume, 
dont  il  prétend  avoir  entendu  parler  en  Gaule  :  Le  jour 
des  Rois  les  parents  troglodytes  assemblent  toutes  leurs 
nichées  de  l’année  —  et  il  semble  qu’elles  soient  nom¬ 
breuses  —  et  chantent  en  chœur  avec  elles.  Rolland  cite 
la  même  légende  pour  la  Normandie. 

Nous  voyons  donc  que  l’oiseau  a  joué  un  rôle  lé¬ 
gendaire  déjà  chez  les  Celtes,  ce  qui  nous  expliquera  la 
survivance  du  nom  celtique  sur  une  grande  étendue  de 
la  France. 

§  5.  Dans  le  nord  de  la  France,  surtout  en  Nor¬ 
mandie,  le  roitelet  est  l’oiseau  béni,  l’oiseau  du  bon  Dieu 
( God!s  hen  en  Angleterre  [cfr.  §  58]).  On  n’ose  ni  le  tuer 
ni  le  dénicher.  Celui  qui  commet  l’un  de  ces  actes  est 
sévèrement  puni  par  le  feu  du  ciel  ou  par  quelque  autre 
malheur,  ceci  pour  avoir  renouvelé  à  notre  Seigneur  le 
supplice  de  la  croix  (Nièvre). 

Dans  les  Vosges  et  en  Franche-Comté  le  roitelet  est 
considéré  comme  portant  bonheur.  Il  avertit  du  malheur 
en  criant:  kiki,  kiki  (Nièvre).  Il  joue  le  rôle  attribué 
ailleurs  à  l’hirondelle,  au  rouge-gorge  et  quelquefois  aussi 
à  la  bergeronnette. 

Dans  la  France  centrale,  où  cette  légende  a  sa  ré¬ 
percussion  sur  les  noms,  on  ajoute  à  quoi  il  doit  le  privi¬ 
lège  d’être  l’oiseau  du  bon  Dieu.  On  le  fait  participer 
à  la  vie  du  Seigneur  ou  de  quelque  saint.  C’est  lui  qui 
apporta  toute  la  mousse  et  tout  le  duvet  de  son  nid  pour 
faire  une  couchette  à  l’enfant  Jésus  (Berry,  Sébillot).  Il 
assista  à  la  naissance  du  Seigneur  et  fît  son  nid  sur  la 
crèche  de  Bethléem  (Périgord,  Rolland).  En  Basse-Bretagne 
on  lui  donne  le  rôle  joué  ailleurs  par  le  rouge-gorge. 
C’est  lui  qui  essaya  d’arracher  les  épines  du  front  san¬ 
glant  du  Christ  ;  on  dit  qu’il  lui  en  resta  une  tache  de 
sang  (Sébillot).  Dans  le  Limousin  il  passe  pour  avoir 


Vaquete  est  un  nom  du  troglodyte  (cfr.  §  59). 


16 


voulu  sauver  le  Seigneur,  car  lorsque  Judas  cherchait 
son  maître  caché  sous  des  javelles  et  que  le  geai  l’eut 
dénoncé  en  criant:  „sous  lou  javelat“,  c’est  le  roitelet 
qui  répondit:  „Tais-te,  tros  de  couqui“  (tais-toi,  espèce 
de  coquin,  Sébillot,  III,  p.  160). 

Dans  les  Côtes-du-Nord  il  est  le  premier  à  chanter 
l’alléluia  lorsque  les  oiseaux  fêtent  la  Résurrection,  parce 
qu’il  ne  travaille  jamais  le  dimanche  (Sébillot). i) 

Mais  il  n’est  pas  seulement  un  oiseau  béni  qui  porte 
bonheur.  On  croyait  en  Belgique 2)  que  lorsqu’on  le  prend, 
il  y  aura  bientôt  un  décès  dans  la  maison.  A  Evolène  il 
suffit  qu’un  roitelet  apparaisse  près  d’une  demeure  pour  que 
les  habitants  y  voient  un  présage  de  mort  prochaine  (Gloss.). 

On  rapporte  sur  le  compte  du  roitelet  d’autres  choses 
encore  qui  ont  moins  de  rapports  avec  les  noms.  Je  les 
laisse  de  côté. 

§  6.  Le  roitelet  est  l’oiseau-fée  et  l’oiseau  béni  qui 
a  rendu  de  grands  services  à  l’homme,  mais  comme 
celui-ci  est  toujours  ingrat,  il  fait  de  son  bienfaiteur  l’objet 
de  sa  raillerie.  Il  se  moque  de  son  impertinence,  de  son 
orgueil  et  de  sa  vantardise  si  ridicule  chez  un  être  d’une 
taille  aussi  exiguë.  Lorsqu’il  se  balance  sur  une  branche, 
on  interprète  son  chant  ironiquement  par:  „dir,  dir,  pa 
na  dor“  (acier,  acier,  puisqu’elle  ne  rompt  pas,  Bretagne, 
Rolland),  ou:  „bisqua,  qu’on  es  fort“  (Rolland),  ou:  „ne 
te  casse  pas  !  me  portras  tu  ben  (Sébillot). 

En  Poitou  le  roitelet  raconte  à  un  moineau  qu’il 
vient  d’un  pays  lointain  où  il  fait  si  froid  qu’on  s’y  chauffe 
avec  des  bûches  grosses  comme  sa  cuisse  (Pineau,  Les 
contes  popidaires  du  Poitou,  Paris  1891). 

Le  roitelet,  être  béni  et  bienfaisant,  joue  aussi  son  rôle 
à  côté  du  rouge-gorge,  de  l’alouette  et  de  l’hirondelle  dans  la 
légende  qui  explique  la  descente  du  feu  chez  les  hommes  (M®“* 
Bosquet,  La  Normandie  merveilleuse),  en  Ille-et- Vilaine  et  en 
Wallonie  (Rolland),  en  Poitou  (Sébillot),  en  Suisse  à  Frenières 
près  de  Bex  (Glossaire).  Mais  la  plus  jolie  version  que  je  connaisse 
est  celle  que  le  Bourguignon  Colas  Breugnon  raconte  à  sa  petite- 
fille  Glodie  (Romain  Rolland,  Colas  Breugnon,  p.  15). 

2)  Schages,  Essai  historique  sur  les  usages,  les  croyances,  etc., 
des  Belges,  1834,  p.  232. 


17 


Il  se  vante  d’être  si  bien  approvisionné  qu’il  est  dans 
le  froment  jusqu’aux  genoux  {Rev.  des  trad.  pop.,  V,  571). 

Rolland  (compl.)  raconte  une  vantardise  encore  plus 
forte  d’après  Her vieux,  Fabulistes  lat.,  IV,  183,  Le  tro¬ 
glodyte  se  vante  de  pouvoir  retenir  le  soleil  avec  ses 
pattes,  si  celui-ci  venait  à  tomber.  Mais  voici  qu’une 
feuille  d’arbre  tombe,  et  l’oiseau  épouvanté  s’envole  et 
appelle  St-Martin  au  secours. 

Cette  ironie  populaire  vis-à-vis  du  troglodyte,  elle 
aussi  se  retrouve  dans  les  noms. 


3.  Histoire  du  folklore,  description,  confusion 

des  oiseaux. 

§  7.  Nous  venons  de  voir  ce  qu’on  dit  dans  le  peuple 
du  plus  petit  oiseau  d’Europe,  du  troglodytes  europæus 
ou  troglodytes  troglodytes.  Les  auteurs  montrent  qu’ils 
connaissent  bien  le  caractère  du  petit  compère  rusé:  Le 
troglodyte,  sorte  de  petite  boule  brune,  continuellement 
en  mouvement,  se  fourre  partout  et  sautille  de  pierre 
en  pierre,  de  branche  en  branche.  Comme  il  vole  très 
mal,  il  reste  toujours  près  de  terre.  Sa  queue  se  dresse 
presque  verticalement  en  l’air,  ce  qui  contribue  à  lui 
donner,  malgré  sa  petitesse  —  il  n’a  que  10  cm  de  lon¬ 
gueur  —  un  air  dégagé,  gai,  un  peu  impertinent,  qui 
provoque  l’ironie.  A  côté  de  son  chant  très  beau  qu’on 
peut  entendre  aussi  en  hiver,  il  se  fait  remarquer  par 
un  cri  bruyant,  peu  en  proportion  avec  sa  petite  taille  : 
zerrrrr,  zerrrrr,  zerrrrr  .  .  .  Lorsqu’il  a  peur,  les  cris  se 
suivent  plus  rapidement;  on  entend  alors  des  zeck,  zeck, 
zeck  .  .  .  très  forts.  On  le  rencontre  dans  toute  l’Europe. 
Dans  les  Alpes  il  s’élève  jusqu’à  la  limite  des  arbres. 

§  8.  On  reconnaît  bien  des  traits  caractéristiques  du  tro¬ 
glodyte  dans  le  folklore  ;  mais  on  y  retrouve  aussi  d’autres 
traits  qui  ne  sauraient  se  rapporter  à  cet  oiseau.  Quelle 
raison  aurait-on  eu  de  traiter  d’oiseau  béni  le  petit  être 
impertinent  ou  de  lui  attribuer  le  rôle  de  roi  des  oiseaux? 
Cela  encore  pourrait  être  de  l’ironie.  Mais  je  crois  plutôt 


2 


18 


reconnaître  dans  la  fable  de  l’aigle  et  du  roitelet,  avec 
Soulahti  et  d’autres,  un  conte  étiologique,  c’est-à-dire  un 
conte  qui  explique  un  phénomène  naturel  quelconque,  une 
habitude  ou  une  particularité  extérieure  d’un  être  vivant, 
telle  la  charmante  histoire  que  S.  Lagerlôf  raconte  du 
petit  rouge-gorge  dans  ses  „Christus-Legenden“.  On  aura 
d’abord  donné  le  nom  et  le  rôle  du  roi  des  oiseaux  non 
pas  au  troglodyte,  mais  à  son  congénère  de  même  taille, 
au  regulus  cristatus,  ou  au  regulus  ignicapillus,  au  vrai 
roitelet  ou  roitelet  crêté.  Ces  oiseaux  portent  sur  la  tête 
un  ou  trois  bandeaux  orange  plus  ou  moins  clairs  et 
prononcés  suivant  le  sexe  et  l’âge  ;  celui  du  regulus  igni¬ 
capillus  ou  roitelet  d’été  est  plus  foncé  que  celui  du 
regulus  cristatus  ou  roitelet  d’hiver.  Au  moment  de  l’ac¬ 
couplement  le  mâle  hérisse  ses  plumes  qui  ressemblent 
alors  à  une  belle  couronne  couleur  de  flamme.  De  là 
son  nom  de  roi.  A  part  cela  il  a  une  livrée  peu 
éclatante,  d’un  gris  verdâtre  plus  foncé  sur  le  dos  que 
sur  le  ventre.  Le  regulus  a  donc  un  plumage  et  aussi 
un  caractère  très  différents  de  celui  du  troglodyte.  C’est 
un  oiseau  timide,  délicat,  difficile  à  voir  de  près,  parce 
qu’il  préfère  rester  au  sommet  des  arbres.  Là  le  petit 
oiseau  si  vif  sautille  sans  cesse  de  branche  en  branche 
avec  les  mêmes  mouvements  gracieux  et  agiles  que  les 
petites  mésanges  dont  la  sociabilité  de  notre  oiseau  lui 
fait  rechercher  la  compagnie.  Son  chant,  un  „si,  si,  si*^  très 
faible,  beaucoup  moins  bruyant  que  le  ,.,zenTr,  zerrrr“  de 
son  cousin  des  sous-bois,  ressemble  aussi  à  celui  de  quel¬ 
ques  petites  espèces  de  mésanges,  avec  lesquelles  le  pro¬ 
fane  le  confond  assez  souvent. 

§  9.  On  aura  donné  le  nom  de  roi  au  regulus  à 
cause  de  sa  couronne.  Ensuite,  le  regulus  étant  moins 
fréquent  que  le  troglodyte,  plus  timide,  ne  se  laissant 
pas  approcher,  tandis  que  le  troglodyte  est  beaucoup 
plus  familier,  on  appliqua  le  nom  très  expressif  de  roi¬ 
telet  au  troglodyte.  Il  fallut  alors  inventer  une  fable  pour 
expliquer  ce  nom  de  petit  roi  appliqué  au  troglodyte.  C’est 
ce  qu’on  fit  en  imitant  d’autres  fables  racontant  l’élection 
d’un  roi  des  animaux  ou  des  oiseaux  spécialement.  Ces 


19 


fables  sont  très  fréquentes  dans  le  folklore  de  tous  les 
I)euples.i)  Le  troglodyte  y  représente  le  type  de  l’étre 
faible  qui,  grâce  à  sa  ruse,  triomphe  d’un  plus  fort  que 
lui,  type  que  le  peuple  aime  beaucoup  et  qu’il  a  illustré 
dans  le  roman  du  renard.  Le  roitelet  et  l’aigle  font  un 
pendant  au  renard  et  au  loup  de  ce  roman.2)  Ce  rôle 
de  dupeur  du  plus  fort  correspond  fort  bien  au  troglo- 
dj^te,  mais  pas  du  tout  au  roitelet  crêté. 

§  10.  La  confusion  de  deux  oiseaux  différents  ne 
doit  pas  trop  étonner.  Nous  rencontrons  beaucoup  de  cas 
semblables.  L’homme  ne  connaît  guère  les  animaux  et 
les  plantes  (]ui  ne  lui  sont  d’aucune  utilité.^) 

Les  noms  donnés  aux  oiseaux  ne  décèlent  pas  une 
connaissance  bien  profonde  de  leurs  habitudes  ni  une  ob¬ 
servation  très  exacte.  Un  premier  coup  d’œil,  une  per¬ 
ception  auditive  superficielle  les  ont  souvent  suscités. 

L’étude  des  naturalistes  grecs  et  romains  montre  du 
reste  clairement  que  les  deux  oiseaux,  le  troglodyte  et 
le  regulus,  n’étaient  pas  nettement  distingués  dans  l’anti¬ 
quité.  On  se  figure  aisément  qu’au  moyen  âge,  où  la 
nature  était  moins  connue  que  dans  l’antiquité,  cette  con¬ 
fusion  persista.  Au  XVU"™®  et  siècle  la  plupart  des 

naturalistes  savaient  qu’il  y  a  deux  espèces  d’oiseaux 
que  le  vulgaire  appelle  roitelet,  mais  ils  ne  les  distin¬ 
guaient  pas  (voir  Aldrovande).  Brisson  fit  ce  que  GeLner 
avait  fait  longtemps  avant  lui  :  il  donna  une  description 
assez  exacte  du  plumage  et  des  habitudes  des  deux  oiseaux. 

9  Comparez  la  jolie  fable  de  Marie  de  France,  N°  46  de 
l’édition  de  Warnke,  et  Warnke,  Die  Quellen  des  Esope  der  Maine 
de  France,  Festgabe  fur  Hermann  Suchier,  1900,  p.  196. 

2)  Grimm  raconte  aussi  une  guerre  entre  le  troglodyte  et  l’ours. 

Beauquier,  Faune  et  Flore  franc-comtoise,  dit  que  les  pay¬ 
sans  confondent  de  grands  oiseaux  comme  l’aigle,  la  buse  et  le 
milan  entre  eux  et  leur  donnent  à  tous  le  nom  d’aigle. 

Je  me  rappelle  avoir  connu  le  nom  du  „Zaunkdnig‘‘  longtemps 
avant  de  connaître  l’oiseau.  Le  nom  me  resta,  parce  qu’il  m’avait 
frappé,  et  une  fois  que  j’observais  de  très  petits  oiseaux,  je  les 
appelai  des  roitelets  bien  qu’ils  n’en  fussent  certainement  pas. 
Peut-être  pouvons-nous  expliquer  de  la  sorte  le  fait  qu’on  attribua 
au  troglodyte  le  nom  du  roitelet. 


20 


Buffon  enfin  remit  les  choses  au  point.  Un  peu  brutale¬ 
ment,  il  refusa  catégoriquement  au  troglodyte  le  nom  de 
roitelet,  bien  qu’on  l’employât  dans  toute  la  France,  et  il 
le  baptisa  arbitrairement  du  nom  grec  troglodyte.  Cette 
désignation  fut  adoptée  par  la  langue  littéraire. 

Mais  le  vulgaire  ne  distingue  guère  ces  deux  oiseaux 
pourtant  si  différents  l’un  de  l’autre.  J’ai  donc  renoncé 
à  séparer  dans  mon  étude  linguistique  les  noms  du  tro¬ 
glodyte  de  ceux  du  vrai  roitelet.  Je  dirais  seulement  que 
la  plupart  des  noms  désignent  le  troglodyte,  le  plus  fré¬ 
quent,  le  plus  facile  à  voir,  celui  qui  se  fait  le  plus  re¬ 
marquer.  Je  consacrerai  cependant  à  la  fin  de  mon  travail 
un  chapitre  spécial  aux  noms  qui,  par  leur  étymologie 
et  d’après  le  témoignage  de  ceux  qui  les  notent,  appar¬ 
tiennent  certainement  au  regulus  cristatus.  Ils  sont  en 
petit  nombre  et  manquent  complètement  dans  beaucoup 
de  contrées. 


4.  Noms  grecs  et  latins  du  roitelet. 

§  11.  M.  Fritz  Robert  donne  pour  le  troglodytes  et 
le  regulus  les  noms  suivants  :  Tp6/i7.oç,  c’est-à-dire  le 
coureur  (qui  désigne  aussi  le  pluvier  d’Egypte),  pa(7'A£üç, 
le  roi,  appartenant  sans  doute  au  fond  au  roitelet  huppé 
et  au  roitelet  à  triple  bandeau,  pa(7i>i(r/wOç,  Trpécrp’jç,  le 
vieillard,  Tupavvoç.  Aétius  (11,11)  l’appelle  aussi 
B'jttjÇ,  c’est-à-dire  celui  qui  habite  des  trous  et  des  cavernes. 

Aristote  {NaturgescMchte  der  Tiere^  10  Bûcher,  deutsch 
von  A.  Karsch,  VIII,  5)  dit  du  qu’il  vit  dans  le 

voisinage  de  l’eau,  qu’il  se  nourrit  de  vers,  qu’il  est  très 
petit,  mais  agile  et  qu’il  habite  des  buissons  épais  et  des 
cavernes.  Ceci  repose  sur  une  observation  très  juste. 
Ensuite  il  raconte  que  l’aigle  est  son  ennemi  à  cause  de 
son  nom  ^olgiIz'jç]  ce  qui  prouverait  qu’ Aristote  avait 
connaissance  de  la  fable.  Par  il  entend  sans  doute 

le  roitelet  crêté,  car  il  dit  que  le  Tüpawoç  n’est  pas  beau¬ 
coup  plus  grand  que  la  sauterelle,  qu’il  a  une  huppe  jaune 
et  qu’il  est  un  charmant  petit  oiseau,  très  bien  fait. 


82/03/01 
870.97CL8S 


1 6“  4Vv 


(NOLC  ) 

19^)6 

C003 

OLSON,  SIGUPO  F.  1 899-- 


72d445 


IMF.  SINGING  W1  LDfcKNESS$NY 


PüRLIC  (P)  SHLS 
SHAWNEE  LIBPÂRY  SYSTEM 
I  NTERLI  P.RARY  ÜELIVERY  SYSTEM 
ILOS  ROUTE  6 

CAMPUS  IPP  (UIUC) 


SNAGO  82/02/24  82/03/01 


L  IBRARY : 
TERMl  NAl  : 
PATRON  IC: 


ST ACKS 
UI RRC  1 
000-4  7»  30  01 


21 


Les  Romains  empruntent  aux  Grecs  le  mot  gi’ec 
trochilus  pour  désigner  le  roitelet  (Plini  Secundi,  Natu- 
ralis  Historiae,  Ausgabe  von  Jul.  Sillig,  1.  VJU,  25;  X,  74; 
Ammiani  Marcellini,  Rerum  Gestarum  libri  qui  supersunt, 
éd.  Ejssenhardt,  XXII,  15,  19).  Mais  nous  cherchons 
en  vain  chez  eux  une  description  de  ce  trochilus  dans 
la  littérature  latine.  Tout  ce  que  nous  y  trouvons,  c’est 
que  ce  petit  oiseau  (parva  avis,  avicula  brevis)  cherche  sa 
nourriture  dans  la  gueule  béante  du  crocodile  dormant. 
Pline  (X,  74)  paraît  connaître  la  fable  du  roitelet  et  de 
l’aigle,  car  il  cite,  parmi  beaucoup  d’autres  disputes  entre 
oiseaux,  la  guerre  entre  le  trochilus  et  l’aigle,  causée  par 
le  nom  de  rex  aviutn  qu’on  donne  au  trochilus  en  Italie. 
La  fable  elle-même  ne  nous  est  pas  transmise  par  les 
anciens,  autant  que  je  sache. 

Un  oiseau  nommé  régulas,  diminutif  de  rex,  est 
mentionné  dans  V Anthologia  Latina  de  Alex.  Riese,  762, 43  : 

„Regulus  atque  merops  et  rubro  pectore  progne. 

Consimili  module  zinzilulare  sciunt.“^) 

Peut-être  Suétone  parle-t-il  aussi  du  roitelet  dans  le 
passage  suivant  (Suétoni  Tranquilli,  De  vita  Caesarum, 
liber  1,  Divus  Julius,  §  81,  éd.  Roth)  :  „Pridie  autem 
easdem  Idus  avetn  regaliolum,  cum  laureo  ramulo  Pom- 
peianae  curiae  se  inferentem,  volucres  varii  generis  ex 
proximo  nemore  persecutae  ibidem  discerpserunt.  “  Sa  mort 
est  ici  un  mauvais  augure,  ce  qu’on  croit  encore  aujour¬ 
d’hui  en  quelques  endroits  (voir  introduction,  §  5). 

Voici  les  autres  formes  que  donne  le  Corpus  Glos- 
sariorum  Latinorum  (ces  formes  sont  presque  toujours 
traduites  par  le  grec  padt'Xicr/.oç  =  petit  roi,  qui  est  aussi 
le  nom  d’un  serpent.  On  ne  peut  donc  savoir  ce  que  les 
Glossateurs  entendent  dans  chaque  cas  spécial)  ;  regulus 
basiliskos,  II,  256,  18;  III,  91,  2;  188,  15;  259,  61; 
305,  16  ;  472,  39  ;  490,  26  ;  510,  53.  Deux  gloses  : 
regillus  regulus,  IV,  385,  50  ;  V,  609,  18.  Regaliolus 
désigne  notre  oiseau,  puisqu’une  fois  ce  mot  est  rendu 


0  Le  merops  paraît  être  le  guêpier  (merops  apiaster). 


22 


par  spinnos  (pinson),  III,  89,  71,  les  autres  fois  par  ba- 
siliskos,  III,  360,  32. i) 

Rolland  (compl.)  ajoute  rupîdo,  senator,  regaliotus 
(anc.  nomencl.y  Brujerinus,  De  re  cib.,  1560,  p.  816), 
magus  avium  (W.  Stokes,  Comac's  Gloss.,  1868,  p.  60), 
fucîla  (Gœtz,  III,  188,  21)  est  probablement  une  erreur 
du  copiste  pour  fulica  (la  macreuse). 


0  D’autres  formes  en  sont  regariolus,  III,  319,  10;  433,  1; 
510,  73;  reguariolus,  III,  19,  19;  ripariolus,  III,  416,  42  (plutôt 
rhirondelle  du  rivage);  greguariolus,  III,  17,  44;  gregariolus^  III, 
397,  49  (plutôt  la  bergeronnette);  regaviliolus,  spinnos,  II,  171,  12; 
regausoliis. 


B.  LES  NOMS  FRANÇAIS. 


§  12.  On  peut  s’inspirer  de  différents  principes  pour 
désigner  les  oiseaux.  Suolahti  (introduction,  p.  27)  en 
distingue  trois  critères  principaux  :  la  voix,  l’extérieur  et 
les  mœurs  de  l’oiseau.  Il  constate  en  outre  que  fré¬ 
quemment  les  noms  de  personnes  passent  aux  oiseaux. 

Pour  Bonelli  (p.  374)  ce  sont:  la  couleur  des  plumes, 
le  chant  et  la  nourriture  préférée.  Il  ajoute,  pour  prévenir 
tout  schématisme  :  .„Ma  il  popolo  non  obbediva  a  nessuno 
schéma  mentale,  ma  pur  di  un  medesimo  oggetto  l’ im- 
pressione  varia  a  seconde  dell’  indole  fisiologica  e  psicologica 
di  chi  avverte  o  considéra. “ 

Je  distinguerai  pour  les  noms  du  roitelet,  en  prenant 
pour  base  plutôt  les  couches  de  la  géographie  linguistique, 
les  groupes  suivants  : 

1.  Les  noms  évoqués  par  le  conte  antique  du  roitelet 
et  de  l’aigle. 

2.  Les  noms  dérivés  de  hitriskus,  mot  probablement 
prélatin. 

3.  Pétaret  et  ses  dérivés. 

4.  Les  noms  de  formation  romane. 


1.  Les  noms  formés  sous  l’influence  du  conte 
antique  du  roitelet  et  de  l’aigle. 

§  13.  La  tradition  latine  manque  pour  beaucoup 
d’oiseaux.  H.  Büskens  cite  comme  tels  la  fauvette  (p.  13), 
le  gros-bec  (p.  35),  la  linotte  (p.  39).  On  pourrait  cer¬ 
tainement  en  augmenter  le  nombre. 

D’autres  oiseaux  possèdent  bien  un  nom  latin,  mais 
celui-ci  n’a  laissé  aucune  trace  en  France,  telle  la  bergeron¬ 
nette  par  exemple.  (Le  mot  rîiotacilla  n’a  peut-être  pas  pu 
pénétrer  en  France  parce  qu’il  y  avait  le  mot  hirhicariolus.) 


24 


Enfin  le  nom  français  peut  correspondre  à  un  nom 
latin  sans  en  être  une  continuation  directe.  C’est  le  cas 
pour  le  chardonneret  (cardu-elis  ou  cardu-us)  et  pour 
le  roitelet.!) 

Pour  celui-ci,  à  l’exception  d’un  orchil  savant,  ab¬ 
solument  isolé  dans  Remy  Belleau  (Œuvres,  éd.  Gaiv., 
II,  257)  qui  est  une  mutilation  de  trochilus,  aucun  des 
noms  de  l’antiquité  ne  s’est  continué  directement  dans 
les  langues  romanes.  Par  contre  ils  furent  importés  plus 
tard  avec  la  fable  et  traduits  alors  en  langue  vulgaire. 
Cependant  régulas  n’a  pas  pu  pénétrer  facilement  en 
France  parce  qu’on  y  avait  un  nom  celte  pour  le  roitelet 
(Bitriskus). 

§  14.  Ainsi  rex  avîum  ou  simplement  rex  apparaît 
déjà  en  1572  (Rolland,  compl.),^)  ensuite  dans  Cotgrave, 
aujourd’hui  spontanément  dans  le  midi  de  la  France  : 
Roi  (carte  .„roitelet“  de  l’Atlas  linguistique,  aux  points  674, 
669,  771,  781,  777,  602,  800,  904,  813,  837,  777,  882, 
898),  roi  des  oiseaux  (aux  points  702,  812,  815,  825, 
822,  980,  877,  883  de  l’ALF).  H  se  retrouve  dans  le 
nord  et  dans  le  centre  de  l’Italie.  Un  ro  et  un  ra  d’ ouhé 
sont  aussi  signalés  dans  les  Vosges  par  Bloch  et  Raillant 
(à  St-Amé),  un  re  tout  à  fait  isolé  dans  la  Manche  (Rol¬ 
land,  compl.).  Le  correspondant  du  Glossaire  à  Estavayer 
connaît  un  ra.^) 

§  15.  La  forme  féminine  regina  à  Nice  (Rolland) 
est  intéressante.  Elle  doit  être  venue  du  Piémont  où  on 
appelle  le  roitelet  huppé  regina^  regineta  (Bonelli). 

!)  Il  est  vrai  que  les  deux  mots  ne  se  développent  pas  tout 
à  fait  parallèlement  parce  que  le  mot  qui  est  la  base  (carduus) 
change  aussi  en  card(u)one  (chardon)  et  le  mot  dérivé  suit  ce 
changement  parce  que  la  composition  est  encore  transparente. 

2)  Dans  Thierry:  Dictionnaire  François-Latin,  corrigé  et 
augmenté  par  J.  Thierry  ;  de  plus,  il  y  a  à  la  fin  un  traité  d’aucuns 
mots  appartenant  à  la  Venerie  pris  du  deuxième  livre  de  la  philo¬ 
logie  de  M.  Bu  dé,  Paris  1572. 

Cfr.  le  pisan  re,  rei  à  Nice  (Merlo),  re  di  üsii  à  Milan 
(Flecchia  et  ailleurs  dans  le  nord  de  l’Italie),  araig  dans  l’Engadine 
(Pult). 


25 


Les  mots  empereur  et  prince  qui  sont  peut-être 
aussi  en  rapport  avec  la  fable  ne  désignent  en  France 
que  le  roitelet  huppé. 

§  16.  Les  désignations  formées  d’après  le  modèle  du 
latin  régulas  sont  cependant  beaucoup  plus  fréquentes  et 
plus  généralement  répandues,  parce  qu’on  a  une  tendance 
à  employer  des  diminutifs  ou  suffixes  caritatifs 
pour  désigner  les  oiseaux  chanteurs  :  Alou-ette,  moin-eau. 
Souvent  on  ajoute  même  au  premier* suffixe  diminutif 
une  seconde  terminaison  plus  vivante  :  berger-onn-ette, 
rossign-ol-et,  chardonn-er-et.  A  plus  forte  raison  ce  pro¬ 
cédé  s’explique  lorsqu’il  s’agit  du  plus  petit  oiseau  connu 
en  Europe.  On  ne  trouve  presque  pas  assez  de  suffixes 
à  ajouter  l’un  à  l’autre  pour  rendre  l’impression  de  sa 
petitesse.  Il  arrive  toujours  un  moment  où  le  mot  employé 
jusqu’alors  perd  sa  valeur  affective  par  l’usage.  On  ne 
sent  plus  la  diminution  ;  on  rallonge  alors  le  mot  primitif 
par  un  nouveau  suffixe. i) 

Le  suffixe  -ulus  diminutif  que  renferme  le  latin 
regulus  n’était  plus  guère  vivant  en  français.^)  On  forma 
les  nouveaux  diminutifs  avec  d’autres  suffixes. 

§  17.  Nous  trouvons  deux  gloses  regillus:  regulus 
dans  le  Corp.  Gloss.  Lai.,  IV,  385,  et  V,  609.  Cette  forme 
vit  encore  dans  le  sud  de  l’Italie,  seule  contrée  ou  -illus 
ne  fut  pas  remplacé  par  -ellus,  sous  la  forme  de  riillu 
en  Calabre  (Meyer-Lübke),  renîllo  à  Naples  (Salvioni 
indique  cette  forme  en  expliquant  dans;  Rendiconti  del 
Isiituto  lornh.j  XLIV,  806),  jerillo  (ibidem,  XLIV,  787), 
riiddu  en  Sicile  (Merlo). 

a)  Les  trois  étapes  de  roitelet. 

La  plupart  des  formes  françaises  remontent  à  un 
REX  avec  le  diminutif  -ittus:  reiet  ou  à  ses  variantes 
reîot,  reiat  comme  premier  membre  de  la  grande  chaîne 

1)  M.  Gauchat  fait  la  même  constatation  pour  le  mot  écureuil. 
Il  dit:  „Plus  on  tend  à  exprimer  la  petitesse  de  l’objet,  plus  le 
mot  s’allonge"  (Les  noms  gallo-romans  de  V écureuil,  Mélanges  Wil- 
motte,  p.  175—201). 

Cfr.  Meyer-Lübke,  Grammatik  der  romanischen  Sprachen, 
Bd.  2,  Formenlehre,  §§  430  und  500. 


26 


des  diminutions,  parce  que  le  suffixe  -ittus  est  très 
répandu  ;  c’est  le  suffixe  diminutif  par  excellence,  tout 
au  moins  dans  le  nord  de  la  France,^)  et  celui  qui  sert 
à  former  des  petits  noms.  Mais  à  l’exception  de  l’Ile  de 
France,  du  franco-provençal  et  de  la  Belgique,  ce  type 
ne  forme  pas  de  grandes  zones  d’expansion.  Il  se  ren¬ 
contre  un  peu  partout.  Les  témoignages  manquent  ce¬ 
pendant  totalement  pour  la  Bretagne,  l’Anjou  et  le  Poitou. 

Il  est  difficile  de  distinguer  les  formes  autochtones 
des  formes  importées  de  Paris,  parce  que  l’importation 
d’un  mot  a  pu  avoir  lieu  à  des  époques  diverses,  et  qu’il 
a  été  plus  ou  moins  assimilé. 

La  première  étape  du  francien  roitelet  :  reiet,  est  re¬ 
présentée  dans  la  France  septentrionale  par  un  seul  reste: 
royat  dans  l’Aube  (Ray,  Catalogue  de  la  Faune  de  V Auhe, 
Troyes,  1834).  La  variante  reiot  paraît  subsister  encore 
en  Normandie  sous  la  forme  rîo  (Brion,  Lexique  du  patois 
de  la  Villette,  Calvados). 

Dans  le  midi  de  la  France,  ces  formes  apparaissent 
plus  fréquemment  que  dans  le  nord,  peut-être  seulement 
parce  que  ma  carte  y  est  plus  complète  :  réyét  au  point 
659  (dép.  de  Tarn-et-Garonne),  réyàt  dans  les  Landes 
et  en  Gironde  aux  points  643,  656,  664,  665,  672,  681. 

§  19.  Tandis  que  reiet  ou  reiot  sont  à  la  base  de 
presque  tous  les  diminutifs  de  roi  qu’on  forma  en  France, 
rei-etel  avec  une  diminution  double  est  propre  à  la  partie 
septentrionale  seulement. 

Godefroy  donne  les  exemples  suivants  pour  rei-etel: 

1.  Il  estoit  mendre  d’un  moisson  et  pou  graindre 
d’un  roietel  (Lai  de  V oiselet,  83).  (Ce  Lai  est  écrit  en  picard- 
francien  et  date  du  premier  quart  du  treizième  siècle.)  2) 

2.  Si  ravoit  aillors  granz  escoles  de  roietiaus  et  de 
torteroles  {Le  roman  de  la  rose,  éd.  par  Langlois,  p.  648). 
(Premier  tiers  du  treizième  siècle.) 

9  Lo  suffixe  diminutif  -ittus  fut  ajouté  d’abord  (inscriptions 
romaines  de  l’époque  impériale)  à  des  noms  propres  féminins  (cfr. 
Nyrop,  Grammaire,  III,  Formation  des  mots,  §  220). 

2)  Le  Lai  de  l’oiselet  dans  les  Légendes  du  moyen  âge  de 
G.  Paris,  p.  274. 


27 


3.  Après  chanta  li  routé  à  haute  vois  sérié  (de  Venus, 
la  déesse  d^amor,  str.  127),  d’après  Godefroy. 

Reietel  est  encore  en  usage  aujourd’hui  dans  le  nord 
de  la  France  et  en  Belgique.^) 

§  20.  La  troisième  étape  de  regulus  est  représentée 
par  rei-etelet,  forme  à  triple  diminutif,  encore  en  usage 
en  français  moderne. 

On  trouve  roitelet  déjà  dans  le  Compl.  de  Godefroy 
dans  les  exemples  suivants  que  je  ne  puis  ni  identifier 
ni  localiser: 

Un  petit  oiseau  nommé  roytellet  (roman  d^ Alexandre, 
B.  N.  15468,  fo.  211  b). 

Le  ratellet  des  maisons  (kaland.  des  herg.,  p.  164, 1493). 

Toutefois  le  roitelet  se  trouve  son  ami  pacifique 
(Saliat,  Herod.,  II,  f.  470  et  1561). 

Reietelet,  apparamment  développé  spontanément,  se 
trouve  encore  aujourd’hui  en  Normandie,  en  Belgique  et 
dans  les  Vosges.^) 

Beaucoup  de  formes  de  la  France  du  nord  et  surtout  du 
nord-est  remontent  a  reietelot  (avec  suffixe  -ot).^)  M.  Ed- 
mont  (Lexique  St-Polois)  donne  rotlô  à  côté  de  rotléA) 

9  Roietai  (Sélys-Longchamps,  Faune  de  Belgique,  1842), 
roytê  à  St-Hubert  {Rev.  des  pat.,  IV,  211),  rôtia  (Grandgagnage, 
Dictionnaire  wallon.,  1846  [-ellus  >  ya  dans  une  partie  de  la 
Belgique,  cfr.  carte  nouveau,  bateau]),  rotay  au  point  191  de  l’ALF, 
à  Metz  reutée  (Jaclot,  Le  Lorrain  peint  par  lui-même,  1853 — 54 
[reii  —  roi]),  à  la  Poutroye  raHd  (Horning,  Ostfranzosische  Grenz- 
dialekte  [-ellus  donne  e*]),  dans  le  dép.  de  la  Marne  roytiaus 
(Tarbé  [-ellus  y  donne  yo]),  à  Jersey  rëtê  (ALF  [-ellus  >  ê, 
carte  bateau]). 

2)  ritlé  au  p.  258  (Seine-Inférieure),  à  Abbeville  rutelet  (Mar¬ 
cotte,  Les  animaux  vertébrés  de  V arrondissement  d'Abbeville,  1860), 
rotlé  aux  p.  290  et  275  (Pas-de-Calais),  roetlé  au  p.  288,  roûVlet 
dans  le  Luxembourg,  ret’la  à  Kemilly  près  Metz  (Rom.,  II,  451), 
rétlé  dans  les  Vosges  méridionales  (Bloch).  Mentionnons  aussi 
râtela  (m.)  dans  l’Yonne  (Eolland,  compl.),  et  ratelâ  dans  le 
Morvan  (Chainbure). 

^)  Cfr.  sur  ce  changement  de  suffixes  I.  Gilliéron,  Pathologie 
et  Tlwrapeutique  verbales,  1921,  p.  156  ss. 

^)  D’autres  formes  semblables  sont:  rotliot  aux  environs  de 
Cambrai  (Boniface,  Histoire  du  village  d’Esne.  1863),  ru°tlu°  au 
p.  271  (dép.  du  Nord)  de  ALF. 


28 


Les  données  pour  les  départements  de  l’Oise,  de 
l’Aisne  et  des  Ardennes  me  manquent  complètement.  — 
On  trouve  ritlô  au  point  128,  rtUlô  aux  points  110 
et  112  (dép.  de  l’Ailier)  et  dans  Baudouin  (Diction¬ 
naire  de  la  Forêt  de  Clairvaux).  Rolland  donne  cette 
forme  pour  Châtillon-sur-Seine,^)  rwétlô  dans  les  Vosges 
(Bloch),  raitelot  à  Marigny-Arbois  (Beauquier),  rételo  dans 
le  Jura  (Monnier,  Langue  rustique  du  Jura,  p.  198), 
rètelo  à  Mesnay  (Rev.  de  Phil.fr.,  XIV,  47),  à  côté  de 
rételin  isolé  à  Mouthier  (Beauquier),  rootelot  dans  l’Ajoie 
(Guélat,  Patois  de  VAjoie,  1820). 

b)  La  zone  d’expansion  récente  du  mot  littéraire. 

§  21.  Cette  zone  a  un  aspect  curieux.  Pour  l’Ile 
de  France  et  les  contrées  environnantes,  ma  carte  est 
incomplète;  je  pense  que  l’aire  de  roitelet  y  est  assez 
étendue.  Sans  cela,  à  l’exception  de  Lyon  et  du  dép. 
de  l’Ain,  où  une  assez  grande  zone  du  type  parisien 
s’est  superposée  à  l’ancienne  couche  répétéré,  rwatlé 
( râtelé)  ne  se  trouve  qu’à  des  points  isolés  entourés  tout 
autour  d’autres  types.  C’est  que  le  mot  parisien  ne  s’est 
pas  transmis  oralement;  il  s’est  répandu  par  la  langue 
littéraire  qu’on  enseigne  à  l’école. 

Il  en  est  de  même  pour  les  quelques  formes  du  Jura 
bernois  :  Rotelai  à  Bonfol,  rotlé  à  Mettemberg  ( Glossaire). 
Une  zone  de  roitelet  s’est  formée  dans  la  France  centrale 
(p.  506,  601,  901,  802,  803,  806,  804,  811,  814).  A  l’est 
on  dit  rwatlêt  aux  points  973,  847.  Nous  trouvons  aussi 
en  Provence  des  points  isolés  auxquels  l’expression 
venue  de  Paris  s’est  imposée,  p.  895  (Var),  851  (Gard), 
830  (Lozère).  A  l’ouest  nous  la  rencontrons  aux  points 
549,  675  (Gironde),  649,  635  (Tarn-et-Garonne),  695 
(Hautes-Pyrénées).  J’aurai  l’occasion  de  démontrer  dans 
la  suite  que  partout  ce  mot  nouveau  est  venu  combler 
une  lacune. 

Aux  p.  705,  750  (Puy-de-Dôme)  et  760  (Haute- 
Garonne)  on  dit  rastélé(t).  Ces  points  se  trouvent  à  côté 

9  Dans  cette  région  -ottus  semble  être  préféré  à  -ittus: 
il  remplace  ce  dernier  aussi  sur  les  cartes  „œillet“,  „alouette“. 


29 


d’endroits  où  l’on  dit  roitelet  et  dans  la  région  où  s  s’est 
conservé  devant  t  (cfr.  carte  fenêtre);  ie  point  705  est 
sur  la  limite  de  s  conservé.  Cet  s  s’expliquera  donc  par 
fausse  régression  :  à  fenêtre  de  la  langue  écrite  correspond 
fenestre  dans  la  langue  parlée,  à  râteau  rasfel,  à  roitelet 
donc  rastelet,  car  on  ne  reconnaissait  point  dans  ce  mot 
la  racine  regem,  qui,  dans  cette  région,  a  donné  rei,  re. 
Thibaut  (Dictionnaire  hlaisois)  atteste  une  forme  roistel 
qu’il  dit  être  vieillie;  il  n’indique  pas  sa  source.  Peut- 
être  cet  s  est-il  purement  graphique  et  date-t-il  du  temps 
où  l’on  commençait  à  ne  plus  prononcer  le  s  devant  t 
tout  en  l’écrivant  encore. 

§  22.  Tandis  que  roitelet  était  déformé  en  rastelet 
au  p.  705,  il  devint  phonétiquement  ratéré  au  p.  709 
(Cantal)  (cfr.  molinum  mûri).  Ratéré  fut  confondu 
avec  un  autre  nom  d’oiseau  existant  déjà  en  ancien  proA^, 
avec  rater o(l)  <i  *ratariolus  H-  rat  qui  désigne  soit 
le  grimpereau  (Certhia  familiaris)  à  Yinzelies  (Dauzat) 
et  en  Auvergne,  soit  l’hirondelle  de  rivage,  soit  plus 
généralement  un  oiseau  qui  vole  près  de  la  terre  et  qui 
prend  des  rats,  un  petit  faucon,  tiercelet,  martinet  noir 
(Mistral  et  Rolland).  On  arriva  ainsi  à  donner  au  troglo¬ 
dyte  le  nom  du  grimpereau;  ratirôu  au  p.  709  (Cantal), 
rateyrol  au  p.  708,  rateyrooii  dans  la  Haute-Loire  (Rol¬ 
land,  compl.),  ce  qui  se  fit  aussi  ailleurs,  car  les  deux 
oiseaux  ont  une  certaine  ressemblance  de  couleur  et  de 
grandeur;  la  voix  du  grimpereau  peut  être  confondue 
avec  celle  du  roitelet  crêté. 

La  forme  rakié  (p.  953,  Savoie)  et  rakelé  (p.  801, 
Puy-de-Dôme)  s’explique  de  la  même  manière.  Elle  se 
trouve  dans  le  voisinage  du  type  parisien  ratelet,  roiüet. 
Dans  cette  même  région  raclet  ou  rasclet  désigne  le  râle 
(rallus).  Rolland  donne  ce  nom  pour  l’Isère  et  le  Langue¬ 
doc.  Le  nouveau  venu  ratlet,  dépourvu  de  sens,  fut  con¬ 
fondu  avec  le  mot  déjà  existant  raclet.  Raclet  absorba 
ratlet  d’autant  plus  facilement  que  les  deux  oiseaux, 
malgré  de  grandes  différences  de  taille,  se  ressemblent 
un  peu  par  la  voix,  la  couleur  et  la  rapidité  de  leur 
course  sur  la  terre.  Nous  verrons  encore  d’autres  cas  de 


30 


confusion  avec  le  râle,  vulgairement  appelé  roi-de-cailles 
(cfr.  §  75). 

§  23.  Dans  plusieurs  régions  regem  donne  le  même 
résultat  que  rat.  C’est  le  cas  pour  une  partie  de  la  Savoie, 
de  la  Bourgogne,  des  Vosges,  de  l’Orléanais  et  des 
Flandres  (cfr.  les  cartes  „fois“,  „croit“,  „étroit“).  Bateîet, 
retelety  rotelet  peuvent  signifier  aussi  bien  le  petit  roi  que  le 
petit  rat  (souris).  Il  est  évident  que  la  confusion  aura  eu 
lieu  le  plus  facilement  dans  la  région  où  la  fable  du  .^..petit 
roi“  n’était  pas  connue.  D’ailleurs  les  troglodytes,  surtout 
les  jeunes,  ont  de  loin  une  certaine  ressemblance  avec 
les  souris.  Brehm  dit  à  propos  de  cet  oiseau  :  .^.^Er  hüpft 
so  schnell  über  den  Boden  dahin,  daB  man  eher  eine 
Maus  als  einen  Vogel  glaubt  laufen  zu  sehen.“  Naumann 
raconte  qu’il  se  réfugie  dans  les  trous  de  souris.  On  l’ap- 
pele  aussi  petit  rat  dans  le  Jura  (Bauquier)  et  dans  les 
Vosges  (Gérardin,  Traité  élémentaire  âf  ornithologie,  1806), 
et  rater  eau  à  Orléans  (Salerne,  Hist.  nat.  éclaircie  dans 
une  de  ses  parties,  l’ornithologie,  1767)  et  en  Savoie 
(Constantin  et  Désormaux).i) 

§  24.  Le  suffixe  -illon  fut  ajouté  à  reiet  dans  le 
Loiret  :  rutiyu  au  p.  209  de  l’Atlas,  à  Pithiviers  (Rolland), 
dans  le  Jura:  ratillon  (Bauquier,  Ogérien)  et  en  Savoie 
(Constantin  et  Désormaux). 

Les  suffixes  employés  dans  le  nord  de  la  France 
sont  donc  -et  et  -ot,  et,  dans  une  mesure  restreinte, 
-illon. 

Dans  le  midi  de  la  France  -ellus  n’a  joué  aucun 
rôle  dans  les  noms  du  roitelet.  A  reiet  on  ajouta  le  suf¬ 
fixe  -ot:  réyétôt  au  p.  785  (Aude),  ou  -  on:  ritn  (p.  810, 
Lozère).  Quelquefois  le  suffixe  -attus,  employé  dans 
beaucoup  de  noms  d’animaux,  a  peut-être  remplacé  -  ittus 
(cfr.  Adams,  Word-Formations  in  Provençal,  1913,  p.  148): 

9  Peut-être  faut- il  mentionner  ici  aussi  ratatêt  (Hérault), 
désignant  selon  Marcel  de  Serre  aussi  bien  le  troglodyte  que  le 
vrai  roitelet,  et  ratatas  (Crespon,  dép.  du  Gard).  Mistral  dit 
qu’on  appelle  ainsi  le  grimpereau  qui,  lorsqu’il  grimpe  avec  une 
grande  vitesse  sur  le  tronc  d’un  arbre,  ressemble  eu  effet  à  une 
souris. 


31 


riatii  (p.  752,  753,  755,  763,  764,  dép.  du  Tarn  et  de  l’Aude) 
ou  réyatn  (p.  786);  reinu'^)  (p.  759,  dép.  de  l’Hérault),  reinet 
(Languedoc, Mistral)  oxirey^notou  en  Corrèze  (RolL,  compL). 

Riettoul  (Creuse,  Rolland,  compl.)  ne  peut  être 
qu’un  reiet-oul  isolé,  bien  que  le  suffixe  -ol  soit  peu 
populaire  en  provençal  comme  en  français  (cfr.  Adams, 
p.  240),  et  rèpUoul  (ibidem)  sera  une  contamination  de 
ce  diminutif  avec  repetit  voisin. 

c)  Les  noms  du  type  roitelet  en  Suisse  romande. 

§  25.  J’arrive  maintenant  aux  noms  roi  diminutifs 
en  usage  dans  la  Suisse  romande.  Sont-ils  autochtones 
ou  importés  de  Paris?  Le  problème  est  difficile  à  résoudre. 
Peut-être  y  a-t-il  lieu  de  les  mettre  sur  la  même  ligne 
que  les  diminutifs  très  variés  de  regem  dans  l’Italie  du 
nord.  Ici  les  dialectes  ont  suivi  des  voies  différentes.  On 
y  trouve  reet  à  côté  de  reat,  reot,  reatolo,  reatel  à  côté 
de  reatin,  reotin,  reaton,  reguZy  reuzzol,  reuccio  (avec  le 
suffixe  diminutif  -  uceus)en  bergamasque,  realeto  à  Venise. 
Chaque  dialecte  forma  son  propre  diminutif  de  regem 
sans  se  soucier  de  ses  voisins. 

Dans  la  Suisse  romande  il  faut  aussi  admettre  une 
grande  variété.  La  base  commune  de  toutes  les  formes 
est  reiet,  A  reiet  on  ajouta  -  olè(t),  -ola(t),  c’est-à-dire 
-olusH--ittus,  éventuellement  -attus  dans  le  canton 
de  Neuchâtel  {ritola  ou  rètolà),  dans  tout  le  gros  de 
Vaud  (raitola,  raitolè)^  en  partie  aussi  dans  les  Alpes 
vaudoises  fritolè),  dans  le  canton  de  Fribourg  (ritolè, 
rètolèj,  à  des  endroits  isolés  du  Valais  (vallée  du  Trient: 
rètolà,  G rône :  rètolèt,  Mase :  ritolèt );  -elè(t),  -ela(t), 
-  a  1  è ,  c’est-à-dire  -  ellus-|--ittus,  -attus, 2)  dans  tout 
le  reste  du  Valais  (ritèlèt)  et  des  Alpes  vaudoises  (rây~ 
tèlè,  raytalè).^) 

Dans  quelques  contrées  du  Valais,  l  intervocalique 
devint  r  ou  tomba.  Les  correspondants  de  la  vallée  de 

Doit-on  rapprocher  ce  mot  de  regina?  (v.  §  15). 

2)  -ellus  >  al  (cfr.  =  appeler). 

®)  La  forme  rétolé,  spéciale  à  la  Suisse,  se  retrouve  toute¬ 
fois  isolément  en  Savoie  au  p.  944. 


32 


Bagnes,  de  Saillon,  Chamoson  et  Nendaz  écrivent  raiterâ 
ou  riterâ.  Le  l  s’est  changé  en  r  aussi  à  Champéry.i) 

A  Savièze  le  correspondant  note  une  forme  riteoè. 
L’hiatus  résultant  de  la  chute  de  VI  est  comblé  par  w,^) 

Ailleurs  on  ajouta  à  reiet  le  diminutif  -on  qui 
devient  à  (cfr.  la  carte  mouton  qui  donne  muta)  en  plu¬ 
sieurs  endroits  aux  p.  959,  60,  61,  63,  dans  les  régions 
où  il  J  a  ritolan,  ratolcï  à  Lully,  ratolô  à  Granges  de 
Vesin,  ritolà  autrefois  à  Leysin  (aujourd’hui  on  y  emploie 
la  forme  des  villages  voisins  ritolè).  Bridel  donne  un 
reitolan  qu’il  dit  avoir  rencontré  dans  le  Jura. 

Je  ne  comprends  pas  le  suffixe  -m  des  expressions 
du  Val  d’Bliez;  razeru  (Champéry),  ratelu  (Monthey, 
Vérossaz).^) 

A  côté  de  ritola  (m.)  on  rencontre  dans  le  .canton 
de  Vaud  un  féminin  reitola  (Bridel),  ritola  (M*^®  Odin). 
Aujourd’hui  cette  forme  ne  paraît  plus  exister  ;  au  naoins 
les  correspondants  ne  la  relèvent  pas.  Mais  Constantin 
et  Désormaux  connaissent  la  forme  râtela  (f.)  pour  Villard- 

0  Cfr.  Lavallaz,  Essai  sur  le  patois  d’Hérémence,  §  240; 
Fankhauser,  Das  Patois  von  Val  d^Illiez;  Rev.  de  dial,  rom.,  1910, 
p.  343.  Généralement  l  >  r  seulement  devant  une  labiale.  Cornu, 
Rom.,  VI,  p.  398. 

2)  Lavallaz  dit  que  Thiatus  est  généralement  effacé  par  y 
ou  w  (Cornu,  Rom.,  VI,  p.  397).  Même  chute  de  17  dans  muœ 
(moulin)  au  p.  978  de  l’Atlas. 

Il  est  difficile  de  savoir  si  c’est  -ittus  ou  -attus  qui  se 
cache  sous  le  suffixe  -a,  parce  que  -ittus  aboutit  à  a  en  plusieurs 
endroits,  -ittus  se  retrouve  certainement  dans  les  retela  et  retera 
du  Valais  (cfr.  la  carte  „œillet“  de  l’Atlas  où  -attus  qui  s’ajoute 
uniquement  aux  noms  d’animaux  est  exclu).  Sur  la  carte  ^œillet** 
-ittus  >  a  aussi  aux  p.  64,  72,  73  dans  le  canton  de  Neuchâtel. 
Mais  le  suffixe  -a  peut  aussi  dériver  de  -attus  qui  désignait 
à  l’origine  le  petit  d’un  animal,  et  que  nous  rencontrons  aussi 
dans  le  midi  de  la  France  et  en  Italie. 

^)  Selon  M.  Fankhauser  u  représente  le  résultat:  1.  de  o  -j-  s; 
2.  de  au  ;  3.  il  y  a  beaucoup  de  noms  propres  en  -n:  herhi,  yeneru 
(cfr.  Philipon,  Suffixe  -aldo,  Rom.,  ILIII,  50,  où  il  dit  que  -al do 
est  ajouté  aussi  à  des  appellatifs  [p.  56]).  Dans  les  parages  du 
Val  d’Illiez  le  suffixe  -(i)9lus  >  u,  filiolum  >  fedu  au  p.  969, 
filu  aux  p.  975,  fiyu,  feyu  aux  p.  986,  985,  filu  dans  le  Val 
d’Hérémence.  Mais  M.  Fankhauser  donne  pour  fiUeul  fsduâ. 


33 

sur-Doon  (arrondissement  d’Albertville).  Le  roitelet  a 
beaucoup  de  noms  du  genre  féminin  (v.  §  36). i) 

Je  ne  comprends  pas  non  plus  les  formes  avec  s: 
ristoîda  h  Vallorbe,  raistola  au  Chenit  à  côté  de  raitola 
et  razeru  (Champéry). 

§  26.  Il  me  reste  encore  à  parler  du  type  avec  dy 
très  curieux;  roldot  redolè.  Voici  les  témoignages  que 
j’en  possède:  roidot  à  côté  de  roijot  à  Montbéliard  (Sabler, 
Catalogue  des  animaux  de  V arrondissement  de  Montbéliard, 
1864),  redo  en  Franche-Comté  (Boillot),  rado  à  Dam- 
prichard  (Grammont  244),  roidet  (troglodyte  à  côté  de 
em'pereur  roidot  ou  roijot  [roitelet  huppé])  à  Montbéliard 
(Beauquier).  Pour  le  Jura  bernois  le  Glossaire  donne 
roida  (m.)  aux  Pommerats,  r^eda  (m.)  à  Epanvillers, 
roida  (m.)  à  Bonfol. 

A  côté  de  ce  type  simple  il  y  a  un  diminutif  en 
-ittus,  -ottus:  roidelot  à  Montbéliard  (Beauquier)  et 
raddola  à  Plagne  (Berne,  Glossaire).  Ce  diminutif  se  ren¬ 
contre  aussi  dans  le  dép.  du  Jura  à  Petit-Noir:  roiddot 
(Richenet),  rouaddè,  rouad’lo  dans  la  Côte-d’Or  (Rol¬ 
land,  compl.),  roidelo  à  St-Germain-du-Bois  (Guillemin), 
ray^dèlè  dans  l’Ain  (Rolland,  compl.),  rédlé  en  Savoie  au 
p.  947  de  l’ALF  et  rédélé  au  p.  957.  Il  y  a  en  Savoie 
aussi  la  forme  rey’dolè,  rédolè  (Rolland,  compl.),  cor¬ 
respondant  à  rzdoh  du  Val  d’Hérémence  (Glossaire).'^) 
Une  ancienne  forme  redoyelly  citée  par  Aldrovande,  ne 
correspond  pas  exactement  à  rèdolè. 

^)  Peut-être  y  a-t-il  aussi  un  rapport  quelconque  entre  ritolè 
(roitelet)  et  ritolè,  ritoleri  (celui  qui  répète  toujours  la  même  chose, 
à  Gruyère).  Ce  dernier  dérive  de  ritoula  (complainte  ou  romance 
populaire  avec  air  monotone,  grog’non,  personne  ennuyeuse  et  fa¬ 
tigante  par  ses  continuelles  redites,  Vaud  et  Berne  [cfr.  Glossaire, 
et  Bulletin  du  Glossaire,  1910,  46  ;  Les  équivalents  d’ importuner 
par  Pierrehumbert]).  Le  cri  du  roitelet,  répété,  a  quelque  chose 
d’agaçant  et  d’ennuyeux.  Au  point  de  vue  du  sens  un  rapport 
serait  donc  fort  possible;  il  est  même  attesté  par  un  développe¬ 
ment  analogue  en  France,  par  l’expression  „chanson  du  ricochet‘‘ 
(cfr.  §  62).  Ritolè  et  ritoleri  se  sont  peut-être  croisés  dans  leur 
développement. 

^)  Je  pense  que  ordelet  (p.  963,  Savoie)  est  lui  aussi  un  re- 
dolet  avec  metathèse. 


3 


34 


Quelle  est  l’origine  de  ces  formes?  A  Montbéliard 
il  7  a  roijo  à  côté  de  roido.  Royo  pourrait  remonter  à 
reiot;  Vy  a  la  fonction  d’effacer  Thiatus  né  de  la  chute 
de  -g-.  Ne  pourrait-il  en  être  de  même  pour  -d-1  Au  lieu 
de  dire  reo,  rao  à  Montbéliard,  roèa  dans  le  Jura  bernois, 
on  dit  redo,  rado,  roèda.  Un  -d-  sporadique  entre  deux 
voyelles  se  rencontre  dans  le  Tyrol  ;  redatol  à  côté  de 
reatol  (cfr.  Battisti,  Nonsberger  Mundart;  Sitzungsherichte 
der  Wiener  Akademie,  160,  3,  p.  125,  qui  cite  encore  ridi 
pour  7'ivi,  redi  pour  reges,  qu’il  a  trouvés  dans  Ascoli 
[Arck.  Glott.,  I,  330]  pour  les  dialectes  deFondo  et  deRevo). 
La  même  forme  est  donnée  par  Ettmayer,  Lomhard.- 
ladin.  aus  Südtirol,  Rom.  Forsch.,  XIII,  p.  387J)  Ces 
exemples  montrent  que  cette  intercalation  n’est  pas  im¬ 
possible.  Rèdolè  serait  alors  un  diminutif  de  re  formé 
avec  le  suf üxe  -  o  1  è  comme  le  riiolet  de  la  Suisse  romande 
(cfr.  §  25).  Ces  diminutifs  ne  sont  pas  très  fréquents. 
Voici  ceux  que  j’ai  trouvés  dans  Constantin  et  Désormaux  : 
cratola  (crotte  de  chèvre,  de  rat  ou  souris),  hidolet  (?)  = 
sentier,  le  féminin  cresolett,  creuseliette  (petite  boîte  que 
l’on  présente  à  l’église  en  faisant  la  quête).  Un  diminutif 
tout  à  fait  analogue  est  peut-être  çhardolé,  stardolé,  „ avant- 
train  d’une  charrue  pour  labourer“  ;  le  mot  simple  qui 
est  cà  la  base  est  staré  (chariot).^) 

Il  me  reste  encore  à  expliquer  l’ancien  savoyard 
redoyell  (Aldrovande).  On  pourrait  y  voir  redolell 
(<;  *REGOLELLü,  forme  parallèle  à  *regolittü)  avec 
dissimilation  du  premier  l. 

La  forme  rezeto  savoyarde  du  même  Aldrovande 
s’expliquera  peut-être  par  des  foraies  italiennes  telles 
que  rezéto,  pav.  ven.  pad.  (Bonelli).^) 

Mais  reyerut  (p.  985)  me  reste  obscur. 

0  Cfr.  encore  Meyer-Lübke,  Italienisclie  G^'ammatik,  übersetzt 
von  Bartoli  und  Braun,  §  79,  et  Gorra,  Studi  di  fil.  rom.,  1893, 
465  SS. 

2)  On  pourrait  penser  aussi  à  „roi  de  quelque  cliose“,  et  cela 
même  si  -olet  ne  signifie  rien  et  n’a  jamais  rien  signifié  (cfr.  §  31). 

Rezeto  est  le  résultat  phonétique  de  reggeto  dans  plusieurs 

patois. 


35 


2.  Bitriscus  et  ses  dérivés. 

(Voir  la  légende  celtique,  §  24.) 

§  27.  A  côté  des  dérivés  plus  au  moins  directs  du 
latin  REGULUS,  nous  trouvons  répandus,  sur  toute  la 
moitié  septentrionale  de  la  France,  tout  un  groupe  de 
noms  se  rattachant  à  bitriscus,  mot  d’origine  incertaine. 

Voici  les  témoignages  anciens  de  l’existence  de  ce 
mot:  Hôlder  (Altkeltischer  Sprachschatz)  donne  vitriscus 
ou  bitriscus  avec  un  point  d’interrogation.  Il  a  trouvé  ce 
nom  de  r„avicula  perexigua‘*  dans  les  Acta  Sanctorum 
(coll.  Bollandi,  Vita  Aviti,  abb.  Miciac.,  2,  14,  jun.  III, 
p.  355,  E,  et  Vita  Carilefi,  abb.  Amisolensis,  jul.  I,  p.  93,  B). 
Ce  passage  contient  la  charmante  légende  du  petit  oiseau 
qui  vint  pondre  un  œuf  dans  le  froc  que  St-Carilef  avait 
suspendu  à  un  chêne  pendant  qu’il  travaillait  dans  la 
vigne.i)  Il  y  a  dans  les  Acta  Sanctorum,  jun.  III,  p.  356, 
une  note  de  l’éditeur  sur  le  mot  bitriscus  où  il  est 
dit:  „ Bitriscus  (alias  scriptum  britiscus)  fortassim  contracte 
pro  bitoriscus:  sed  bitorius  Cangio  alliisque  est  ardea 
Francis  butoir  avis  sane  non  parva.“  Je  reviendrai  sur 
cette  étymologie.  Voilà  donc  deux  formes  du  même  mot: 
BITRISCUS  et  BITRISCUS  avec  métathèse. 

Le  mot  est  attesté  ensuite  par  plusieurs  gloses,  sur¬ 
tout  latino-anglosaxonnes,  où  il  correspond  presque  par¬ 
tout  à  l’anglais  wren  (troglodyte).  Cependant  la  forme 
BITRISCUS  apparaît  une  seule  fois  (Volume  of  Vocàbu- 
laries,  edited  by  Wright,  II,  126,  37).  Généralement  on 
écrivait  bitorius.  Je  cite  les  gloses  que  Bosworth  (Saxon 
dictionarij,  publié  par  Northcot  Tôlier,  1882)  donne  sous 
wrenna:  wrenna,  bitorius  vel  p>^^lorius  (Wright,  29,  27), 
bitorius,  bitriscus  (Wrigt,  II,  136,  37),  wraenna,  biturius 
(II,  62),  bitorius  (I,  62,  4),  waerna,  bitorius  (11,  12), 
litorius  (51,  59),^)  wrenne,  regulus  (I,  221). 

La  légende  est  encore  vivante  ;  on  la  raconte  de  St-Calais  ; 
St-Malo  permit  même  à  l’oiseau  de  nicher  dans  son  manteau  jus¬ 
qu’à  l’éclosion  de  la  couvée,  et  comme  l’imagination  du  peuple 
surenchérit  toujours,  on  finit  par  raconter  que  le  roitelet  était 
venu  pondre  dans  les  mains  étendues  de  St-Kévin  en  prière  (Rolland). 

2)  Il  y  a  probablement  ici  une  faute  de  copie. 


36 


Dans  le  compl.  de  Rolland  on  trouve  encore  beau¬ 
coup  d’autres  formes  latines  du  moyen  âge  (sans  indication 
de  source  malheureusement)  :  pitriscus,  pétris  eus,  pistricus, 
petristus  (sur  le  suffixe  -istus  cfr.  Pedersen,  II,  19), 
biteriscus,  vitriscus,  puristus,  pitriscus^  petritus,  pitrisciilus, 
avec  un  nouveau  suffixe  diminutif,  purisculus,  parisculus 
(influence  de  parus  [mésange]?),  puristulus,  paristus^ 
parstulus,  pitrisculus,  petriculus,  hiturus. 

Toutes  ces  formes  remontent  certainement  à  la  même 

origine  et  pourraient  bien  avoir  quelque  parenté  avec  le 

latin  classique  butio,  ardea  stellaris  (Je  butor)d) 

* 

BiTRiscus  est-il  simplement  un  petit  butor,  <<  Bi- 
toriscus.2)  bitorius  serait  alors  une  fausse  reconstitution 
du  mot  simple.^) 

L’hypothèse  est  celle  de  Ducange  (I,  670)  qui  ac¬ 
compagne  la  glose  bitorius  vel  pintorius:  werna,  de  la 
remarque:  „Saxonibus  werna  est  regulus  avis.  Forte 
ardea  quam  nostri  Buto  vacant. (Voir  aussi  la  glose  du 


0  Les  formes  dialectales  pour  le  butor  sont  d’après  EoUand: 
Bitof  (Cevennes,  Charente-Inférieure,  Deux-Sèvres),  huard  (Anjou), 
behors  (Forêt  d’Orléans),  buor  (Poitou),  bior  (Saintonge),  bihoiir 
(Berry).  En  anglais  cet  oiseau  s’appelle  bittouvy  bittern,  en  hol¬ 
landais  butoor,  pitoor.  Gamillscheg  (Zeitschrift  fier  roman.  Fhil.y 
XL,  140)  fait  dériver  ce  mot  d’une  forme  vulgaire  *BUTURrM  rem¬ 
plaçant  le  butio  classique. 

2)  Le  suffixe  diminutif  -is-co  paraît  être  indo-européen. 
On  le  rencontre  dans  beaucoup  de  noms  celtes  (cfr.  Hôlder,  p.  78; 
Bruggmann,  Grundrifi  der  vergleichenden  Grammatik  der  indogerm, 
Sprachen,  §§  365 — 385;  Pedersen,  Vergleichende  Grammatik  der 
keltischen  Sprachen,  II,  §  365).  On  peut  faire  remonter  toutes  les 
formes  mentionnées  à  un  *bitorisco. 

^)  A  cette  étymologie  s’opposent  cependant  des  difficultés: 
d’abord  le  fait  qu’un  suffixe  celte  (-is-co)  aurait  été  ajouté  à  un 
mot  latin,  ensuite  et  surtout  la  sémantique,  car  les  deux  oiseaux, 
le  butor  et  le  roitelet,  sont  très  différents  l’iin  de  l’autre.  Ils  n’ont 
de  commun  que  la  couleur  du  plumage.  Le  butor  est  un  grand 
oiseau  de  72  cm  de  longeur,  vivant  près  de  l’eau  et  poussant  au 
temps  de  l’accouplement  des  cris  qui  ressemblent  au  mugissement 
des  vaches;  de  là  son  nom,  probablement  onomatopéique  de  butio 
(cfr.  Walde,  Lateinisch-etymologisches  Worterbuch)  et  de  „bœuf‘‘  en 
français  populaire. 


37 


Corpus  Gloss.  Lat,  VI,  p.  144  :  bitorius,  butorius,  nomen 
avis.)'^) 

Voici  une  autre  étymologie  qui  me  semble  très 
vraisemblable:  Le  nom  de  la  ville  de  Bourges  remonte 
à  Biturigas  (forme  attestée  à  côté  de  Bituriges;  cfr. 
Hôlder  s.  v.).  L’adjectif  de  Bituriges  est  BiturÏcus  dont 
est  sorti  le  nom  de  la  région  du  Berry.  Le  nom  Bituriges 
remonte,  selon  Dottin  (La  langue  gauloise,  p.  94)f  à  biturix, 
„roi  du  monde“.  Il  est  clair  qu’au  point  de  vue  séman¬ 
tique  l’idée  de  faire  remonter  la  forme  bitriscus,  attestée 
dès  le  huitième  siècle,  à  biturix,  „roi  du  monde serait 
fort  plausible:  le  suffixe  -isco  est  vivant  dans  le  gaulois 
MATisco  (irlandais  marithabon),  vertiscus  (cfr.  vieux-breton 
wert,  ..jValeur,  prix“),  viviscu,  „Vevey'’'’,  et  d’autres  exemples 
de  noms  gaulois  (voir  Hôlder  s.  -  isco).  Comme  BiturLcu 
a  abouti  à  BiturÏgu  >  Bit(o)rigu  >>  Berry,  de  même 
BiTURiscu  devait  passer  par  bitriscus  betriscu  >>  berreis 
>»  berrois. 

C’est  M.  Barbier  {Revue  de  dial,  rom.,  H,  p.  186)  qui 
a  le  premier  rattaché  les  différents  noms  français  à  bitorius 
(il  ne  semble  pas  avoir  connu  bitriscus).  Mais  à  l’ex¬ 
ception  de  quelques  formes  normandes,  il  est  impossible 
de  faire  dériver  les  noms  français  de  bitorius  ;  il  faut 
accepter  comme  base  bitriscus  avec  ses  variantes. 

§  28.  L’histoire  de  ce  bitriscus  en  français  est  très 
compliquée  ;  Parce  qu’on  ne  comprenait  pas  le  mot,  parce 
que  cet  assemblage  de  sons  n’évoquait  aucune  image 
précise  dans  l’esprit,  on  chercha  à  le  modifier,  à  en  faire 
un  mot  qui  signifiât  quelque  chose.  Les  lois  phonétiques 
furent  continuellement  troublées  par  l’étymologie 
populaire  qui  avait  libre  jeu  comme  dans  tous  les  mots 
isolés.  Le  mot  isolé  (cfr.  les  noms  de  lieu  obscurs)  est 

b  Une  fois  Bitorius  est  rendu  en  anglo-saxon  par  erdling 
(Corp.  Gloss.  Laf.,  V,  403,  20).  Or  earthling  désigne  suivant  Bos- 
worth  un  fermier  et  un  oiseau  qui  correspond  dans  la  plupart  des 
gloses  à  BiEBiCARiOLus.  Une  fois  birbicariolus  sert  aussi  à  traduire 
BisTORius.  Cependant  je  ne  crois  pas  qu’on  puisse  identifier  ces  deux 
mots.  Birbicariolus  sera  plutôt  la  bergeronnette,  de  même  que 
earthling  (cfr.  son  nom  allemand  Ackermànnlein). 


38 


d’un  côté  rigoureusement  soumis  à  l’action  des  lois  pho¬ 
nétiques  qui  le  déformeront  sans  jamais  être  arrêtées  par 
l’analogie  ;  d’autre  part,  il  est  exposé  par  son  isolement  et 
son  obscurité  à  tous  les  essais  d’étymologie  populaire. 
Ce  phénomène  se  produira  surtout  lorsqu’il  s’agit  d’un 
objet  qui  parle  à  l’imagination  de  l’homme  comme  le 
roitelet.  En  effet,  peu  importent  les  sons  qui  rendent 
l’idée  d’herbe,  de  rue,  de  fenêtre,  de  chambre,  etc.  Ils 
n’ont  pas  besoin  d’être  évocateurs  parce  qu’en  général 
nous  n’associons  aucun  sentiment  à  ces  choses.  Il  en  est 
tout  autrement  du  roitelet  qui  ne  souffre  pas  qu’on  lui 
attribue  une  désignation  sans  valeur  affective. 

a)  Beruet  et  roibrL 

§  29.  Bitriscus  devait  donner  BERREis,  BERROis,  BERWÉ 
dans  le  nord  de  la  France  (cfr.  les  cartes  froid,  étroit, 
troisième  fois).  En  effet  le  roitelet  s’appelle  héruet  dans 
le  Pas-de-Calais  (Rolland). 

Plus  au  sud  on  rencontre  les  formes  :  roibéry,  ro- 
héry  (Salerne),  plus  tard  roihri  (Chàteau-sur-Loire  dans 
le  dép.  de  Seine-et-Marne,  Rolland),  roibri,  roubri  (Cher, 
Yonne,  Nièvre;  Rolland,  compl.),  rwabn  au  p.  208 
de  l’Atlas.  Rwabri  se  trouve  aussi  beaucoup  plus  au  sud, 
au  p.  902,  et  rwarabri  avec  un  curieux  dédoublement  de 
roi  au  p.  600. 

Bitriscus  ne  peut  guère  donner  beri.  Il  faut  donc 
admettre  pour  cette  région  une  base  un  peu  différente, 
une  des  variantes  de  bitriscus  notées  en  latin  médiéval 
(cfr.  §  27).  Cela  pourrait  être  bitricus  ou  bitritus.^) 

Ce  beri,  bri,  étant  peu  expressif,  on  le  fit  précéder 
de  roi  dans  une  contrée  voisine  de  l’aire  d’extension  de 
roitelet  où  l’on  racontait  la  légende  du  petit  roi.  On  forma 
ainsi  un  roiberi  qui,  de  son  côté,  dut  subir  quantité  de 
changements  dictés  par  le  désir  de  transformer  le  nom 
obscur  en  un  nom  plus  expressif. 

0  Faut-il  voir  dans  biteicus  la  première  étape  d’une  étymo¬ 
logie  populaire  qui  rattachait  bitriscus,  qui  n’était  plus  compris,  à 
BiTU-RiGAs,  BiTü-Ricu?  BiTCRiscus  aurait-il  été  considéré  comme  un 
biturTcu,  ^habitant  du  Berry“  ? 


39 


Le  changement  de  -r-  intervocalique  en  -z-,  purement 
phonétique,  est  fréquent  dans  cette  région;  roihesy  dans 
le  Gâtinais  (Revue  de  phiL,  X,  30),  robzi  dans  le  Loir- 
et-Cher  (Bassetière),  roihezi,  rouabizi  (Seine-et-Marne  et 
Yonne  ;  Rolland,  compl.).  Ces  formes,  de  même  que 
rouapsi  (Yonne),  ont  peut-être  été  influencées  par  l’imi¬ 
tation  du  chant  du  roitelet  huppé  (cfr.  les  noms  onomato- 
péiques).  Quant  à  roi  de  bézigue  (Y ormÇi\  Rolland,  compl.), 
je  n’ai  pu  l’expliquer.Q 

Jaubert  donne  la  forme  loubri  (louabri  dans  l’Yonne, 
lobri  dans  la  Nièvre;  Rolland,  compl.),  mots  provenant 
probablement  de  roiibri  par  dissimilation. 2) 

Roubri  incompris  fut  transformé  en  rubi  dans  le 
Loiret  (Rolland,  compl.)  par  la  même  association  d’idées 
qui  nous  fait  appeler  un  gentil  petit  enfant:  „mon  bijou^.^) 

Beryô  (p.  325  de  l’Atlas)  est  probablement  un  dimi¬ 
nutif  en  -  i  1 1 0  n  de  beri  (cfr.  ruhjn,  ratillon  dans  le  Loiret 
et  l’Orléanais,  berillon  [Jaubert]  =  mouton  qui  vient  du 
Berry).  De  la  Blanchère  donne  la  forme  berillon  pour 
l’Anjou  et  le  Centre,  Thibaut  hourillon  comme  forme  an¬ 
cienne  de  Blois  se  trouvant  dans  un  document  de  l’année 
1277,  transcrit  en  1717. 

b)  Roi  Robert,  —  Les  noms  de  personnes. 

§  30.  Roibery,  robéry  a  été  rapproché  du  nom  propre 
Robert  qui  joue  un  certain  rôle  dans  la  désignation  des 
plantes  et  des  animaux.^)  On  appelle  le  roitelet 

1)  Bésigue,  anciennement  Msi,  est  le  nom  d’nn  jeu  de  cartes, 
autrefois  très  populaire  en  France.  Est-ce  que  ce  mot  aurait  con¬ 
tribué  à  déformer  le  nom  de  l’oiseau?  S’agit-il  d’une  plaisanterie? 

2)  Roahle  (Sologne,  Salerne)  est  assez  difficile  à  expliquer. 
Peut-être  le  peut-on  mettre  en  rapport  avec  rwahri  (au  p.  902), 
accentué  sur  la  première  syllabe,  r  se  serait  changé  en  l,  ce  qu’il 
faut  admettre  aussi  pour  différentes  formes  de  l’Auvergne  et  du 
Limousin. 

Je  parlerai  ailleurs  de  roi  de  ghezi,  ghéziya,  qui  sont  des 
contaminations  de  hezi  avec  un  autre  nom  du  roitelet. 

II  y  a  Vherhe  à  Robert  ou  rouberto  dont  Schuchardt  parle 
dans  la  Zeitschrift,  XXVI,  397. 


40 


Robert  ou  maître  Robert  avec  une  certaine  ironie  en 
franc,  dial.  (Vincelot,  Etudes  ornitholiques). 

Roberroi  en  Lorraine  (Bassetière)  est  le  seul  témoi¬ 
gnage  de  la  vie  de  bitriscus  dans  l’est  de  la  France. 
Bitriscus  y  dut  aboutir  à  berwe(â)  qu’on  fit  précéder 
de  roi  comme  dans  le  Centre.  Ce  roberwa  obscur  dans 
son  ensemble  fut  associé  au  nom  de  personne  Robert  et 
comme  tel  précédé  une  seconde  fois  de  roi:  roi  Robert 
(Bassetière). 

Beaucoup  d’oiseaux  portent  des  noms  de  per¬ 
sonnes.  Voici  quelques  exemples  qui  se  trouvent  dans 
Rolland:  La  grande  Marthe  (pic  épeiche),  le  Bernard 
pescayre  ou  Martin  pêcheur^  le  martinet  —  ces  deux 
derniers  doivent  leur  nom  à  St-Martin,  protecteur  spécial 
des  oiseaux  — ,  Jean  Boubou  (huppe),  pierrot  (moineau), 
Santa  Catharina  (projer).  Colas  (loriot),  Liôde  (=  Claude), 
rozo  (rouge-gorge),  appelé  aussi  Marion  la  reuche,  Marie 
godrée,  Frédéric  (mésange).  Chariot  (courlis),  Jean-Bap¬ 
tiste  (pinson).  Ce  dernier  exemple  est  tiré  de  Beauquier. 

Mais  ce  sont  surtout  les  oiseaux  apprivoisés  par 
l’homme  et  vivant  avec  lui,  comme  le  perroquet  et  la 
pie,  qui  portent  des  noms  de  personnes.  Ces  noms  auront 
été  individuels,  ensuite  seulement  étendus  à  toute  l’espèce. 
La  pie  s’appelle  Margot,  Cateau,  Jacques,  Jacquette,  Berta, 
Richard,  Colas,  Jurau  (Gérard),  Chariot,  Germain.  Le 
nom  du  geai  vient  probablement  du  nom  propre  latin 
Gajus. 

Ces  noms  s’expliquent  par  la  tendance  que  l’homme 
a  de  s’assimiler  les  animaux,  de  leur  attribuer  un  carac¬ 
tère  humain  et  de  les  caser  dans  une  catégorie  de  types 
humains.  Cette  tendance  se  manifeste  surtout  dans  le 
roman  du  Renard,  œuvre  si  curieuse  et  si  caractéristique 
pour  l’esprit  du  moyen  âge.  Là  aussi  les  animaux  reçurent 
des  noms  de  personnes.  G.  Paris  (Le  roman  du  Renard, 
p.  27  SS.)  dit,  avec  raison,  me  semble-t-il,  que  ces  noms 
ne  renferment  aucune  allusion  satirique,  qu’on  applique 
aux  animaux  tout  simplement  des  noms  familiers,  très 
usités.  Cela  est  confirmé  par  la  liste  des  noms  d’oiseaux 
que  je  viens  de  donner  (cfr.  aussi  les  noms  de  la  coc- 


41 


cinelle  (ALF,  c.  1508).  Une  recherche  plus  approfondie 
démontrerait  peut-être  que  ces  noms  sont  les  mêmes  que 
ceux  qu’on  emploie  dans  les  proverbes,  dans  la  littérature 
populaire  en  général  et  dans  les  appellatifs  dérivés  de 
noms  de  personnes. 

Le  peuple  attribue  au  roitelet  un  caractère  bien  dé¬ 
fini  en  le  rapprochant  d’un  certain  type  d’homme  :  c’est 
le  vaniteux,  l’étourdi,  l’impertinent.  Là  où  on  ne  voit 
pas  en  lui  l’oiseau  du  bon  Dieu,  on  le  traite  avec  mé¬ 
pris,  on  parle  familièrement  de  lui.  Il  n’y  a  donc  rien 
d’étonnant  à  ce  qu’on  lui  ait  donné,  à  lui  aussi,  des  noms 
de  personnes. 

D’autre  part  il  s’appelle  roi,  titre  qu’on  fait  presque 
inconsciemment  suivre  d’un  nom  de  personne. 

La  nature  de  ce  nom  dépend  de  différents  facteurs. 
Roi  Robert  et  roi  Bertaud  (cfr.  §  40)  sont  provoqués  par 
l’ancienne  désignation  du  roitelet,  devenue  incompréhen¬ 
sible.  Nous  avons  ici  affaire  à  un  cas  d’étymologie  po¬ 
pulaire.  Pour  d’autres  motifs  entrant  en  jeu  dans  la  for¬ 
mation  des  noms  propres  désignant  le  roitelet,  voir  §§  55 
et  75.1) 

c)  Déformations  de  reybéré, 

§  31.  Reybéré  apparaît  encore  au  p.  603  (Creuse)  de 
l’Atlas.  Mais  dans  cette  contrée  où  l’r  intervocalique  est 
peu  stable,  la  confusion  commence.  Le  peuple  fait  de 
l’étymologie  et  transforme  le  mot  à  tel  point  qu’on  a  de 
la  peine  à  le  reconnaître,  qu’on  ne  le  reconnaît  qu’au 
moyen  de  la  géographie  linguistique,  en  retrouvant  dans 
des  formes  voisines  et  simultanées  ses  couches  successives. 

A  la  périphérie  de  cette  zone  de  dérivés  de  reybéré 
des  formes  avec  -r-  se  sont  conservées:  radébéré  au  p.  714 
(Cantal).  Le  „de^‘  intercalé  provient  probablement  de  ce 
qu’on  a  l’habitude  de  dire  :  „roi  de  quelque  chose“  (cp. 
roi  de  bri  (Yonne  ;  Rolland,  compL),  et  ceci  bien  que 
béré  ne  signifie  rien. 

1)  Les  résultats  de  la  tentative  de  M.  O.  Schultz  CZum  Ueber- 
gange  von  Eigennamen  in  Â'p'pdlative,  Zeitschrift,  XVIII,  130)  de 
rattacher  ces  noms  du  roitelet  à  des  personnages  historiques,  à  de 
véritables  rois,  me  semble  sujets  à  caution. 


t 


42 


Le  type  reydebéré  a  dû  s’étendre  une  fois  jusqu’aux 
p.  824  et  833  (Ardèche)  où  nous  le  retrouvons  sous  la 
forme  de  réhédéré  avec  métathèse,  sous  l’influence  de 
repeteret  voisin.  Ce  mot  est  peut-être  aujourd’hui  compris 
comme  „roi  des  petits  veaux“  (bedelet,  bederet).  Dans  les 
Cévennes,  région  voisine,  on  appelle  le  roitelet  bicherino 
(vachette).  Rappelons-nous  aussi  le  „roi  de  la  vaquete“  à 
Entraignes  (cfr.  §  4). 

Le  point  807  (Puy-de-Dôme)  donne  rédebedloe,  qui 
correspond  à  rébédéré.  Il  se  trouve,  il  est  vrai,  aujour¬ 
d’hui  dans  la  région  vedei  (veau),  mais  près  de  la  limite 
de  bedel.  Rolland  donne  un  roi  bédelet  vieux  franc,  sans 
indiquer  sa  source.  Godefroy  ne  le  connaît  pas,  mais  il 
donne  comme  quatrième  sens  de  bedel  le  nom  propre  Bidel. 
Beauquier  indique  en  effet  un  roi  Bidelet  en  Saintonge  dé¬ 
signant  le  roitelet.  Rien  d’étonnant  qu’on  ait  transformé 
dans  le  voisinage  du  roi  Bertaiid  un  rédebedloe  en  roi  Bi¬ 
delet.  Peut-être  aussi  est-ce  là  la  première  association  faite, 
car  nous  trouvons  dans  le  voisinage  roi  Bernard.  Rédebedloe 
serait  alors  secondaire. 

Au  p.  833  (Aveyron)  on  dit  rebédédé.  Peut-être  vou¬ 
lait-on  rendre  le  cri  du  troglodyte  par  ces  noms  (troi¬ 
sième  hypothèse)  qui,  en  vérité,  ressemblent  assez  au 
chant  de  la  mésange,  mais  fort  peu  à  celui  du  roitelet 
(cfr.  §  8). 

Autrefois  le  redébéré,  avant-poste  isolé  dans  les  points 
824  et  833,  devait  être  relié  avec  la  zone  centrale  de 
reberi,  „roitelet“  du  Centre:  Si  aujourd’hui  les  p.  812, 
814,  813,  815  (Haute-Loire)  offrent  —  de  même  que  les 
p.  601,  702,  802,  904,  901  (Creuse  et  Allier)  —  roi  des 
oiseaux^  roitelet,  il  ne  peut  s’agir  ici  que  d’un  intrus 
tout  récent  qui  a  couvert  une  ancienne  couche  de  mots 
du  type  de  roiberi. 

Aux  p.  519  et  610  (Charente)  de  l’Atlas,  les  formes 
radbira,  reydébira  (Revue  des  patois  gallo-rom.,  II,  190) 
témoignent  encore  une  fois  de  l’étymologie  populaire, 
puisque  béré  fut  assimilé  à  bira  {—  flèche.  Honorât). 
Celui-ci  sera  un  dérivé  du  verbe  bira  (virer,  tourner, 
s’émouvoir). 


43 


§  32.  Sur  une  zone  assez  grande  comprenant  une  partie 
de  la  Haute -Vienne  et  de  la  Dordogne  rehéré  ^  rebéné, 
reybenei  ce  qui  signifie  roi  béni.^)  Reiheineix  apparaît  à 
Châteauponsat  (Haute-Vienne)  déjà  dans  un  document  de 
1631  (Daubin,  Not.  1,  Châteauponsat,  1842,  p.  16),  re- 
henet  se  trouve  ensuite  dans  Salerne  (Histoire  nat.  éclaircie 
dans  une  de  ses  parties,  V ornithologie,  Paris,  1767).  On 
se  rappellera  à  ce  propos  les  légendes  qui  circulent  sur 
le  compte  du  roitelet  en  Limousin  et  en  Périgord  où  on 
lui  attribue  un  certain  rôle  dans  la  vie  du  Seigneur 
(cfr.  §  5).  Ces  légendes  facilitèrent  pour  ainsi  dire  le  pas¬ 
sage  du  -r-  en  -n-  (cfr.  M.  Schopf,  Die  konsonantischen  Fern~ 
wirkungen,  Ferndissimilation,  Fernassimilatiofi,  Metathesis, 
Gôttingen,  1919,  p.  93). 2) 

Un  reijdehenoe  isolé  se  rencontre  au  p.  706  (Cantal). 

§  33.  Aux  p.  704,  609,  617,  618,  617  (Limousin) 
reijhéré  fut  changé  en  reybéléy  reidebélé  plus  à  Test.  Le 
passage  de  -r-  à  -l-  ou  plutôt  la  dissimilation  de  deux  -r- 
est  assez  fréquente  déjà  en  ancien  provençal  (cfr.  Schultz- 
Gora,  AUprovençalisches  Elementarbuch,  §§  64  et  97, 
Appel,  Provençalische  Lautlehre,  1918,  §  61  a).  L’Atlas 
donne  alita,  leito  <C  arista  (carte  arête),  ponlu,  polu  << 
PAURUCU  (carte  peureux).  Le  passage  est  facilité  dans  notre 
cas  spécial  par  l’association  avec  bel,  bellet. 

D’après  le  modèle  de  reybélé  on  appela  le  roitelet 
huppé  lou  biô  (le  beau)  en  Limousin  (Précigou). 

La  forme  reire  belet  {==  aïeul),  désignation  moqueuse 
(Labourde,  Limousin,  148  ;  Rolland,  compl.)  montre  qu’on 
associait  rebelet  avec  belet  (aïeul). 

§  34.  Beri  (<!  BiturÎcu)  avec  i  final  se  continue 
aussi  en  Auvergne  sous  la  forme  de  beli:  rèbeU  (Rolland, 
compl.).  Aux  p.  708  et  710  on  dit  reydeheU.  A  côté  de 
cette  forme  il  y  a  barnabeli  (Chalaniat,  Catalogue  des 
oiseaux  gui  ont  été  observés  en  Auvergne,  1847),  aujour¬ 
d’hui  avec  métathèse  vocalique  bzarnabile  (p.  703)^), 
harnabïlla  (Tixier,  Lexique  patois  du  canton  d’ Escur allés, 

0  Cfr.  pour  les  formes  du  mot  béni  les  cartes  ,,buis“  et  „eau  bénite“ . 

2)  Peut-être  le  nom  de  personne  Benêt  (Bexedictu)  y  entre  aussi. 

Pour  hz  initial  cfr.  hzeiîr  <  bibere  (carte  „abreuvoir“). 


44 


1869),  rei  barnabet  en  forézien  (Duchou,  p.  101,  Gras, 
p.  121).  Je  m’explique  ces  noms  de  la  manière  suivante; 
Au  p.  809  (Puj'-de-Dôme)  le  roitelet  s’appelle  riberaa 
(roi  Bernard).  Bernard  est  employé  très  fréquemment 
pour  désigner  toute  espèce  d’animaux:  Bernay'd  V ermite 
est  l’écrevisse,  Bernard  archiprêtre  l’âne,  sauto-hernat  la 
sauterelle,  hernat-pudent  la  punaise,  rat-hernat  est  le  nom 
du  grimpereau  dans  le  Berry  et  dans  l’Aveyron  (Vays- 
sier).  Rappelons-nous  que  déjà  en  vieux  français  bernard 
est  devenu  appellatif  et  désigne  un  sot,  un  nigaud  (Gode¬ 
froy).  Or  comme  il  n’y  a  que  les  noms  propres  très 
fréquents  qui  deviennent  appellatifs,  nous  n’avons  aucune 
raison  de  nous  étonner  d’un  ri  (roi)  bernard  désignant 
le  roitelet.  Il  fut  formé  probablement  dans  la  Saintonge 
ou  dans  le  Poitou  près  de  l’aire  rahertaud,  par  analogie 
avec  ce  dernier,  et  voj^agea  par  l’Aveyron  ou  par  le 
Berry  jusqu’au  point  809,  car  je  crois  que  le  rat-hernat 
du  Berry  et  de  l’Aveyron  n’est  qu’un  regem  (ra)  bernard 
déguisé,  emprunté  au  roitelet. i) 

e  devant  r  a  une  tendance  à  devenir  a  :  riberna  ^ 
ribarna;  ribarna  se  contamina  avec  ribeli;  il  se  forma 
un  barnabeli  qui  de  son  côté  se  rapprocha  du  nom  Bar- 
nabé.  Ainsi  par  des  chemins  très  compliqués,  très  con¬ 
tournés,  le  roitelet  reçut  en  forézien  le  nom  de  rei  barnabé. 

Dauzat  {Revue  des  langues  rom.,  LVI,  325)  donne 
pour  Vinzelles  la  forme  barnatsarada  (s.  m.)  désignant 
le  roitelet  huppé.  Il  voit  dans  le  deuxième  élément  un 
dérivé  de  carru,  disparu  aujourd’hui,  dans  le  premier 
le  mot  brenar  (embrener).  Le  sens  du  tout  serait:  „qui 
embrène  le  char  ou  la  cour“,  nom  qui  ne  s’applique 
guère  au  roitelet.  Nous  reconnaissons  dans  les  premiers 
éléments  le  mot  barna.  Tsarada  est  peut-être  en  rapport 
avec  écalon,  tsaleto  (échelette),  grimpereau  dans  le  Puy- 
de-Dôme  (Rolland,  compl.)  (cfr.  §  73). 

9  M.  Ganillscheg  (Zeitschrift  für  roman.  PhiL,  XL,  p.  139) 
essaie  de  rameuer  ces  différents  berna  dans  les  noms  d’oiseaux  de 
marécage  à  un  mot  gaulois  *bernos  (marécageux).  Mais  berna  dans 
riberna  ne  peut  être  que  le  nom  de  personne  Bernard.  Voir  d’ail¬ 
leurs  M.  Spitzer,  Zeitschrift  fur  roman.  Phil.,  XL,  695. 


45 


d)  Bitriscus  en  Normandie  et  en  Haute-Bretagne. 

§  35.  Je  reviens  au  nord  pour  étudier  le  dévelop¬ 
pement  de  BITRISCUS  dans  l’ouest  de  la  France.  En 
Normandie  ce  mot  aboutit  d’abord  à:  herwé,  heré. 
En  effet  nous  rencontrons  encore  un  reste  de  ce  heré 
à  Guernesey  :  bérè  (m.),  aussi  héri  (Rolland,  compL),  et 
un  fém.  berée  au  XVIF*"®  siècle  (Héron,  Muse  norm., 
1895,  V,  19).  Cela  prouve  que  héré  a  une  fois  été  en 
usage  en  Normandie.^) 

§  36.  Par  dissimilation  de  l — r,  on  expliquera  le 
passage  d’un  riheré  en  rîblé  (p.  399,  île  de  Guernesey), 
reblet  (Bosquet,  Normandie  merveilleuse) y  rehlot  (p.  350, 
Calvados  et  à  Thaon  [Guerlin  de  Guer,  p.  373])  avec 
substitution  de  suffixe  (cfr.  Schopf,  p.  80,  op.  cit.,  p.  42). 
De  rehlet  on  forma  un  féminin  rebelette  {Annuaire  de 
la  Manchej  1832,  p.  223). 

Dans  cette  même  contrée  on  trouve  rîbé  (p.  399), 
rehet  (Chrétien,  Usages,  etc.,  de  V arrondissement  d^ Argentan, 
1835),  réhè  dans  l’Orne  (Rolland,  compL).  Ici  aussi  il 
s’agit  d’un  cas  de  dissimilation  :  r — r  >>  r — o  (cfr.  Schopf, 
p.  149),  rïbérè  >>  ribrè  ]>  rihè. 

C’est  aussi  en  partant  de  reb(e)ré  qui  donna  par  dis¬ 
similation  rebè  qu’il  faudra  expliquer  le  rïbwé  (p.  219, 
Eure-et-Loir),  le  be  de  l’Yonne  (Rolland,  compl.)  et  le 
begron  (ibidem),  où  le  second  élément  m’est  resté  obscur, 
peut-être  aussi  bîeutin  en  Champagne  (Toussenel,  Le 
monde  des  oiseaux,  1872). 

Avec  le  même  suffixe  diminutif  -ettin  on  forma 
dans  le  Calvados  un  rébétè  (p.  351,  à  Bernay  [Eure]  ; 
Rolland,  compl.).  Ce  mot  est  attesté  aussi  par  Moisy  et 
Vasnier,  Petit  dictionnaire  du  patois  mormand  de  Pont- 
Audemer,  1862.2) 

§  37.  Le  féminin  rebette  n’est  plus  en  usage  au¬ 
jourd’hui,  paraît-il.  Mais  il  se  trouve  d’après  Rolland, 


9  On  s’en  sert  du  reste  encore  pour  désigner  le  rouge-gorge 
(voir  §  39). 

-)  Je  doute  que  rehettin,  signalé  par  Chambure  pour  l’Aunis, 
y  soit  en  usage. 


46 


compL,  dans  Constantinus  en  1573  et  dans  Fleury  (Lit¬ 
térature  orale  de  la  Basse-Normandie,  p.  106,  1883). 

H  est  très  fréquent  qu’on  forme  du  nom  masculin 
d’un  oiseau  un  nom  féminin.  Nous  avons  rencontré 
un  regina  à  côté  de  rey,  ratéla  à  côté  de  ratelâ,  hérée 
à  côté  de  héré.  Rolland  donne  des  exemples  pour  d’autres 
oiseaux.  J’y  ai  trouvé  gripette,  gripotte  à  côté  de  gripelei, 
gravette  à  côté  de  gravelet,  rapette  à  côté  de  rapatin  pour 
désigner  le  grimpereau  ;  monicJie  alterne  avec  moinot, 
linot  avec  linotte,  chardonnet  avec  chardonnette,  etc.  En 
Suisse  romande  le  type  *verjasse  alterne  avec  verjat 
pour  désigner  l’écureuil  (M.  Gauchat,  op.  cit.,  p.  175  ss.).i) 

Cotgrave  mentionne  une  forme  normande  curieuse  : 
rebetre  (féminin).  Moisy  ne  la  connaît  pas  et  voudrait 
y  voir  une  faute  d’impression.  Mais  la  même  forme  se 
retrouve  dans  Vernaud,  Gessner  et  Salerne.  Son  existence 
est  donc  prouvée.  Elle  renferme  un  r  adventif,  fréquent 
après  (s)t,  résultant  peut-être  d’une  fausse  régression 
(cfr.  fenête  pour  fenêtre). 2) 

§  38.  En  Haute-Bretagne  bitriscus  devait  aboutir 
a  BERÉ.  En  effet  le  roitelet  s’y  appelle  héré  (Revue  des 
trad.  pop.,  VIT,  p.  106),  à  Plombalay  (Sébillot,  Haute- 
Bretagne),  dans  les  dép.  de  Mayenne  et  d’Ille-et-Vilaine 
(Rolland,  compl.),  dans  le  Morbihan  (Taslé,  Histoire 
nat.  du  Morbihan,  1860).  Taslé  écrit  herret  en  identi¬ 
fiant  le  suffixe  avec  -ittus,  ce  qui  est  important  pour 
d’autres  formes.  (Cfr.  §  40  ;  voir  aussi  la  carte  „tiroir“ 
où  la  même  chose  se  produit). 

0  Bonelli  {Studi  di  fil.  rom.,  IX,  p.  434  ss.)  croit  que  le 
changement  de  genre  se  trouve  surtout  chez  les  oiseaux  où  les 
femelles  ne  diffèrent  guère  des  mâles.  Ce  serait  le  cas  pour  le 
roitelet  et  pour  le  grimpereau.  Cette  explication  ne  me  satisfait 
cependant  pas.  Cfr.  pour  ce  changement  de  genre,  spécialement 
pour  les  oiseaux,  Meyer-Lübke,  Grammatik  der  roman.  Sprachen, 
Bd.  II,  §  370. 

Sur  hirou  dans  l’Orne  (Mémoirea  des  antiquaires^  IV,  229; 
Dubois,  Recherches  sur  V étymologie  de  certains  mots  de  VOrne  dans 
les  Mémoires  de  V Acad,  celt.,  1810  et  23)  qui  appartiennent  cer¬ 
tainement  à  la  même  famille  voir  §  39. 


47 


De  héré  on  forma  un  féminin  hérée  à  Trévenc, 
commune  de  Penguilj  (Sébillot,  Haute- Br etayne^  Revue 
des  trad.  pop.,  V,  p.  19).  Déjà  Godefroj  donne  deux 
témoignages  de  heree  sans  parvenir  à  les  traduire  avec 
certitude.  Voici  ses  exemples: 

1.  Frigilla,  haec  avis  apud  Latinos  (ut  Festus  ait) 
ex  eo  dicta  est,  quod  frigore  cantet,  et  vigeat:  vulgo 
dicitur  Beree  (G.  Est.,  De  lat.  et  graec.  nom.  av.,  p.  97, 
éd.  1567). 

2.  Il  lui  respondit  qu’il  mangeroit  bien,  s’il  en  avoit, 
des  petits  ojseaulx  comme  .  .  .  tourterelles,  herees,  al- 
louettes.  (Nouvelle  fabrique  des  excellents  traits  de  vérité, 
par  Phil.  d’Acripe,  sieur  de  Neri  en  Verbos,  éd.  Jannet, 
p.  116).i) 

§  39.  Dans  certaines  contrées  c’est  le  rouge-gorge 
qu’on  appelle  hérée,  hrée,  hésée  (en  Normandie,  Salerne, 
Vasnier,  Lemetteil  à  côté  de  Marie-hérè  [féminin],  Seine- 
Inférieure;  Rolland,  compl.). 

Voici  encore  d’autres  noms  du  rouge-gorge  empruntés 
au  roitelet: 

Bezuet  (Montesson,  Vocabulaire  du  Haut-Maine,  1859) 
dans  une  région  où  l’on  appelle  le  troglodyte  bérichot. 
Bezuet  est  bitriscus  (cfr.  beruet  au  Pas-de-Calais)  avec 
changement  de  -r-  en  -e-.  Ce  changement  fréquent  fut 
facilité  ici  par  l’analogie  avec  bezot,  bedot  (culot). 

De  bezuet  qu’on  prenait  pour  un  diminutif,  on  forma 
un  féminin  bezoue  (Montesson),  bedû  (féminin  [Maine-et- 
Loire;  Rolland,  compl.]),  comme  on  avait  fait  rebette  de 
rebeitin,  ratéla  de  ratelà.  Le  bezou  (Sarthe;  Rolland, 
compl.),  bedou  (Orne;  Dubois)  est  le  masculin  correspon¬ 
dant  à  bezoue,  influencé  par  bedot  (culot).  Ce  nom  du 

9  Moisy  donne  ce  mot  comme  mot  ancien  et  le  traduit  par 
fringille  se  basant  probablement  sur  le  frigilla  de  Est  et  sur  Cot- 
grave  qui  traduit  herée  par  pinson  (a  spinke,  scheldople,  chaffinch). 
Cependant  ce  même  Est  raconte  que  cet  oiseau  chante  quand  il 
fait  froid,  ce  que  fait  le  roitelet,  pas  le  pinson.  D’ailleurs  Kolland 
ne  donne  pour  le  pinson  aucun  nom  qui  rappelle  herée.  Donc  je 
crois  qu’il  y  a  erreur  dans  Cotgrave  et  que  herée  désignait  à 
l’origine,  comme  heré,  le  troglodyte. 


48 


dernier  éclos  d’une  nichée  en  vient  facilement  à  désigner 
les  petites  espèces  d’oiseaux  (cfr.  §  49). 

Birou,  „roitelet“  (dans  l’Orne)  sera-t-il  aussi  une  forme 
„simple“  refaite  sur  un  ancien  „birouei“?^) 

Ne  nous  étonnons  pas  qu’on  ait  confondu  le  troglo¬ 
dyte  avec  le  rouge-gorge:  Pour  le  plumage,  la  teinte 
générale  est  la  même  à  l’exception  de  la  gorge.  Le  rouge- 
gorge  n’est  pas  beaucoup  plus  grand;  il  a  comme  le 
troglodyte  la  queue  toujours  relevée,  et  son  cri  a  quel¬ 
que  ressemblance  avec  le  zerrrrr,  zerrrrr  du  roitelet. 
Nous  verrons  d’autres  cas  où  les  noms  des  deux  oiseaux 
s’entrechangent.2) 

Cependant  il  est  a  noter  qu’il  n’y  a  pas  d’endroits 
où  le  même  mot  désigne  les  deux  oiseaux  en  même 
temps.  Peut-être  est-ce  justement  berée  (rouge-gorge)  qui 
fit  disparaître  berée  (troglodyte)  de  Normandie,  et  bezuet 
(rouge-gorge)  qui  évinça  beruet  (troglodyte)  dans  le  Maine 
et  appela  à  sa  place  bériclion,  bérichet  dont  j’aurai  encore 
à  parler. 

e)  Roi  Bertaud, 

§  40.  De  beré^  compris  comme  ber  +  ittus,  on 
forma  un  diminutif  *berettellus  qui  aboutit  à  berteau. 
Le  résultat  de  -ellum  est  très  compliqué  dans  cette 
région,  différant  presque  d’un  village  à  l’autre.  Mais  comme 
berteau  ne  signifie  rien  et  que  le  peuple  recherche  un 
mot  expressif  pour  désigner  le  roitelet,  il  associa  ce  mot 
à  d’autres  mots  déjà  existants,  à  bertô  (étincelle)  au  point 
447  (Loire-Inférieure).  La  comparaison  du  petit  oiseau 

0  Montesson  donne  pour  le  Haut-Maine  hiroufle  (rouge- 
gorge)  qui  contient  le  mot  hirou  suivi  d’un  suffixe  curieux.  Peut- 
être  peut-on  ramener  à  la  même  origine  les  noms  obscurs  suivants 
qui  désignent  le  rouge-gorge  :  jeaw  hesa  (Le  Havre),  hisse.,  féminin 
(Sarthe),  berce  (franc,  dial.,  Monet,  1635),  hidrouy,  féminin,  (Sarthe), 
mentionnés  tous  dans  le  compl.  do  Kolland. 

2)  Ils  jouent  aussi  le  même  rôle  dans  les  traditions  populaires: 
C’est  un  péché  de  les  tuer,  parce  qu’ils  sont  mêlés  à  l’histoire 
légendaire  du  Seigneur  comme  oiseaux  bénis;  ils  possèdent  tous 
deux  des  qualités  magiques,  et  à  l’expédition  des  oiseaux  cherchant 
le  feu  ils  ont  participé. 


49 


vif,  aux  mouvements  rapides,  avec  une  étincelle  est  facile 
à  comprendre.  Elle  est  attestée  aussi  par  un  chaleron 
(„éclair“  et  „roitelet“)  dans  le  Jura  (voir  §  63).  Mais 
cette  association,  limitée  à  un  seul  point,  est  probablement 
récente.  1) 

Par  contre  l’assimilation  secondaire  de  bertean  à 
Bertaud  <i  bertaldus,  nom  de  personne  et  appellatif  pour 
désigner  un  homme  intrépide  (Meyer-Lübke,  Etymolog. 
Wôrterhucli)  est  plus  ancienne.  Naturellement  l’association 
est  possible  aussi  lorsque  -ellum  et  -aldus  ne  donnent 
pas  exactement  le  même  résultat.  Elle  est  attestée  déjà 
en  vieux  français.  Godefroy  donne  roijherfault,  roitelet  : 
ung  petit  oizeau  nommé  roytellet  ou  roybertault  (Trad, 
de  Quinte- Ciirce,  Richel.,  1.  7724)  —  CotgTave:  roi  Ber- 
tauUy  a  vvrenne. 

Dans  une  zone  intermédiaire  (sud  de  la  Loire-Infé¬ 
rieure  et  du  Maine-et-Loire)  on  l’appelle  simplement 
boertao  (p.  466),  bertaw  (p.  467).  Ce  nom  sert  également 
à  désigner  la  fauvette  ;  'pars  bertaWy  breto  (p.  435),  bertao 
(p.  466),  brto  (p.  458). 

Mais  ici  aussi  la  fable  du  roi  des  oiseaux  s’en  mêla  : 
on  fit  précéder  le  nom  de  personne  du  titre  de  roi  sans 
penser,  me  semble-t-il,  à  un  roi  Bertaud  du  siècle. 2) 

On  appelle  le  roitelet  roibertaud  dans  une  grande  région 
comprenant  les  départements  de  la  Vendée,  des  Deux- 
Sèvres,  une  partie  de  l’Indre-et-Loire  et  de  l'Indre,  la 
Vienne,  la  Charente-Inférieure  et  une  partie  de  la  Charente. 
La  désignation  est  assez  ancienne,  nous  l’avons  vu. 3) 

Roi  Bertaud  doit  avoir  une  extension  plus  grande 

9  Berton  est  du  reste  aussi  un  nom  propre  comme  Bertaud 
(Langlois). 

9  Langlois,  op.  cit.,  donne  un  seul  Bertaut,  nom  d’un  che¬ 
valier  frison  (Baudouin  de  Sebourc,  XIV  s.). 

9  II  est  inutile  de  mentionner  toutes  les  petites  variantes 
phonétiques  que  l’Atlas  indique,  er  >  r(e);  robreto,  robrto  .  .  .  . 
ràhreto  (p.  418)  rappelle  la  forme  ràsinol  (rossignol  aux  p.  459, 
478,  458).  La  forme  rapto  (p.  535,  536)  montre  l’assimilation  de 
la  sonore  6  à  la  sourde  t,  après  la  chute  de  la  syllabe  -er. 


4 


50 


que  l’Atlas  ne  le  fait  croire.  Il  subsiste  dans  le  Bas- 
Gâtinais  (Revue  de  phü.,  Vil,  127).i) 

Sur  le  modèle  de  roi  Bertaud  en  Saintonge  on  forma 
roi  Bidelet,  roi  Bernard  dont  j’ai  parlé  (cfr.  §§31  et  34), 
roi  Bertrand  (Cotgrave)  et  roeygartus  à  Hostens  (Gi¬ 
ronde,  p.  653).  On  compara  le  petit  roitelet  au  grand  roi 
de  la  Table  ronde,  encore  célèbre,  et  légendaire  en  Gas¬ 
cogne  (Bladé,  Contes  populaires  de  la  Gascogne ^  1886, 
p.  296).  Pour  une  fois  on  donna  au  roitelet  non  pas  un 
nom  familier,  mais  un  nom  illustre  de  la  légende.^) 

9  Les  anciens  poètes  provençaux  nous  ont  transmis  un  mot 
herteau  dont  le  sens  n’est  pas  certain.  Raynouard  le  traduit  par 
hanneton.  Il  donne  les  exemples  suivants: 

Mosca  ni  tavan  que  vola, 

Escaravat  ni  bertal  .  .  . 

Marcabrus:  Pus  la  fuelha. 

Cui  sens  nos  es  guidaire 
No  sap  ni  pot  a  cap  traire, 

Ans  par  a  la  fin  bertaus  .  .  . 

Giraud  de  Bornel:  S’es  cantars. 

Levy  donne  comme  nouvel  exemple  certain: 

E  jois  es  enterls  francs  faillitz, 

Tornatz  de  basan  en  bertau  .  .  . 

Liederhs.,  A  N®  63,  7. 

Il  traduit  bertau  dans  les  deux  derniers  exemples  par  ,,armer 
Wicht,  armselig".  Mais  il  ne  sait  pas  s’il  doit  donner  raison  à 
Raynouard  en  ce  qui  concerne  le  premier  exemple. 

Rolland  et  l’Atlas  ne  connaissent  pas  ce  nom  du  hanneton. 
Mistral  et  Honorât  le  donnent  pour  vieux-provençal,  mais  Dauzat 
(Romania,  XLIV,  253)  relève  l’existence  de  hartoeu  (hanneton)  à 
Authezat  (Puy-de-Dôme).  Déjeaniie  dans  sa  nouvelle  édition  de 
Marcabru  le  traduit  par  „à  frelon“.  Le  frelon  s’appelle  en  beau¬ 
coup  d’endroits  du  midi  de  la  France  :  hurgo,  hergo  (voir  les  cartes 
1471  et  1572  de  l’ALF  et  Rolland,  III,  p.  272-^75,  et  pour  l’éty¬ 
mologie  de  ce  mot  E.  Richter,  Wiener  Sitzungsbericht,  156,  p.  100), 
mais  nulle  part  berto. 

Mais  quelle  est  l’origine  de  ce  bertau  ?  A-t-il  un  rapport  avec 
rabertau  (roitelet)  ?  ou  est-ce  le  nom  propre  Bertwald,  devenu 
appellatif  pour  désigner  un  pauvre  hère,  faible  d’esprit,  dévelop¬ 
pement  analogue  à  celni  des  noms  suisses-allemands  Gret,  Jokkel; 
le  hanneton  ou  frelon  aurait  été  traité  en  sot  et  aurait  reçu  ainsi 
le  nom  de  bertau  ?  C’est  l’idée  de  M.  Meyer-Lübke  (Worterbuch). 

2)  Pour  le  g  initial  devant  a  à  Hostens  cfr.  la  carte  „mite“  : 
le  p.  653  a  gardzes  pour  ardes  des  points  environnants. 


51 


f)  Berichoa. 

§  41.  Entre  les  zones  roiberi  à  l’est,  heré  à  l’ouest, 
il  y  a  une  petite  zone  intermédiaire  du  type  berichon. 
Les  formes  sont  les  suivantes:  béri^Ô  aux  p.  327,  338, 
411  (Maine),  berûô  aux  p.  412,  423,  421,  443,  berichon 
(Anjou;  Giraud,  Etudes  ornithologiques,  1875;  Montesson, 
Vocabulaire  du  Haut-Maine),  berieô  (p.  318  et  Maine-et- 
Loire  ;  Vincelot,  Etudes  ornithologiques),  berrichet  à  St-Cast 
(Sébillot,  Trad.  de  Haute- Bretagne),  berrichat  (de  la  Blan- 
chère),  barichb  (Ille-et-Vilaine;  Rolland,  compl.).  Le  mot 
se  trouve  déjà  au  siècle  :  berichnt  (Belon,  1555), 

benchon  (Gessner,  1604),  berichet  (Monet,  1635),  bericoc 
(Fontaine,  1612)  est  peut-être  une  faute  d’impression  pour 
bericot  (Rolland,  compl.). i) 

Pour  expliquer  ces  formes,  on  pourrait  supposer 
l’existence  d’un  féminin  *bitrICA  à  côté  de  bitrÎcus  :  un 
berriche  -f-  on  (cfr.  Marie,  Marion)  satisferait  peut-être 
les  exigences  de  la  phonétique.  Mais  la  forme  berriche 
a-t-elle  des  raisons  d’être  ?  Ne  vaudrait-il  pas  mieux  partir 
du  masculin  bitrÏcu  ^  berri  et  voir  dans  berrichon  un 
exemple  des  formations  particulièrement  fréquentes  dans 
l’ouest  de  la  France  {cir.  poire:  perrichon,  moine:  moini- 
chon,  baudet:  baudichon  [Horning,  Zeitschrift  für  roman. 
Philologie,  XIX,  173;  XX,  343]).2) 

A  côté  de  benchon  il  y  a  burichon  (p.  316,  Millet, 
Faune  de  Maine-et-Loire,  1828).  Le  mouchet  (accentor 
modularis)  porte  aussi  le  nom  de  buriche  (Jaubert),  et  la 
fauvette  d’hiver  dans  une  région  assez  éloignée  de  berichon 
(roitelet);  au  p.  702  (Creuse)  on  l’appelle  burim.  Faudra- 
t-il  expliquer  la  fonue  en  -ur-  en  faisant  appel  aux  formes 
PURiscuLUS  du  latin  médiéval  (cfr.  §  27)  ?  Ou  sera-t-on 
en  droit  de  supposer  que  berichon  fut  rapproché  par 

0  Berrichon  >  hœried  (p.  433,  Vincelot,  Jaubert). 

Peut-être  associa-t-on  ce  mot  à  beurre,  beurriclion  qui  signi¬ 
fie  le  chassieux;  c’est  en  beaucoup  d’endroits  un  terme  injurieux 
(cfr.  lagagnouso). 

2)  Encore  resterait-il  à  examiner  le  rapport  entre  l’oiseau 
berrichon  et  l’adjectif  berrichon  du  nom  de  la  province  de  Berry. 


52 


étymologie  populaire  de  bure  (couleur  de  bure  =  couleur 
brunâtre,  roussâtre  comme  le  roitelet,  i) 

Une  troisième  forme  est  représentée  par  hourichon 
(Blois,  Thibaut  ;  Loire-et-Cher,  Bassetière),  huruàù  (point 
446),  houerrichon  (Angevin,  Verrier-Onillon),  bouriche,  m. 
(Mayenne  ;  Rolland,  compl).  Y  a-t-il  là  le  reflet  de  Tin- 
fluence  d’une  autre  étymologie  populaire,  de  bourriquet? 
Ou  faut-il  voir  dans  burichon,  bourichon  de  simples 
variantes  phonétiques  où  la  voyelle  protonique  a  été 
changée  sous  Tinfluence  de  Tr? 

Les  formes  beru^Ô  (p.  339,  440,  443),  berueô  (p.  328, 
462),  béru^é  (p.  339,  368),  béru¥yé  (p.  339),  berruchet  à 
Matignon  et  Avranches  (Sébillot,  Trad.  de  Haute- Bretagne, 
p.  211  ;  Le  Héricher,  Histoire  et  Glossaire  du  normand, 
1870),  berruchot  à  Ercé  (Sébillot),  beruchon  à  Nantes 
(Salerne),  sont-elles  dues  à  un  changement  de  suffixe 
puisque  -ichon  et  -uchon  ont  des  fonctions  analogues 
(cfr.  Horning,  Zeitschrift  für  rom.  Phïl.,  XIX,  180)? 

Comme  le  saintongeois  roi  bout!  (Salerne)  est  tout 
isolé,  je  n’ose  pas  y  voir  une  contamination  avec  pouti, 
poutin  (chassie  des  yeux  en  Languedoc). 

Il  est  vrai  qu’on  pourrait  appeler  au  secours  le 
lagagnouo  (féminin),  „roitelet“,  à  Marseille  (Mistral). 
Lagagnou(s)o,  fréquent  dans  la  dénomination  des  plantes,^) 
(cfr.  cartes  pissenlit,  coquelicot)  signifie  chassieux.  Mais 
il  est  toujours  difficile  de  tabler  sur  des  formes  isolées: 
il  suffit  d’avoir  entrevu  les  différentes  possibilités  pour 
expliquer  les  variantes  du  mot. 


3.  Péteré  et  ses  dérivés. 

§  42.  Voici  d’abordl’expansion  et  les  formes  de  ce  type  : 
Je  n’ai  que  deux  témoignages  de  pjéteré  tout  seul  : 
pétéré  à  Bardonnèche,  Piémont,  et  pteu  à  Vergisson  près 

Voir  d’autres  noms  d’oiseaux  dérivés  du  même  mot  dans 
E.  Richter,  Bedeutmigsgeschichte  der  Wortsippe  hur(d),  Wietier 
SHztingshet'ichte,  156,  p.  11. 

2)  Cfr.  pour  l’étymologie  de  ce  mot  Schuchardt,  Ztschr.  XXIX,  561. 


53 


de  Mâcon  (Constantin  et  Désormaux).  Généralement  on 
le  fait  précéder  de  regem  comme  presque  tous  les  noms 
du  roitelet.  Mais  nulle  part  ce  titre  n’est  aussi  ironique. 
Reipetaret  apparaît  déjà  dans  le  premier  exemple  que 
je  connaisse  (Rolland). 

Voici  les  formes  que  ce  mot  revet  aujourd’hui  dans 
le  Lyonnais:  rapëtérœ  (p.  808,  818),  rapétré  (p.  819,  909 j, 
raptèré  (p.  908),  rapétré  (p.  916),  rèpétérè  (p.  816),  repé- 
iréé  (p.  817,  926),  répétré  (p.  907),  rèpétérè  (p.  986),  rèy- 
pétérèt  (p.  975).  Ces  deux  derniers  points,  détachés  de  la 
zone  principale  de  répéteré  et  séparés  d’elle  par  d’autres 
types  plus  récents,  montrent  que  l’aire  répéteré  a  dû  être 
beaucoup  plus  grande  autrefois.  Des  vestiges  s’en  sont 
conservés  dans  la  vallée  d’Aoste,  très  conservatrice  :  ainsi 
aux  p.  903,  905  on  dit  rwapétré,  raptézé  aux  p.  911,  914. 
Les  dictionnaires  donnent  râpteré  (Villefranche-sur-Saône, 
Revue  de  phil.,  XXV,  96),  repetaret  (Forez,  Bourbonnais, 
Gras,  Duchon),  rèpetarè  (Lyonnais,  Puitspelu),  rapoutâ, 
raipotot  (Morvan,  Chambure),  rapeio,  rapôlô,  rapoutâ 
(Nièvre,  Rolland,  compl.).  Ce  mot  correspond  au  français 
roi  pétard  (pôtâ  =  pétard  selon  Chambure). 

Il  me  semble  que  cette  désignation  du  roitelet,  elle 
aussi,  doit  être  rattachée  au  mot  bitriscus  ou  pitriscus 
tel  qu’il  apparaît  dans  certaines  sources  (cfr.  §  27). i) 

Par  l’étymologie  populaire  ce  pitriscus  fut  mis  en 
rapport  ensuite  avec  les  noms  de  différents  autres  ani¬ 
maux,  oiseaux  et  poissons  qui  s’appellent:  „pétard,“  „pé- 
teur“.2)  Je  crois  que  c’est  la  petitesse  de  l’oiseau  qui  con- 

9  Ce  double  développement  de  -tr-  qui  tantôt  reste,  tantôt 
se  réduit  à  -r-  trouve  un  parallèle  dans  les  dérivations  d’un  autre 
mot  celte:  mataris  (javelot)  qui  aboutit  en  vieux-français  à  méreau, 
marelle  d’une  part,  à  matras  d’autre  part  (cfr.  Meyer-Lübke, 
Worterhiich) . 

2)  Parmi  les  oiseaux  je  nommerai  la  canepetière  (otis  tetrax), 
le  motteux  (saxicola  oenanthe).  Sur  les  poissons  voir  le  travail 
de  M.  Barbier  (Revue  des  langues  rom.,  LVII,  328)  qui  remarque 
que  ce  nom  s’applique  toujours  aux  très  petits  poissons.  Il  le  met 
en  rapport  avec  le  français  péteux,  péteuse,  troussepète,  le  provençal 
petous,  petouso  qui  se  disent  des  petites  personnes,  des  petits  pois¬ 
sons  (cfr.  Ivan  Pauli,  Enfant,  garçon,  plie  dans  les  langues  romanes, 
p.  219  et  223).  Petouset  est  aussi  le  nom  du  petit  criquet. 


54 


tribue  à  rattacher  <<  pitriscüs  h,  pétard,  petous^  „ petit 

animal“.  Ce  nom  renferme  une  bonne  dose  d’ironie  po¬ 
pulaire,  de  mépris  du  fort  vis-à-vis  du  faible.  On  remet 
brusquement  à  sa  place  le  petit  impertinent,  qui  semble 
vouloir  s’élever  au-dessus  de  sa  condition.^) 

§  43.  A  Vergisson  près  Mâcon  le  suffixe  -ard  est 
remplacé  par  -osus:  repteu  (Constantin  et  Désormaux). 
Il  en  est  de  même  en  Provence  où  l’on  a  ajouté  au 
radical  la  terminaison  -osus  dans  le  nord,  -osa  dans 
le  sud.  -osus  >  n  au  p.  849  (Isère,  cfr.  la  carte  heu¬ 
reux),  de  là  ripatn,  ripaUis  (p.  868),  rapélus  (p.  889), 
pétifs  (p.  879). 

De  ce  nom  on  forma  en  Provence  un  féminin  pê- 
tnzo  (p.  853,  855,  862,  863,  871,  873,  888,  898),  pétnza 
(p.  865)  et  un  diminutif  petuzeta  (p.  991).  L'^  tombe 

dans  petno  (p.  864,  874,  875,  876),  péiué  (p.  872)^), 
péiw%  féminin  (p.  878),  pétioo  (p.  887),  petugo  (p.  885) 
(cfr.  la  carte  étincelle). 3) 

Au  p.  897  (Alpes-Maritimes)  on  appelle  le  roitelet 
rêipetü  (*„rei-peton“).  Le  même  mot  peioun  désigne 
aussi  le  dernier  .oiseau  d’une  nichée. 

Ripatéa  au  p.  990  est  difficile  à  expliquer. 

Le  type  pétard,  péteux  est  en  train  de  reculer 
devant  des  types  nouveaux,  surtout  devant  roitelet  et 
roi  des  oiseaux.  Ailleurs  il  a  été  radicalement  transformé 
par  l’étymologie  populaire.  Le  terme  manquait  sans  doute 
de  vitalité.  Peut-être  est-il  devenu  obscur  à  la  suite  d’un 
fort  rétrécissement;  peut-être  le  trouve-t-on  déplacé  a 
l’égard  d’un  oiseau  porte-bonheur,  et  surtout  choquant 

^)  Mais  ce  petrisctis  du  latin  médiéval  est-il  dû  lui-même  à 
une  étymologie  populaire  de  bitriscus  (-}-  peditare)  (cfr.  vitriscus  < 
BiTRiscüs  vissire)?  Ou  faudra-ü  voir  dans  pitriscus  une  variante 
dialectale  de  bitriscus  dans  le  gaulois? 

2)  Cfr.  les  cartes  „poison“  et  „ver  luisant"  de  ALF. 

^)  L’étude  des  dictionnaires  donne  à  peu  près  le  même  ré¬ 
sultat.  Mistral  donne  les  formes  suivantes:  petouso,  lietouvo,  jpe- 
touvin  (à  Nice),  petouo,  petoue,  petoua.  Différents  autres  oiseaux 
s’appellent  petouso  par  confusion,  ainsi  le  grimpereau  (Mistral, 
Rolland),  la  mésange,  la  fauvette.  On  a  aussi  appliqué  ce  nom  à 
la  huppe  à  cause  de  sa  malpropreté  légendaire. 


55 

(cfr.  le  remplacement  de  „conin“  par  ^lapin*'^,  Jaberg, 
SpracJigeographie) . 

Les  zones  de  répeteré  et  de  petou,  autrefois  certaine¬ 
ment  unies,  sont  séparées  aujourd’hui  par  une  couche 
secondaire  qui  offre  le  type  de  „roi  des  oiseaux''^,  dif¬ 
férents  noms  empruntés  à  d’autres  oiseaux,  des  noms 
spontanés  à  l’ouest  et  un  continuateur  très  curieux  de 
pétaré  à  l’est. 

a)  Collision  avec  rapatin  (grimpereau). 

§  44.  Dans  les  départements  de  l’Isère  et  de  la 
Haute-Savoie  le  roitelet  s’appelle  rapatet:  roepattoe  (point 
942),  roepaté  (p.  838),  ropaté  (p.  940),  répaiet  (Charvet, 
Faune  de  V Isère,  statistique  générale  de  V  Isère,  1846), 
repatet  à  Grenoble  (Ravanat,  p.  171),  ripatet  à  Voiron 
(Isère;  Blanchet,  p.  215),  avec  changement  de  suffixe: 
ripatô  (p.  931)  et  ripatè  (p.  920,  945),  rapatè  (p.  936), 
ripatin  à  Leschaux  (arrondissement  Annecy  ;  Constantin), 
rapatin  à  Albertville  (Brachet,  p.  197),  râpâtè  à  Certoux 
(Keller,  §  81,  3).  Salerne  comprit  le  rap)atè  savoyard 
comme  petit  roi  Patan.  A  Bernex  (Genève)  on  en  fait  : 
rampatan  (Glossaire).  Aillem’s,  à  Aire-la- Ville,  n’y  com¬ 
prenant  plus  rien,  on  renversa  les  sons  :  ratapin  ( Glossaire), 
en  pensant  peut-être  au  rat. 

Petaret  devint  phonétiquement  patara  (p.  933,  Savoie), 
e  atone  devenant  a,  surtout  devant  liquide. i) 

Pour  expliquer  les  formes  de  l’Isère  et  de  la  Haute- 
Savoie,  il  faut  y  supposer  une  couche  ancienne  de  "^'rapata 
(roi  pétard)  correspondant  à  rapouiâ  du  Morvan. 

Dans  une  région  où  d  >>  a^)  et  -ittus  a,  on 
comprit  rapata  comme  rampantet.  Ce  mot  correspond  à 
grimperet,  grimpereau,  noms  donnés  à  un  autre  oiseau 

9  Cfr.  Puitspelu,  Phonétique  lyonnaise,  §  64;  Pliilipon,  Patois 
de  St-Genis  des  Ollières,  Revue  des  'patois,  II,  31,  208;  J.  Désor- 
maux,  Alternances  dans  le  parler  de  Thônes,  Revue  de  phil.,  XXII, 
28;  la  carte  „(ligitale“  donne  (m.)  au  p.  826. 

2)  Pour  la  fausse  régression  voir  les  cartes  „manger‘‘,  „langue“, 
„rossignol‘‘. 


56 


petit  et  brun  qui  grimpe  très  bien  (certhia  familiaris), 
souvent  confondu  avec  le  troglodyte  (voir  §  73).  Con¬ 
stantin  donne  pour  „grimper“  râpâ. 

Il  est  probable  que  le  nom  de  rapatet  (ou  avec  sub¬ 
stitution  de  suffixe  rapatin)  appartenait  au  grimpereau  i) 
avant  d’arriver  par  différents  développements  phonétiques 
à  désigner  le  troglodyte,  car  la  région  où  ce  mot  désigne 
le  grimpereau  est  beaucoup  plus  grande  que  celle  où 
l’on  appelle  ainsi  le  troglodyte. 

La  confusion  de  ces  deux  noms  d’oiseaux  n’a  pas 
les  mêmes  conséquences  funestes  que  les  différentes  homo¬ 
nymies  découvertes  par  M.  Gilliéron  pour  des  noms  très 
usités.  Elle  n’est  pas  absolument  intolérable,  comme  le 
prouve  le  fait  qu’en  une  contrée  un  seul  nom  désigne 
l’un  et  l’autre  des  deux  oiseaux.  On  peut  cependant 
constater  une  tendance  à  les  distinguer  de  nouveau  en 
laissant  au  grimpereau  son  nom  —  autant  qu’on  peut  l’af¬ 
firmer  par  le  seul  témoignage  des  dictionnaires  —  et  en 
créant  une  autre  dénomination  pour  le  troglodyte.  La 
désignation  ripatet  (roitelet)  était  certainement  plus  ré¬ 
pandue  autrefois.  Nous  constatons  aujourd’hui  sur  la 
carte  de  l’ALF  un  vide  à  l’est  et  à  l’ouest  de  la  zone 
ripatin.  Il  a  été  comblé  par  des  couches  secondaires  qui 
se  superposent  en  partie  à  ripatet^  en  partie  à  répeteret. 
Ripatet  prêtait  à  confusion  et  répéter  et  a  été  refoulé  dans 
les  Alpes  (aux  p.  975,  986),  lorsqu’il  était  détaché  de  son 
domaine  principal  par  la  zone  ripatet  et  que  ce  mot  équi¬ 
voque  avait  semé  le  trouble  aussi  dans  l’aire  répeteret. 
D’autres  causes  ont  déjà  été  mentionnées  plus  haut  (§  43). 

Au  nord  de  l’aire  répétard  il  y  eut  la  même  as¬ 
sociation  de  ce  mot  (rapetô)  avec  le  verbe  ra(m)per,  et 
comme  nous  sommes  ici  à  peu  près  sur  la  limite  entre 

Rolland  mentionne  sous  grimpereau  les  noms  de  rapatin, 
rayette,  rapillons  et  rampa  pour  la  Savoie,  rampinette  pour  les 
Vosges,  rampélie  pour  la  Meuse,  rampeon  pour  la  Provence,  et 
dans  le  Complément:  rapô  (St-Maurice),  rapilha  (Lyon),  rapon 
(Hautes-Pyrénées);  on  peut  ajouter  à  cette  liste  rampiat,  rampicat, 
rampighin  pour  le  Piémont  (Bonelli).  Humbert  (Nouveaux  Glossaire- 
genevois,  1852)  traduit  rapatin  par  „siteUe‘‘.  Constantin  fait  de 
même  pour  rapeta  à  Rumilly. 


ramper  et  grimper,^)  oa  forma  par  contamination  un 
grapetô  (m.)  dans  le  département  de  Nièvre  (Rolland, 
Compl.). 

Rapyà  (m.),  roitelet  à  Vinzelles  (Dauzat),  et  rapilha 
(grimpereau)  dans  le  Lyonnais  (Rolland,  compl.)  sont 
peut-être  aussi  des  dérivés  en  -ittus,  -ittade  ra(m)pâ, 
ra(m)pillâ.  Rapijaneta  (ibidem)  en  est  un  diminutif. 

Tandis  qu’à  l’est  l’association  de  répétard  avec  le 
verbe  ramper  est  générale,  on  ne  la  trouve  que  rarement 
à  l’ouest. 

b)  Reypetit  et  dérivés. 

§  45.  A  l'ouest  l’étymologie  populaire  a  travaillé  dans 
une  autre  direction.  Dans  la  Haute-Loire  et  plus  au  sud, 
dans  une  région  qui  est  aujourd’hui  recouverte  d’une  couche 
secondaire  du  type  de  „roi  des  oiseaux'*'*,  on  transforma 
péter ety  mot  rétréci  et  clioquant,  en  petit  re,  ce  qui  se 
présente  facilement  à  l’esprit  de  celui  qui  connaît  la  fable. 
Il  ne  reste  aujourd’hui  qu’une  seule  trace  de  la  forme 
intermédiaire  avec  préposition  de  l’adjectif  ;  pétiré  au  point 
840  (Gard),  à  moins  qu’on  ne  voie  dans  rebedéré,  rébé- 
dédé  des  p.  824  et  833  (Ardèche,  cfr.  §  31)  des  trans¬ 
formations  de  répeteret  voisin,  provenant  elles  aussi  de 
ce  qu’on  trouvait  repeteret  choquant.  Mais  ces  transfor¬ 
mations  ont  été  peu  heureuses,  elles  n’ont  eu  aucune 
force  d’expansion  parce  qu’elles  ne  signifiaient  rien.  Sans 
le  témoignage  de  cette  forme,  je  n’oserais  pas  faire  dé¬ 
river  reypetit  de  petaret.  Petyore  (p.  842)  renferme  un 
diminutif  de  petit.2) 

D’après  la  carte  „mon  petit  garçon^  (623)  l’adjectif 
suit  toujours  le  substantif  dans  la  région  en  question. 
La  place  de  l’adjectif  dans  pétiré  est  donc  inusitée  ;  aussi 
cette  forme  disparaîtra-t-elle.  Aussi  dit-on  partout  ailleurs 

Je  ne  peux  établir  la  chose  avec  certitude,  parce  qu’il  n’y 
a  pas  de  carte. 

2)  Nous  avons  peut-être  encore  une  preuve  de  l’existence  de 
'pétard  dans  le  Cantal  dans  l’expression  potobilou  (Rolland,  compl.). 
Sous  le  premier  élément  de  ce  mot  poto  pourrait  bien  se  cacher 
pétard  (lo  hilou  est  le  vendangeur  au  p.  818;  Rhône).  „ Vendangeur “ 
est  le  nom  de  l’ortolan  dans  bien  des  contrées;  peut-être  y  a-t-il 
eu  confusion  des  deux  oiseaux. 


58 


reypéti  (p.  715,  717),  répéH  (p.  841),  rêpêtét  (p.  768), 
répétit  (p.  713,  716,  718,'  728,  729,  735,  757,  782),  réy- 
pétH  (p.  691,  719,  727,  746,  748,  766),  réypétit  (p.  686, 
724,  744,  772,  773,  783,  793),  réiypèiU  (p.  692,  693,  694, 
696,  737,  790,  792,  628,  638),  réypHU  (p.  733,  794), 
ripitit  (p.  778),  réypàtït  (p.  796)4) 

En  Auvergne  Mistral  cite  la  forme  repetetit,  qui  res¬ 
semble  à  une  onomatopée.  Reyman^ut  (p.  795,  Pyrénées- 
Orientales)  et  reymemit  (p.  797)  sont  une  traduction  de 
reypetit, 

Ptyi  rey  aux  p.  982,  992  (Piémont)  est  complète¬ 
ment  séparé  de  Faire  reypetit  en  Auvergne  et  en  Lan¬ 
guedoc  ;  il  continue  la  zone  ptcit  re  du  Piémont  (Flechia, 
Arch,  GL,  XVni).2) 

Blavignac  (Uempro  genevois,  1875)  mentionne  un 
rappetolet  entièrement  isolé  que  les  correspondants  du 
Glossaire  ne  semblent  pas  connaître.  Ratjtole  (p.  958, 
Haute-Savoie)  n’est  peut-être  qu’un  raptitolet  corrompu. 

§  46.  Tout  à  l’ouest  de  la  région  rey  petit  on  ap¬ 
pelle  le  roitelet  reypit^yu  (p.  743,  762,  784)  avec  un  di¬ 
minutif  de  petit  qui  semble  être  assez  fréquent  dans  cette 
région  (cfr.  la  carte  „mon  petit  garçon“).  Par  contre,  ce 
suffixe  ne  paraît  pas  être  en  usage  plus  à  Fouest.  Il  en 
résulta  un  nouveau  malentendu,  peut-être  parce  que  la 
fable  était  peu  connue  dans  cette  partie  des  Pyrénées  : 
reypiPyu  est  défiguré  et  devient  reyUn  (p.  687,  Hautes- 
Pyrénées)  —  comme  reknt^yit  >  riikPyit  au  p.  662  (Gironde), 
richou  (Cenac-Moncaut,  Dictionnaire  gascon-français,  dial, 
du  dép.  du  Gers,  1863),  avec  article  agglutiné,  luriUyn 
(p.  688),  luritm  (p.  689).  Ce  mot,  ne  se  rattachant  à 
rien,  n’a,  par  conséquent,  aucun  pouvoir  expressif.  Aussi 
M.  Egmont  ne  Fa-t-il  rencontré  qu’en  trois  points.  Cette 
zone  confine  à  l’est  à  une  couche  nouvelle  de  re  et  de 


b  Déformé  de  la  sorte,  le  mot  primitif  est  méconnaissable. 
Aussi  le  roitelet  partage-t-il  ce  nom  avec  le  grimpereau  dans  les 
Landes  et  avec  le  rouge-gorge  dans  la  Gironde  et  les  Hautes-Py¬ 
rénées. 

b  Pour  d’autres  témoignages  de  'p’ci  rey,  voir  Morosi,  Dial, 
di  Frai;  Arch.  Gl.,  XI,  331  —  re  jpcit  à  Cuneo,  Alba  (Bonelli). 


59 


rastelet,  doot  j’ai  déjà  parlé,  qui  est  venu  le  remplacer.  A 
l’ouest  et  au  sud  rit  en  fut  conservé  par  l’étymologie  populaire 
qui  eu  lit  chourro  (Lacroix,  Catalogue  raisonné  des  oiseaux  ob¬ 
servés  dans  les  Pyrénées  françaises  et  les  régions  limitrophes^ 
1873 — 75),  chouret  dans  le  Bigourdan  (Bassetière),  enreto 
(féminin)  au  p.  698  et  à  Bagnères  de  BigoiTe  (Rolland), 
chourro  (féminin)  (Gers;  Rolland,  compl.),  tchourro  (Tarn- 
et-Garonne  ;  Rolland,  compl.),  marie- chourre,  marietchourre 
(féminin)  (Lespy-Raymond,  Dictionnaire  de  Béarn^  II,  48), 
marichoure  à  Bagnères  de  Bigorre  (Rolland).  L’Atlas  donne 
en  outre  eureto  pour  fauvette  au  p.  687;  chourro  désigne 
aussi  une  espèce  d’alouette  dans  le  Béarn  (Mistral).  Le 
ver’oe  chourra'^)  signifie  d’après  Mistral:  tarder,  croupir, 
être  engourdi,  se  reposer,  muser,  badauder  (dans  le  lang.), 
être  sournois,  silencieux,  bouder  (en  Rouergue  et  Q^^ercy), 
dégringoler,  tomber  petit  à  petit,  couler,  s’amuser.  On 
peut  trouver  là  bien  des  points  de  contact  avec  les  ma¬ 
nières  du  troglodyte,  d’autant  plus  qu’on  se  trouve  dans 
le  voisinage  de  rekntcet  (roitelet)  qui  appartient  au  même 
ordre  d’idées. 

Marichoure  pourrait  dire  :  Marie-repose-toi,  Marie- 
amuse-toi,  Marie-dégringole,  etc.  C’est  une  composition 
avec  l’impératif  comme  il  s’en  retrouve  dans  toutes  les 
langues.^) 

Du  verbe  chourra  on  forma  un  substantif  verbal 
choîirro  (féminin),  chouret  (masculin)  et  choureto  (féminin) 
de  la  même  manière  qu’on  fit  dériver  de  musser  mussot^ 
de  huiHji  ktiPyit,  kui^yef  deux  noms  du  troglodyte  dont 
j’aurai  encore  à  parler,  piquer  piqué  (nom  de  la  sitelle 
dans  le  Gard  (Rolland),  de  grimper  gr impet  (grimpereau) 
ou  gripoüe  (gripette),  etc.^) 

Saméan  (La  création  métaphorique  en  français  et  en  romaUj 
Beiheft  zur  Zeitschrift,  I,  1905,  p.  116)  essaie  d’en  donner  une 
étymologie. 

‘^)  Cfr.  l’espagnol  mari-posa  (papillon),  l’italien  salta-martin 
(sauterelle)  ou  sauto-hernat  en  provençal,  h%de  mari  ou  maryo  volo 
(coccinelle)  en  Béarn.  (Ici  aussi  ce  sont  des  noms  propres  très 
familiers  que  l’on  emploie,  cfr.  §  30.) 

^)  Peut-être  le  mot  basque  chori  (oiseau)  {Zeitschrift,  1893, 
154)  a-t-il  aussi  joué  un  rôle  dans  ce  développement. 


60 


Mais  je  ne  réussis  pas  à  expliquer  comment  lu  piteîi 
(re),  le  petit  (roi)  s’est  transformé  en  vichou  (Bouches- 
du-Rhône,  Villeneuve,  1821),  viPyü  (p.  894,  Var),  vitreynré 
(p.  899,  Alpes-Maritimes),  viciore  (Andrews,  Vocab.  franç.- 
mentonais,  1877).  Il  est  vrai  que:  Pellicot  (1838)  donne 
vichou  dans  le  Var  pour  le  pouillot,  Azaïs  et  Honnorat 
bichot  (fauvette)  en  provençal. 

L’histoire  du  type  pétaret  montre  comme  celle  de 
BiTRiscus  en  général  que  le  peuple  ne  se  contente  pas 
d’un  vocable  indifférent  pour  désigner  le  roitelet.  Il  se 
renouvelle  par  conséquent  constamment,  comme  tous 
les  mots  affectifs. 

e)  Remplaçants  de  petaret  à  signification  semblable. 

§  47,  A  côté  de  ces  déformations  directes  de  répeteret 
en  décadence,  nous  rencontrons  aussi  des  remplaçants 
d’une  autre  nature.  Un  mot  qui  va  disparaître 
en  appelle  un  autre  d’inspiration  analogue 
qui  prendra  sa  place  (cfr.  Jaberg,  Romania,  XLVI,  127). 
C’est  ainsi  qu’aux  environs  de  Grenoble  on  appelle  le 
roitelet  vessînarda  (Ravanat)  qui  a  la  même  signification 
et  le  même  suffixe  que  péteret. 

Au  même  endroit  on  l’appelle  aussi  pet  de  bou 
(Ravanat)  qui  appartient  au  même  ordre  d’idées.  Cette 
désignation  se  retrouve  à  Panissière  (Puitspelu),  à  Voiron, 
à  Jons  (Revue  de  pliil.,  IV,  232).  On  y  dit  aussi  pey  de 
i6oi/A'(poil  de  bœuf,  Bailly,  Ornithologie  de  la  Savoie,  1875), 
2)n  de  bu  (Fenouillet,  p.  219)  qui  n’est  probablement 
qu’une  déformation  du  premier. 

Pêro  d*bou  à  Annecy,  que  Constantin  et  Désormaux 
n’ont  pas  su  expliquer,  doit  être  une  contamination  de 
pet  de  bou  avec  peyro  dian  (Bailly).  Ce  dernier  corres¬ 
pond  à  peiro-jano  des  Cévennes  (cfr.  la  carte  „Jean“) 
qui  désigne  selon  Mistral  une  variété  de  châtaigne.  Or 
le  roitelet  s’appelle  ^châtaigne “  en  plusieurs  endroits, 
comme  nous  allons  le  voir. 

Trouspë  (Bailly)  appartient  au  même  cercle  d’idées 
(cfr.  le  franç.  troussepète)  de  même  que  pa  de  sri  (pet 
de  souris)  du  patois  messin  (Rolland,  Rom.,  V.,  p.  215). 


61 


Tous  ces  termes  sont  isolés.  M.  Edmont  n’en  a  ren¬ 
contré  aucun.  Ce  n’est  cependant  pas  par  hasard  qu’ils 
se  trouvent  tous  dans  la  région  de  pétaret  et  de  roi  de 
quilles.  Nulle  part  ailleurs  on  ne  traite  le  petit  oiseau 
d’une  manière  si  peu  respectueuse.  Il  n’est  pas  ici,  comme 
dans  le  Périgord  et  en  Normandie,  l’oiseau  béni,  l’oiseau 
protégé  de  Dieu.^) 

§  48.  Petaret  a  valu  au  roitelet  un  autre  nom 
encore,  dans  l’est  de  la  France.  C’est  roi  de  quilles 
(quille  =  excrément  <<  allemand  ^kegil“).  Eeauquier 
relève  à  propos  de  roi  de  quilles  l’expression  merdeux 
pour  désigner  un  petit  enfant.  Dans  cette  contrée  les 
termes  gey,  geyaV  (féminin)  et  geyê  (masculin)  sont  em¬ 
ployés  familièrement  pour  „une  petite  bambine,  un  petit 
garçon“  (Boillot;  Jaclot,  Mess.\  Vautherin;  Glossaire) 
Roi  de  quilles  comme  petaret  exprime  le  mépris  pour  le 
petit  être. 

Je  ne  peux  malheureusement  pas  indiquer  exacte¬ 
ment  l’aire  de  cette  expression,  parce  que  la  carte  de 
l’Atlas  est  incomplète.  Voici  les  formes  que  je  connais: 
rédgéy  (Boillot,  Faune  et  Flore  franc-comtoises,  255), 
rwédgœy  (p.  54  de  l’Atlas),  ro  d^gheye  à  Sancy  (Doubs) 
(Revue  de  phil.  franç.,  XIV,  47),  ro  d’giy  en  Bourberain 
(Revue  des  patois  gallo-rom.,  III,  89),  roué  d'gJiëy'  (Bour¬ 
gogne;  Rolland,  compl.),  roi  de  guilles  dans  le  Jura 

b  Par  contre,  je  ne  crois  pas  avec  Meyer-Lübke  (Worter- 
huch)  et  Sainéan  ( Zeitschrift,  207)  roi  Pétaud,  vivant 

seulement  dans  l’expression  „cour  du  roi  Pétaud“  dans  la  langue 
littéraire,  ait  quelque  chose  à  faire  avec  rei  petaret,  rei  peteux. 
Cette  cour  est  un  endroit  où  chacun  veut  être  maître  (Godefroy). 
L’expression  est  attestée  par  Cotgrave  et  Kabelais  (III,  6)  et  en 
français  moderne  par  exemple  par  R,  Eollaud  (Jean-Christophe,  Y , 
p.  69).  Ce  roi  Pétaud  est  plutôt  le  roi  des  mendiants,  de  troupes 
désordonnées;  cfr.  le  vieux-français  hedel,  hedeaii,  hideaut,  petaut 
pîtault,  soldat  de  troupes  légères,  paysan  armé  adonné  au  pillage 
ou  simplement  terme  injurieux  (Godefroy).  Ce  mot  dérivera  d’un 
^  mot  germanique,  ancien  haut-allemand:  bidal,  bital,  pital  (Franz. 
Studien,  VI,  94). 

b  Cfr.  en  outre  l’expression  suisse-allemande  :  chegelischüeler 
à  côté  de  hdfeUschiieler,  termes  de  mépris  dont  les  écoliers  se 
servent  à  l’égard  de  leurs  camarades  des  classes  enfantines. 


62 


(Beauquier),  roi-de-gueille  à  Colombe-les-Bithaine  (arron¬ 
dissement  Lure)  (Vautherin),  roi  de  guille  à  Broje-les- 
Pesmes  (Perron,  Proverbes  de  la  Franche-Comté,  1876), 
à  Montbéliard  (Sabler,  Catalogne  des  animaux  de  Varrond. 
de  Montbéliard,  1864),  rô  d'ghîyb  dans  la  Haute-Marne 
(Rolland,  compl.)  retgèj,,  ratgèi  à  Damprichard  (Grammont, 
Boillot).  Le  mot  est  aussi  connu  dans  le  Jura  bernois 
voisin:  roè  d'gey^  à  Montignez  (Glossaire).  (Un  redigoelé 
tout  à  fait  isolé  au  p.  978  [Nendaz]  qui  désigne  la  fau¬ 
vette,  est  très  curieux.)  Bcikia  à  Belmont  (Horning, 
p.  140),  raikio  à  la  Baroche  (ibidem)  correspond  à  quille 
-[-  ittus  (cfr.  ceva  [chevet],  laqoio  [petit  lapin]).  Ces  formes 
règuia,  rèkia  sont  attestées  déjà  par  Oberlin  (Essai  sur 
le  patois  lorrain  des  environs  du  comté  du  Ban  de  la  Roche, 
1775).  Oberlin  ne  comprenait  déjà  plus  cette  expression. 
Peut-être  retrouvons-nous  encore  roi  quille  beaucoup  plus 
au  nord  dans  rwetlô  arwi  ou  arwitlo  (<<  reguille)  au 
p.  283  (Pas-de-Calais).  Le  w  pour  -gu-  (arwi  <<  reguille) 
s’explique  peut-être  par  sa  position  intervocalique  (cfr. 
lèw  <C  lingua,  ëwiy  <  anguilla,  awiy  <C  aiguille,  ew^  << 
aqua  [Bruneau,  Phonétique  des  Ardennes,  p.  334]),  rawi 
>  arwi  par  une  métatbèse  fréquente  (cfr.  bertelle  pour 
bretelle,  etc.).  Raguille  isolé  a  été  entièrement  à  la  merci 
des  lois  phonétiques  qui  l’ont  transformé  en  un  mot  obscur, 
sans  aucun  rapport  avec  kïl.  Or,  tout  nom  inexpressif 
du  roitelet  est  condamné  à  disparaître  ou  à  être  trans¬ 
formé  par  l’étymologie  populaire.  Arwi  au  p.  283  est  près 
de  s’éteindre  ou  plutôt  de  se  combiner  avec  roitelet  venu 
de  Paris.  Nous  pouvons  assister  ici  aux  étapes  d’une 
contamination. 

Roi  de  ghézi,  gliézillat  (Rolland,  compl.),  tous  deux 
dans  l’Yonne,  le  second  spécial  à  Turny,  sont  aussi  des 
produits  de  contamination  de  roi  de  gey,  geya  avec  bezi 
(niTRicus,  cfr.  §  29),  les  deux  incompris.  Roi  de  quilles 
devait  donc  s’étendre  plus  à  l’ouest  que  mes  témoignages 
ne  l’indiquent. 

S’il  est  vrai  que  le  titre  de  roi  pénètre  dans  presque 
tous  les  noms  de  roitelet,  on  rencontre  cependant  encore 
guéyait*  (féminin)  à  Boncourt  et  à  Charmoille  (Gloss.), 


63 


gey  de  poue  (féminin)  (guille  de  porc)  à  Charmoille 
(ibidem),  guille  de  porc  à  Montbéliard  (Beanquier), 
(Vtjille-de’poûe  dans  le  Cbâtenois  (Vautherin),  dyty^de  poii 
aux  environs  de  Belfort  (Rolland,  compl.)  (cfr.  pour  cette 
expression  le  nom  du  pinson  dans  l’Isle-du-Doubs  :  tcyo- 
d-pO,  „ excrément  de  porc^”  [Bournois-Roussey]). 

§  49.  Le  roitelet  porte  aussi  le  nom  „d’excrément“ 
dans  le  Languedoc,  autre  contrée  qui  touche  à  l’aire 
pelouse.  Mistral  donne  :  cacarauIetOf  cagadauleto,  caga~ 
dauretOy  cagarauleto  (lang.),  cacarcagad  avec  les  deux 
sens  d’escargot  et  de  troglodyte,  sans  nous  indiquer  l’aire 
des  deux.  Company o  (Histoire  nat.  du  départ,  des  Pyrénées- 
Orientales,  1861 — 64)  donne  cargoulet,  Azaïs  (Dictionnaire 
des  idiomes  romans,  1877)  cagadâoideta  pour  Montpellier. 
Marcel  de  Serres  donne  la  même  forme  pour  le  Hérault 
déjà  en  1822.  D’après  l’ALF,  elle  n’est  plus  vivante  au¬ 
jourd’hui.  Meiio  et  Rolland  y  voient  escargot  (cargol, 
cagaraulo,  cagadaulo).  Mais  quel  serait  le  point  de  com¬ 
paraison  entre  le  roitelet  et  l’escargot?  Je  ne  le  vois  pas. 
Cagadauleto  me  semble  plutôt  être  le  diminutif  d’un 
dérivé  de  cagar  (cacare),  *cagata  4-  olus  +  itta.i) 

Peut-être  que  rèhchichou  (aussi  dans  le  Périgord; 
Mistral)  et  reslsn  (au.  p.  624  où  tous  les  s)  ont-ils 
une  origine  semblable.'^) 

9  Cagada  existe  réellement  dans  ce  sens  (Mistral,  Honorât)  ; 
cagado  signifie  aussi  fauvette  en  Gascogne  (Mistral).  Peut-être 
cagad-aideto  est-il  formé  du  substantif  cagado  avec  l’adjectif  auU^ 
aulo  =  vil,  méchant,  rusé  (Mistral). 

2)  CMchiou  est  le  nom  par  lequel  les  enfants  désignent  les 
petits  oiseaux  (Honorât),  ricliieu,  cJiieu  =  petit  oiseau  (enfantin; 
Mistral),  chichou  —  petit  chien  (Mistral,  Honorât).  Chichou^  chi- 
chiou  appartient  donc  à  la  langue  enfantine  et  désigne  un  petit 
animal.  Il  renferme  peut-être  „chieur“  (cfr.  l’expression  chiot, 
chie-nid  pour  le  dernier  oiseau  d’une  nichée)  avec  dédoublement 
de  la  première  syllabe,  caractéristique  pour  la  langue  enfantine. 
Chichi  est  aussi  un  nom  onomatopéique  des  choses  très  petites. 
Cfr.  Frieda  Kocher,  Reduplikationshildungen  im  Franzosischen  und 
Italien ischen,  p.  47.  On  fait  dire  au  roitelet  dans  le  Lot:  „chiriou, 
chiou,  chiou,  c’est  moi  qui  suis  le  roi“  (Rolland,  compl.).  A  la 
même  catégorie  de  noms  appartient  fouti-foiiti  (franç.  dial.,  lang.?  ; 
Chenevière,  Carnet  de  chasse^  s.  d.,  p.  233). 


64 


Le  roitelet  s’appelle  „fienteur“  encore  dans  un  autre 
coin  de  la  France,  en  Normandie  où  tout  contact  avec 
repeteret  est  exclu:  Hquieu,  riqueii  à  Valognes  (Le  Hé- 
richer)  (cfr.  cacare  >>  kye  au  p.  387,  ou  chasseur  =  -easoe). 
Les  noms  du  roitelet  qui  désignaient  à  l’origine  le 
dernier  oiseau  d’une  nichée,  le  plus  petit  et  le  plus  faible 
appartiennent  encore  au  même  ordre  d’idées  et  à  la  même 
région  que  répéter  et  (cfr.  §  42). 

On  l’appelle  culot  dans  le  Jura  (Beauquier),  cocoxjrou 
dans  l’Ardèche  (Rolland,  compl.).  Coucairoun  (peut-être 
de  ^cacaikoxe)  est  le  dernier  oiseau  du  nid  en  provençal 
(Honorât). 1) 


4.  Les  noms  de  formation  romane. 

§  50.  Ces  dernières  désignations  représentent  des 
types  de  formation  romane,  provoqués,  il  est  vrai,  par 
des  noms  déjà  existants  dans  le  voisinage,  ce  qui  montre 
que  l’imagination  ne  crée  pas  spontanément.  La  création 
d’un  mot  nouveau  est  poussée  dans  une  certaine  direction 
par  le  mot  déjà  en  usage,  même  lorsqu’il  s’agit  de  trouver 
un  nom  pour  un  objet  qui  ne  joue  aucun  rôle  daus  la 
vie  pratique.  C’est  par  un  procédé  avant  tout  mécanique, 
non  réfléchi  que  l’on  donne  des  noms. 

Certains  noms  du  roitelet,  tombant  en  désuétude, 
ont  besoin  d’être  remplacés.  Le  trait  caractéristique  par 
lequel  le  nom  précédent  avait  exprimé  tout  l’animal  ob¬ 
sède  en  quelque  sorte  ceux  qui  parlent;  dans  l’est  et 
sud-est  de  la  France,  l’idée  que  le  roitelet  est  un  petit 
être  de  rien,  que  l’on  méprise,  un  péteux,  continue  à 
avoir  ses  effets  sur  les  néologismes. 

Peut-être  peut-ou  aussi  rattacher  à  cette  famille  refoitchioii 
dans  l’Aveyron  (Vayssier)  comme  un  re  chiou-chiou  transformé 
dans  la  région  kaga  par  étymologie  populaire  en  refouchiou  qai 
aurait  rappelé  fouchau  (nigaud,  sot)  etfoucharou  (revêche,  bizarre, 
capricieux). 

Ainsi  Teuhét  (?)  au  p.  972  (Piémont)  est  peut-être  en  rap¬ 
port  avec  kuhii,  koké  (œuf).  Cela  pourrait  être  un  terme  enfantin 
semblable  a  koké^  koko. 


65 


Ce  sont  d’abord  des  noms  qui  rendent  tout  à  fait 
la  même  idée  par  une  comparaison  analogue  comme  pet 
de  bœuf  ou  roi  de  quille,  etc. 

Ensuite,  comme  tous  ces  mots  ont  de  commun  avec 
répeteret  quelque  chose  de  choquant,  d’autres  symboles 
traditionnels  de  petitesse  se  présentent  pour  exprimer  la 
même  idée  d’une  manière  moins  choquante. 

Si  l’homme  s’exprime  par  une  comparaison,  c’est 
qu’il  ne  veut  pas  rendre  une  observation  exacte,  mais 
une  impression  de  l’oiseau  qui  a  un  caractère  propre, 
soit  sympathique,  soit  antipathique. 

Et  toujours  il  a  une  comparaison  à  sa  disposition, 
qui  n’est  pas  nouvelle,  puisqu’elle  est  puisée  dans  la  tra¬ 
dition,  dans  la  mémoire,  mais  qui  peut  nous  faire  l’im¬ 
pression  d’une  trouvaille  très  originale.  Le  peuple  semble 
être  original  très  souvent  sans  le  vouloir. 


a)  Les  désignations  inspirées  par  la  petite  taille 

de  Poiseau. 

§  51.  Dans  cette  même  région  où  répetaret  semble  être 
décadent,  le  roitelet  porte  le  nom  de  pouce  ou  P  o  u  c  e  t  : 
Pouce  à  Mouthe  (département  du  Doubs;  Beauquier), 
poesro  fpoes  =  pouce  -f-  erot)  à  Grand’ Combe  (Boillot). 
Roi  pueça  (masculin)  à  Malleray  (Jura  bernois;  Gloss.) 
ne  sera  autre  chose  che  le  roi  Poucet.  Pouçard  se  re¬ 
trouve  en  rouchi  sous  la  forme  de  pieucart  (Hécart, 
Dictionnaire  rouchi- français,  1834).  C’est  peut-être  ici  la 
traduction  du  Domendick  voisin  dans  le  Luxembourg 
(Suolahti)  1). 

La  pieuquete  est  une  petite  alouette  en  Picardie.  Le  roi¬ 
telet  porte  des  noms  semblables  en  anglais:  thumb-hird;  en  Alle¬ 
magne:  Dumeling  (Gessner)  ;  Dàumle  dans  le  Tyrol  (Dalla  Torre, 
Die  volkstümlichen  Tiernamen,  Beitrâge  zur  Anthropologie,  Ethno¬ 
logie  und  Urgeschichte  von  Tyrol,  1894,  p.  57 — 157),  Dûmenzwit- 
scherle,  Dûmenschlup ferle  en  Alsace  (Suolahti)  sont  des  combi¬ 
naisons  avec  d’autres  noms.  Polaschin,  polaschet  (poucet),  utschi 
polisch,  employé  presque  partout  dans  les  Grisons  pour  désigner  le 
roitelet,  tschetscha  polisch  (Daumenlutscher)  à  Lumneins  près  de 
Truns  (communications  de  M.  Pidt). 


5 


66 


•  Le  roitelet  est  le  nain  des  oiseaux  comme  le  Petit 
Poucet  est  le  nain  parmi  les  hommes. 

§  52.  Le  petit  Poucet  est  appelé  noisette  en  alba¬ 
nais,  „moitié  de  pois“  en  grec  (cfr.  G.  Paris,  Petit  Poucet 
et  la  grande  ourse).  On  donne  les  mêmes  noms  au  roi¬ 
telet:  Noisette  dans  les  Vosges  (Gérardin,  Traité  élémen¬ 
taire  d'ornithologie^  1806),  nouchat  (féminin),  diminutif  de 
nouch  (noix  [correspondant  du  Glossaire])  dans  une  partie 
du  Jura  bernois  (Charmoille,  Mettemberg,  Viques,  Cour- 
rendlin,  Vernes),  nûzilo  en  Provence,  au  p.  836;  nzilTt 
du  p.  857  (Drôme)  est  un  nlnzilU  dont  le  n  initial  fut 
considéré  comme  faisant  partie  de  l’article  indéfini  (cfr. 
nsu  [nojau]  au  p.  844)  ;  uzilù  est  un  petit  oiseau.  Ntigeta 
(féminin)  au  p.  758  (Hérault)  signifie  aussi  petite  noix 
(miga).  Mistral  relève  nousiho  en  Provence,  nousilha  en 
Limousin,  nousou  dans  le  Dauphinet;  Rolland,  compl., 
7iouy'zo  dans  le  Gard,  gros  de  nouéy'  (masculin)  (ibidem). i) 
Tous  ces  points  se  trouvent  dans  la  même  région  où 
répetaret  est  en  décadence. 

La  châtaigne  remplace  la  noisette  là  où  le  châtai¬ 
gnier  est  plus  commun  que  le  noisetier:  cotanô  au  p.  829 
(Isère),  chantagne  dans  le  Forez  (Gras),  chôtagne  dans 
le  Loire  (Rolland,  compl.),  castagnolo  en  Provence.^) 

Un  autre  terme  de  comparaison  est  le  haricot.  En 
Suisse  allemande  la  mère  dit  à  l’enfant  d’un  ton  cares¬ 
sant  „mis  BôhnW .  En  français  haricot  se  dit  aujourd’hui 
d’un  sot.  On  a  d’abord  donné  ce  nom  à  un  petit  être, 
et  comme  les  petits  êtres  sont  encore  inexpérimentés  et 
sots,  on  l’appliqua  par  extension  à  la  sottise  des  adultes, 

La  comparaison  du  roitelet  avec  une  petite  noix  se  présente 
partout  spontanément  à  l’esprit.  On  l’appelle  coda  (noix)  à  Ra- 
venne,  à  Imola  (Merlo),  kut'fa  (noix)  à  Groden  (Alton,  Die  ladinischen 
Idiome,  1879,  p.  290),  niièina  à  Celerina,  Camogasc  de  l’Engadine 
(communication  de  M.  Pult),  nuserle  dans  la  vallée  de  l’Etsch 
(Suolahti). 

2)  Pour  ce  nom  aussi  il  y  a  des  parallèles  en  Italie:  re  ca- 
stagnà,  recastagnet  dans  le  Piémont  (Gavuzzi,  Vocaholario  italiano 
2}iemontese,  1896),  rakastuat  (Giovanni  Flechia,  Less.  piveronese, 
Archivo  Gloit.,  XVIII,  307),  castagnedda  à  Castclbuono  (Merlo). 
Castagno  est  aussi  un  nom  do  la  fauvette  (Mistral). 


67 


mais  rarement  dans  un  sens  méchant.  Différents  petits 
oiseaux  sont  comparés  au  haricot.  On  appelle  la  fauvette 
faharelo  aux  p.  763,  744,  753,  752  (département  Tarn)  ou 
faho  dans  le  sud-ouest.  A  Toulouse  on  appelle  fabarelo 
le  pouillot  (Rolland).  Ce  même  nom  est  appliqué  au 
roitelet  dans  le  département  du  Tarn  (Gary,  Dictionnaire 
patois- français  à  l'usage  du  Tarn,  1845)  ;  miéy'-hahe  (demi- 
fève)  dans  les  Basses-Pyrénées  (arm.  deu  hiarnés,  1905) 
rappelle  le  grec  „moitié  de  pois“  — -  Poucet:  févat  (fém., 
haricot)  est  le  nom  de  la  fauvette  et  du  troglodyte  à 
Charmoille  (Glossaire).^) 

§  53.  Si  nous  nous  demandons  pourquoi,  dans  le 
nombre  infini  des  petites  choses  qui  l’entourent  dans  le 
monde,  l’homme  choisit  justement  la  noix,  la  châtaigne, 
le  haricot  comme  points  de  comparaison,  nous  trouverons 
que  ce  sont  des  symboles  de  petitesse  consacrés 
par  la  tradition.  J’ai  cherché  à  le  montrer  par  des 
exemples  pris  à  des  peuples  et  à  des  catégories  d’objets 
différents.  Je  suis  persuadée  que  ces  matériaux  pourraient 
être  augmentés  sensiblement  par  des  études  plus  appro¬ 
fondies.  L’homme  connaît  encore  beaucoup  d’autres  petites 
choses  dont  il  ne  se  sert  pas  comme  symbole,  tout  simple¬ 
ment  parce  qu’elles  ne  sont  pas  consacrées  par  l’usage, 
telle  la  myrtille,  la  groseille,  la  lentille,  etc. 

Il  y  a  ici  une  grande  différence  entre  le  langage 
poétique  populaire  et  le  langage  poétique  d’un  génie  in¬ 
dividuel.  Tandis  que  le  poète  cherche  des  comparaisons 
nouvelles,  inattendues  pour  exprimer  des  impressions 
personnelles,  l’homme  du  peuple  puise  dans  la  tradition 

1)  La  même  comparaison  so  rencontre  en  Italie  :  favHe,  favitte 
en  Frioul  (Piroua,  Vocaholario  friulano,  1872,  et  Salvioni,  Arch. 
Glott.,  XVI),  granin  d*  fava  à  Mantoue  (Bonelli),  fauzza  à  Lecce 
(Merlo),  favuddu  à  Barletta  (Merlo). 

J’ai  rencontré  une  seule  comparaison  tirée  du  règne  végétal 
qui  ne  se  trouve  pas  en  France.  C’est  le  nom  du  roitelet  que 
donne  Palioppi  pour  la  Basse-Engadine:  hrümhla  (prune).  Cfr.  pour 
cette  comparaison  une  remarque  de  Schuchardt  (Zeitschrift  fur 
rom.  Phil.y  1914,  XIX,  p.  49)  où  il  dit  que  prune  est  aussi  un  des 
nombreux  noms  de  la  papille  des  yeux.  Il  paraît  que  ce  nom  n’a 
pas  été  noté  par  les  correspondants  du  Glossaire  romanche. 


68 


et  y  cherche  les  comparaisons  consacrées,  ou  plutôt: 
celles-ci  se  présentent  à  son  esprit,  lorsqu’il  reçoit  une 
certaine  impression  ou  qu’il  éprouve  un  sentiment.  Cette 
tendance  est  si  forte  que  le  peuple  s’assimile  même  les 
métaphores  nouvelles  du  poète,  qui,  après  avoir  circulé 
quelque  temps  de  bouche  en  bouche,  pénètrent  dans  le 
répertoire  poétique  populaire. 

Les  points  de  comparaison  de  l’homme  du  peuple  sont 
limités,  parce  que  traditionnels,  ceux  du  poète  sont  infinis, 
parce  que  d’invention  spontanée.  Or  ce  ne  sont  généralement 
pas  les  poètes  qui  mettent  en  usage  des  expressions  nouvelles. 

§  54.  On  a  aussi  comparé  le  roitelet  à  des  petits 
êtres  vivants,  à  des  petits  animaux,  comme  on  donne  à 
un  petit  enfant  le  nom  de  „Herzchâferli‘' . 

On  l’appelle  papillon  dans  le  nord  de  la  France; 
dans  l’Artois:  pofinô  à  Ligny-St-Flochet  près  de  St-Pol 
(Edmont),  P onfinim  à  Boulogne-sur-Mer  (Labille,  Les  bords 
de  la  mer  J  1858),  pemphignon  à  Archeux  (Corblet,  Gloss, 
du  patois  picard,  1851). 

Le  papillon  s’appelle  pofilô  au  p.  286,  pofiyô  au 
p.  287.1)  C’est  donc  bien  au  papillon  qu’on  comparait  le 
roitelet.  Je  ne  sais  cependant  pas  s’il  ne  s’agit  pas  plutôt 
du  pouillot  (phjlloscopus  trochilus),  petit  oiseau  gris  qui 
volète  dans  les  branches  des  arbres  fruitiers,  pareil  à  une 
petite  feuille,  „ei?i  Weidenhlâttchen“  suivant  un  nom  alle¬ 
mand.  Labille  traduit  le  mot  poufinion  par  roitelet  huppé, 
Edmont  par  „très  petit  oiseau  du  genre  troglodyte“  et 
Corblet  dit  „ espèce  de  roitelet,  pouillot“.  Dans  le  Jura 
et  en  Savoie,  papillon  est  le  nom  du  grimpereau  de  mu¬ 
raille  (Rolland,  compl.).^) 

Ces  formes  sont  assez  difficiles  à  expliquer:  Le  a  entre 
labiales  devenait  o.  Quant  à  l’origine  de  V-f-,  je  n’en  saurais  don¬ 
ner  une  explication.  Pour  le  passage  de  y  à  n  Bruneau  (Phonétique 
des  Ar  demie  s  y  §  285)  donne  les  exemples  suivants:  aruni  (rouille), 
funi  (fouir)  à  côté  de  fuyij  funà  (taupe)  à  côté  de  fuyo. 

2)  Le  paralièle  entre  le  roitelet  et  le  papillon  a  pourtant  été 
fait  aussi  ailleurs.  Flecbia  (Arch.  Glott.,  XVIII)  donne  pour  le 
roitelet  le  nom  de  parpajd  à  Parme. 

En  Basse-Bretagne  le  roitelet  est  le  laouenan,  laouenik  (petit 
pou)  (Troude,  Nouveau  dictionnaire  breton-français,  1876). 


69 


MistouUno  (roitelet)  en  Provence  (Mistral)  est  le 
féminin  de  mîstouUn  (fluet,  grêle,  mignon),  diminutif  de 
7nisto  (enfant  au  maillot). 

§  55.  Repepin  en  Basse-Normandie  (Ménage  1759, 
Le  Héricher)  pourrait  être  roi  p'êpè  (=  noyau  aux  p.  398, 
395,  386,  376,  378).  Mais  le  symbole  de  noyau  pour 
une  petite  chose  n’est  pas  populaire.  Je  crois  donc  plutôt 
avec  Behrens  (Beitrdge  zur  franzô.^isdten  Wortyeschichie 
wid  Grammatik,  Halle  1910,  p.  178)  qu’il  faut  y  cher¬ 
cher  le  nom  de  Pépin  le  Bref.  L’image  que  le  peuple 
se  faisait  du  père  de  Charlemagne  correspond  assez  bien 
à  ce  qui,  d’après  les  noms  qu’il  lui  donnait,  le  frappait 
dans  le  troglodyte.  Pépê  le  petit  (<^  Pïppînus  par  dissimi¬ 
lation)  joua  un  certain  rôle  dans  les  chansons  de  geste, 
un  rôle  peu  honorable,  peu  héroïque;  il  y  est  sot  et 
ridicule  (cfr.  G.  Paris,  La  légende  de  Pépin  le  B^'ef; 
Mélaotges  litt.j  I,  p.  183).  La  comparaison  d’un  homme 
très  petit  avec  ce  roi  est  encore  vivante  dans  le  canton 
de  Vaud  (Glossaire).  Le  correspondant  de  Pailly  dit  d’un 
homme  petit:  „Semblyé  a  lo  vèrè  que  lè  lo  rai  Pépin. “ 

Le  nom  de  personne  repepin  est,  comme  roeygartus,  . 
emprunté  à  la  légende  par  intermédiaire  peut-être  de 
proverbes  ou  de  comparaisons  populaires  dont  je  n’ai 
cependant  trouvé  aucune  trace  dans  cette  contrée. i) 

§  56.  Le  petit  corps  du  roitelet  étant  ramassé  comme 
une  boule,  sa  tête  semble  assez  grande  en  proportion. 
De  là  son  nom  de  cabot  en  Picardie  (Marcotte,  Les 
animaux  vertébrés  de  V arrondissement  d'Abbeville,  1860). 
Ce  mot  désigne  spécialement  le  têtard,  larve  de  la  gre¬ 
nouille  (Normandie,  Moisy,  aux  p.  275,  327  de  l’Atlas), 
ensuite  des  poissons  qui  ont  une  tête  très  grosse  (chabot, 
chevot),  mais  aussi  un  homme  qui  a  la  tête  dure,  un 
boudeur  (rouchi,  Hécart),  un  homme  têtu,  entêté,  à 
St-Pol  (Edmont).  Un  cabotin  en  Picardie  est  un  homme 
de  très  petite  taille,  et  dont  la  tête  semble  pour  cela  même 
très  grosse  (Jouancoux). 

Peut-on  voir  un  parallèle  dans  repipln  en  Frioul  (Pirona, 
Cavalli,  Dialetto  „tergestino^\  Arch.  Glott.,  XII,  p.  373)? 


70 


Bouleratte  (féminin)  dans  l’Yonne  (Rolland,  compl.) 
appartient  probablement  au  même  ordre  d’idéesd) 

b)  Noms  inspirés  par  l’air  impertinent  de  l’oiseau. 

§  57.  Nous  avons  senti  la  note  ironique  dans  les 
désignations  répeiaret,  repepin  et  cahot.  Le  petit  oiseau 
qui  fait  un  si  grand  tapage,  qui  dresse  si  fièrement  sa 
queue,  semble  se  moquer  de  l’homme  si  grand  en  com¬ 
paraison,  et  celui-ci  le  trouve  impertinent. 

La  voix  forte  du  roitelet,  ses  allures  arrogantes, 
sont  en  contradiction  avec  la  modestie  que  le  peuple 
attend  d’un  être  si  petit  et  si  frêle.  On  l’appelle  donc 
aussi  le  petit  fier:  kràné  au  p.  938  (Jura).  Cette  dési¬ 
gnation  se  trouve  elle  aussi  dans  la  région  de  répetaret  et 
en  est  probablement  inspirée  (cfr.  cranye  (fier)  dans  le 
Glossaire  du  patois  de  Vile  d'Elle,  Revue  des  pat.,  Il  ; 
crâne  (fier).  Mistral,  Vayssier).  Dans  la  fable  aussi  et 
dans  les  proverbes,  le  roitelet  passe  pour  impertinent. 
On  dit  d’un  homme  fier:  C’est  un  roi  péteret  (Lyon; 
Rolland,  compl.).  Romain  Rolland  (Colas  Breugnon)  rend 
cette  impression  en  qualifiant  le  roitelet  de  „fier  comme 
Artaban“.  La  même  impression  se  reflète  dans  l’inter¬ 
prétation  qu’on  donne  de  son  chant  (cfr.  introduction  §  6). 
C’est  en  rapport  avec  ce  qu’on  lui  fait  dire  de  sa  force 
qu’il  faut  probablement  expliquer  son  nom  de  crac-jan 
(craque-ajonc)  à  St-Lô  (Le  Héricher),  non  pas,  comme 
Rolland  dit,  parce  que  son  cri  imite  le  craquement  des 
siliques  d’ajonc  au  soleil  (cfr.  la  carte  „ajonc“  de  l’Atlas). 

Je  ne  sais  si  farfonte  (Gessner,  1604)  est  vraiment 
une  faute  d’impression  pour  farfante  (fanfaron)  comme  le 
croit  Gaidoz  (Rolland,  compl.).  Je  pense  plutôt  à  l’ancien 

Voici  encore  quelques  autres  noms  italiens  qui  essaient 
d’exprimer  ironiquement  la  petitesse  de  l’oiseau  par  la  comparaison 
avec  uu  très  petit  poids  multiplié  beaucoup  de  fois:  Cent-ruhb, 
paves.,  vogher.  (Bonelli)  ;  centrüb,  grop.,  cair.  ;  sent-rubb,  Asti 
(Merlo)  (le  rubbo  du  Piémont  et  de  la  Lombardie  équivaut  à  peu 
près  à  9  kg  [Bonelli]);  trenta  pes  {=  30  pieds)  (le  peso  équivaut 
à  8  kg  à  peu  près),  bresc.,  berg.  (Bonelli),  Val  di  Non,  di  Sole, 
Rendeno  (Torre),  Bormio  (Studi  rom.,  IX,  292);  trentapis  à  Tira, 
ou  cento  pes,  lomb.  ;  sêntopis,  bresc.  ;  re  di  pes,  lomb.  (Merlo). 


71 


français /a/ero^e  (fauvette;  Rolland,  compl.)  qui  me  semble 
être  une  petite  fève.  Fovrotte  >>  farvotte  avec  métathèse 
;>  farverotte  (Rolland,  compl.,  atteste  toutes  ces  formes 
intermédiaires).  Farferotte  fut  peut-être  contaminé  par 
farfante;  et  l’on  dit  alors  farfonte. 

Au  p.  776  (Aude)  on  traite  le  roitelet  de  goguenard; 
reigunei  (cfr.  Mistral,  gomèu,  gonnè,  gonnel  (Languedoc), 
gonnèt  (Gascogne)  =  goguenard,  railleur).  On  y  appelle 
gonelon  aussi  la  fauvette;  peut-être  est-ce  pour  la  même 
raison  que  l’allemand  dit  Gelbspottery  parce  qu’elle  imite 
le  chant  de  tous  les  oiseaux. 

Je  ne  comprends  pas  le  nom  de  ranganetOy  féminin 
(Mistral),  (ranganhuy  rangagnous  signifie  grognon). 

Il  est  étonnant  que  le  trait  qui  avant  tout  donne 
au  troglodyte  son  air  arrogant  et  qui  nous  semble  si 
caractéristique  :  sa  queue  toujours  relevée,  ne  joue  presque 
aucun  rôle  dans  la  dénomination.  Il  n’y  a  dans  toute 
la  France  que  deux  „lève-queue“  isolés:  liva-cava  à 
Balme-de-Sillingy  (Annecy  ;  Constantin)  qui  peut-être  est 
encore  emprunté  à  la  bergeronnette  s’appelant  ainsi  à 
Rumilly,  et  trousse-queue'^)  en  Beauce  (Rolland).  Cela 
montre  combien  l’homme  observe  peu  exactement, 
combien  les  noms  qu’il  donne  au  roitelet  sont  peu  ob¬ 
jectifs. 2)  On  a  bien  dû  remarquer  la  queue  relevée.  Mais 
on  ne  note  pas  ce  détail  pour  lui-même,  on  ne  fait  pas 
de  la  science  et  le  fait  contribue  seulement  à  l’impression 
générale  qu’on  a  de  l’oiseau;  il  augmente  son  air  de 
petit  impertinent. 

c)  Noms  d’amitié. 

§  58.  Les  termes  de  caresse  se  rencontrent  surtout 
dans  le  nord  de  la  France.  L’oiseau  y  est  considéré  sous 
un  tout  autre  angle.  Le  nom  poul,  pou  (coq)  appartient 
certainement  au  regulus  cristatus  (cfr.  l’allemand  Gold~ 
hahnchen).  J’en  parlerai  plus  tard. 

Poulette  par  contre  doit  être  compté  avec  vachette 
parmi  les  termes  de  caresse.  Poulot  est  un  nom  d’amitié 

Cfr.  trouspë,  §  47. 

2)  Il  faut  tenir  compte  aussi  de  ce  que  la  désignation  lève- 
(hoclie-)queue  s’applique  déjà  à  la  bergeronnette. 


72 


que  la  mère  donne  à  l’enfant  (Corblet,  Du  Méril,  Jaubert). 
Le  petit  roitelet  est  un  oiseau  béni,  protégé  de  Dieu  lui- 
même  qui  punit  celui  qui  le  tue  ou  le  déniche  (cfr.  in¬ 
troduction,  §  5).  O’est  pour  cela  qu’on  l’appelle  poulette 
au  bon  Dieu  a  Bayeux  (Pluquet,  Contes  pop.,  1834),  dans 
le  pays  de  Bray  (1852,  Moisy),  dans  le  Loir-et-Cher 
(Bassetière),  pouyeû  dans  la  Haute-Marne  (Rolland,  compl.) 
ou  oiseau  de  Dieu  en  Normandie  (Chrétien,  Usages  de 
V arrondissement  d’’ Argentan,  1835).  C’est  le  nom  que 
porte  la  bergeronnette  au  p.  946  (Haute-Savoie)  de  l’Atlas  ; 
gariolle  (petite  poule,  gallina)  est  le  nom  de  la  mésange 
à  Biarritz  (Rolland,  compl.).  Wackernagel  (Voces  variae 
anirnantium,  p.  76)  dit  qu’on  appelle  Herrqottshühnlei‘i 
tous  les  oiseaux  chanteurs,  parce  qu’on  croit  que  c’est 
un  péché  de  dénicher  leur  couvée.  Mais  l’oiseau  de  Dieu 
par  excellence  est  pourtant  l’hirondelle  qu’on  appelle  poule 
de  Dieu  en  Normandie  et  dans  la  Charente,  bête  du  bon  Dieu 
-  dans  le  Pas  de  Calais,  aouzelon  du  bon  Dieu  (Corrèze), 
poule  de  Dieu  (Vienne),  mouchon  do  bon  Diè  (Namurois).i) 

Un  autre  petit  être  que  le  peuple  met  plus  spéciale¬ 
ment  sous  la  protection  de  Dieu  et  de  la  Vierge  est  la 
coccinelle.2)  C’est  parce  qu’elle  a  reçu  un  si  joli  vête¬ 
ment  rouge  moucheté  qui  fait  la  joie  des  enfants.  C’est  en 
outre  un  être  petit  et  faible,  et  l’homme  croit  que  tout 
ce  qui  est  joli,  petit  et  faible,  jouit  plus  spécialement  de 
la  protection  divine.  Il  en  est  ainsi  aussi  du  roitelet  dans 
quelques  contrées,  du  roitelet  crêté  surtout  et  do  „la  pou¬ 
lette  “  dont  le  nom  passa  ensuite  à  tous  les  autres.^) 

9  Cfr.  sur  mouchon  M.  Gilliéron,  Généalogie  des  mots  qui 
désignent  V abeille^  p.  73,  148  et  149. 

2)  En  allemand  comme  en  français  on  l’appelle:  Marienkàfer, 
HergottsTcdfer,  bête  au  bon  Dieu  (franç.  dial.),  géline  du  bon  Dieu 
(Vosges),  poulette  au  bon  Dieu  (Calvados),  galineta  (provençal), 
pulé  O  bd  dyoe  (département  Ille-et-Vilaine,  p.  453),  bête  du  bon 
Dieu  (département  (îard,  p.  803,  862)  à  côté  de  galineto  du  bon  Dieu. 

^)  En  Italie,  où  l’on  met  les  faibles  plutôt  sous  la  protection 
de  la  Vierge,  on  appelle  le  regulus  cristatus:  usel  d'Ia  madona, 
Valsesia,  Crodo,  Piedimulera;  usche  ad  la  madona,  Ossola,  où  plus 
bref:  madonhi,  Tessin  (Studer).  Pour  ce  nom  aussi  il  y  a  des  pa¬ 
rallèles  dans  les  appellations  de  la  coccinelle  qui  s’appelle  madonina 
en  Sardaigne. 


73 


§  59.  La  coccinelle  s’appelle  aussi  vaque  nu  bon  Dieu 
en  normand.  Il  semble  donc  que  „vachette“  exprime  à  peu 
près  la  même  idée  que  „poulette“.  C’est  un  petit  nom 
d’amitié,  un  nom  intime.  Le  roitelet  s’appelle  ainsi  dans 
le  Languedoc,  spécialement  dans  les  Cevennes:  bachetino, 
becherhio,  vacharino  (Sauvages,  Azaïs,  Mistral).  C’est  pro¬ 
bablement  le  roitelet  crêté  qu’on  désigne  par  là,  car  Mistral 
dit  que  _par  „une  voues  de  bacherhio^  on  veut  dire  une 
voix  grêle.  Or  la  voix  du  troglodyte  n’est  rien  moins 
que  grêle.  Il  est  même  probable  que  tous  ces  noms 
d’amitié  se  rapportaient  d’abord  au  regulus  cristatus. 
Marcel  de  Serre  indique  pour  le  Hérault  le  nom  de  ha- 
cheta  ;  à  Entraigue  et  à  Marseille  on  l’appelle  vaqueie,  à 
Toulon  vaco  peteouo  (Rolland).  Dans  ce  dernier  terme,  il 
y  a  eu  agglutination  des  deux  désignations  voisines,  mais 
d’une  inspiration  contraire  (vache  péteuse).*) 

§  60.  Dans  l’expression  bœuf  de  Dieu  (roitelet  en 
franç.  dial.,  Belon,  1555)  „bœuf“  semble  correspondre  à 
,.)Vachette“  et  à  „poulette“.  La  coccinelle  s’appelle  aussi 
qoetit  bœuf  en  franç.  dial.,  bun  au  p.  868  (Hautes-Alpes), 
byou  (p.  841,  Gard). 

Voici  les  noms  analogues  du  troglodyte  :  bœu,  bœuf 
en  Vienne  (Manduyt),  en  Saintonge  (Jônain),  Haute- 
Vienne  (Rolland,  compl.),  petit  bœuf  en  Lorraine  (Basse- 
tière),  Yonne  et  Haute-Marne  (Rolland,  compl.),  dans  le 
Lyonnais  (Puitspelu),  ivœl  dé  bun  (œil  de  bœuf)  au  point 
672  (Landes),  en  Charente  (Trémeau  de  Rochebrune, 
Catalogue  des  oiseaux  de  la  Charente^  1841),  J’ai  déjà 
parlé  de  pet,  peg  de  hou  en  Savoie.^) 

Cette  comparaison  d’un  petit  être  avec  un  bœuf, 
quelque  extraordinaire  qu’elle  nous  semble,  est  attestée 

1)  Le  rouge-gorge  est  appelé  vachette  dans  l’Anjou  (Meillet, 
Faune  de  Maine-et-Loire,  1828),  la  bergeronnette  à  Orléans  (Sa- 
lerne)  et  dans  la  Loire-Inférieure  (Rolland,  compl.).  La  répartition 
de  ces  noms  ne  permet  pas  de  décider  si  le  nom  appartenait 
d’abord  à  l’un  ou  à  l’autre  oiseau. 

2)  Oeil  de  bœuf  est  aussi  le  nom  de  la  bergeronnette  à 
Bagnères-do-Bigorre  (Rolland),  bœuf  désigne  le  pouillot  en  Lor¬ 
raine  (Rolland). 


74 


aussi  ailleurs  :  bou  est  la  grenouille  verte  (Constantin), 
hovolo  un  serpent  en  Sicile^) 

En  France  tous  les  témoignages  de  bœuf  (roitelet) 
se  trouvent  dans  le  voisinage  de  œü  de  bœuf  ou  pet  de 
bœuf,  excepté  en  Lorraine  où  ce  chaînon  intermédiaire 
a  peut-être  existé  autrefois.  Il  est  donc  probable  qu’on 
a  dit  d’abord  œil  de  bœuf  pet  de  bœuf,  simplifiés  auto¬ 
matiquement  en  bœuf*“)  Oeid  de  èœw/peut  être  une  méta¬ 
phore  pour  désigner  la  petitesse  de  l’oiseau;  c’est  du 
moins  l’hypothèse  la  plus  plausible.^)  Ce  nom  pouvait 
aussi  désigner  à  l’origine  la  bergeronnette,  parce  que 
celle-ci  accompagne  souvent  les  troupeaux,  habitude  qui 
lui  a  valu  son  nom  littéraire.^) 


d)  Rek^iitcet  et  autres  désignations  se  rapportant  aux 
mœurs  de  l’oiseau,  spécialement  son  adresse  à  se 
faufiler  dans  les  buissons. 

§  61.  Dans  le  coin  sud-ouest  de  la  France,  dans  les 
départements  de  la  Gironde,  de  Lot-et-Garonne,  de  Tarn- 
et-Garonne,  du  Gers  et  des  Landes,  c’est  l’impression 
de  l’agilité  du  troglodyte,  de  la  rapidité  de  ses  mouve¬ 
ments  qui  a  prédominé.  Elle  y  a  causé  la  formation  du 

En  Roumanie  c’est  au  limaçon  qu’on  donne  le  nom  de  bœuf 
à  cause  de  ses  cornes  (voir  Schuchardt,  Zeitschrift,  XXVI,  p.  332). 

En  Italie  aussi  nous  trouvons  fréquemment  la  comparaison 
du  petit  oiseau  avec  un  œil  de  bœuf:  occhio  lovino  (Aldrovande), 
œucc-de-ho  dans  le  Milanais  (Banfi),  simplement  occhio  dans  le 
Trentin  (Dalla  Torre).  Ochsenàugele  (Gessner)  désigne  selon  le 
„Verzeichnis  der  schweizerischen  Vdgel“  le  pouillot.  Bovino  (roi¬ 
telet)  dans  le  Tyrol,  loin  (lui  grosso,  espèce  de  pouiUot)  venezz. 
(Piroiia)  ne  me  sembleut  être  que  (occhio)  bovino  raccourci.  Boarina 
délia  Stella,  nom  du  roitelet  huppé  à  Gênes  (Aldrovande),  doit  être 
une  confusion  avec  la  vraie  boarina  (bergeronnette)  de  même  qu’un 
Ochsenrogele  dans  le  Tyrol  (Dalla  Torre). 

2)  Cfr.  l’allemand  Ràchholder  pour  Rackholderdrossel. 

^)  Kreiter  (Die  von  Tiernamen  ahgeleiteten  Vfianzennamen 
im  Franzosischen,  Dissertation  von  Darmstadt,  1912)  cite  une 
quantité  de  plantes  qui  s’appellent  œil  de  bœuf. 

^)  La  confusion  des  deux  oiseaux  est  très  ancienne  comme 
le  montre  la  glose  déjà  mentionnée  (§  27:  werna,  birbicariolus). 


75 


type  rehiUei.  J’y  vois  un  substantif  verbal  de  la  même 
formation  que  chourret  (cfr.  §  46).  Le  point  de  départ 
en  serait  le  verbe  coucha^  cucha  (Languedoc),  couita  (Lan¬ 
guedoc  vivarais),  coueta  (Forez),  cuta  (Gascogne)  signi¬ 
fiant  „ chasser  devant  soi,  presser,  hâter,  se  hâter,  aller 
vite,  faire  vite“  (Mistral).  Ce  mot  dérive  probablement 
du  latin  vulgaire  *coctare  (cuire,  réchauffer,  presser)  que 
Meyer-Lübke  (WôrterhucJi)  donne  comme  base  du  vieux- 
français  coitier,  provençal  coitar  (bedriingen,  antreiben), 
espagnol  cochar  si  (sich  beeilen).^)  De  ce  verbe  on  aurait 
formé  un  re(ij)  huUet  (<<  ittus),  reyknfeit  ou  avec  sub¬ 
stitution  de  suffixe  rekutsot  (<^  ottus),  reknieik  (<C.  iccus).^) 

Voici  les  formes  que  l’Atlas  donne:  réykvl^yet  (point 
648,  668),  reykuUyet  (p.  658),  rahut^yet  (p.  647),  rakutset 
(p.  741),  rékut^yet  (p.  678),  reyhW^et  (p.  720),  reykûtstt 
(p.  731);  avec  suffixe -ïtus:  réyknfyit  (p.  634,  665),  ré- 
knt-eii  (p.  653),  réykiWyit  (p.  645,  684),  arékût^yit  (p.  657, 
667),  rokütHjit  (p.  680),  rako-ei  (p.  632)  ;  avec  le  suffixe 
-ottus:  réyknso  (p.  626),  rékùtsot  (p.  548);  avec  le  suf¬ 
fixe  -iccus  et  assimilation  de  la  première  syllabe:  rü- 
kuf-eyik  (p.  682),  rùkfdyik  (p.  683),  avec  suffixe  -one: 
réykutsu  (p.  637),  réykiirsé  (p.  636)  renferme  un  r  spo¬ 
radique.  Ènt^yit  au  p.  662  (Gard)  montre  que  l’expression 
n’est  plus  comprise.  C’est  probablement  la  cause  de  sa 
déchéance.  Les  mêmes  form.es  sont  attestées  par  les  dic- 

Cfr.  kwaite  —  hâte  dans  la  Suisse  romande. 

Malheureusement  je  n’ai  trouvé  que  peu  de  formes  de  ce 
verbe  en  Gascogne,  contrée  qui  nous  intéresse  spécialement.  Peut- 
être  ricouca  (sautiller  en  béarnais  [Mistral,  Lespy-Raymond])  est- 
il  un  composé  du  même  verbe. 

-)  Cfr.  sur  la  confusion  de  ces  différents  suffixes  diminutifs 
Adams,  Word- formation  in  Provençal,  1913. 

On  pourrait  penser  aussi  à  cochet,  diminutif  de  coq  (cfr.  §  79). 
Mais  l’aire  rehuteet  se  trouve  tout  entière  dans  la  zone  de  gai  ou 
de  ses  remplaçants,  et  sa  limite  nord,  où  il  touche  à  l’ancien  type 
BiTRisciJS,  forme  avec  d’autres  limites  linguistiques  un  ensemble 
de  lignes  qui  constitue  à  peu  près  la  frontière  nord  de  l’ancienne 
Aquitaine  (cfr.  M.  Gilliéron,  Le  coq  et  le  chat,  Revue  de  phil., 
XXIV,  p.  278  SS.),  de  sorte  qu’il  n’est  pas  probable  que  rekuteet 
ait  autrefois  existé  plus  au  nord,  là  où  l’on  dit  cochet  pour  le 
petit  coq. 


76 

tionnaires:  rey  couchet  à  Auch  (Abadie,  Lou  parterre 
gascoun^  1850),  recouchet  (Landes;  Métivier),  arrecoucliet 
(Gascogne;  Azaïs),  ricouchet,  rarouchet,  reicouchit,  reicouchic, 
recoutschic  (Mistral),  rey  couchic  ( Grammaire  gasconne  du 
XVIIP"^^  siècle,  Revue  des  langues  rom.,  XXXI,  42),  rey- 
crouchit  à  Bayonne  (Lespy  et  Raymond)  subit  peut-être 
l’influence  de  crouchi  (=  ployer  en  faisant  craquer;  cfr. 
crac‘jan  en  Normandie,  §  57). 

Les  points  que  nous  venons  d’énumérer  constituent 
l’aire  actuelle  de  rèkiiUet.  Elle  est  cependant  fortement 
entamée  par  les  noms  d’une  couche  secondaire,  soit  du 
type  parisien,  soit  d’un  diminutif  autochtone  de  roi,  soit 
de  rey  petit  expansif,  venu  de  l’est,  soit  enfin  de  dési¬ 
gnations  isolées  et  spontanées.  Ce  type  est  donc  en  train 
de  disparaître. 

§  62.  RékîiUet  doit  être  assez  ancien.  De  bonne 
heure  il  pénétra  dans  la  langue  littéraire  comme  beau¬ 
coup  de  mots  dialectaux,  surtout  lorsqu’ils  sont  employés 
dans  quelque  ville  importante.  Or,  réknteet  a  été  en 
usage  à  Bordeaux,  et  la  langue  littéraire  l’admit  sous  la 
forme  de  ricochet  qui  ne  signifie  plus  roitelet,  il  est  vrai, 
et  ne  s’emploie  que  dans  une  seule  locution  :  „la  chanson 
ou  fable  du  ricochet^. 

Voici  les  exemples  que  Godefroy  (Compl.)  en  donne: 
Mainage(s)  het  celui  qui  chôme 
Et  noient  fait, 

Maisnais  donne  tristesse  et  fet, 

C’est  la  fable  dou  ricochet  (bis  cochet). 

(Dits  des  outils  de  Vostel,  128,  du  siècle,  publié 

pir  G.  Raynaud,  Rom.,  XXVIII,  55,  avec  une  introduction 
sur  le  mot  ricochet  principalement).^) 

Raynaud  y  dit  que  le  mot  ricochet  n’apparaît  d’abord  que 
dans  l’expression  proverbiale;  „c’est  la  chanson  (ou  fable)  du  ri- 
cochet“,  employée  pour  désigner  la  fatigue  et  l’ennui  produits  par 
la  répétition  perpétuelle  d’un  acte  ou  d’une  parole,  il  rejette  en¬ 
suite  l’étymologie  de  Littré  qui  fait  dériver  le  mot  de  cochet  et 
retrouve  dans  ce  ricochet  le  nom  gascon  du  roitelet.  La  chanson 
du  ricochet  est  „le  pépiement  aigu,  incessant,  monotone,  agaçant 
du  roitelet^.  Le  sens  actuel  de  ricochet  =  „bond  fait  sur  un  ob- 
stacle“  est  secondaire.  Il  ne  se  rencontre  pas  avant  le  XVH*”®  siècle. 


77 


Un  autre  exemple  de  Godefroy  est  tiré  de  P.  Perrin 
(Poésie,  p.  281,  ap.,  Ste-Pal.):  „Ce  sont  comme  des  pleins 
chants  et  des  airs  de  cloistre  que  nous  appelons  des 
chansons  de  veilleur  ou  de  ricochet.^'' 

Dans  une  note  en  marge  de  la  publication  du  Dit 
des  outils  de  Raynaud,  Gaston  Paris  cite  un  passage 
d’Adam  de  la  Halle  (éd.  Coussemaker,  p.  175):  „Sire, 
le  favle  oir  voles,  je  crois,  don  rouge  kokelet.'^ 

Le  même  sens  de  chanson  ou  fable  où  l’on  répète 
toujours  la  même  chose  se  retrouve  dans  Rabelais  (lU, 
10):  „Votre  conseil  (mariez-vous  .  .  .,  ne  vous  mariez 
pas),  dist  Panurge,  semble  à  la  chanson  de  Bicocliet.  Ce 
ne  sont  que  sarcasmes,  macqueries  et  redictes  contra¬ 
dictoires.  Les  unes  détruisent  les  autres. “  Un  dernier 
exemple  dans  lequel  Godefroy  veut  traduire  fable  du 
ricochet  par:  „facétie  qui  consiste  à  promettre  un  conte 
et  à  se  dérober  toujours  aux  questions  de  celui  qu’on 
mystifie^,  se  trouve  dans  les  mémoires  de  Boucicaut,  IH, 
19  (Orléanais,  siècle)  :  „Cette  malicieuse  voye  ont 

faict  à  savoir  entre  eux  pour  se  excuser  chascun  sur  son 
compaigQon,  disant:  mais  que  il  cede,  je  céderai;  et  sem¬ 
blablement  respond  l’autre;  et  ainsi  est  la  fable  du  n- 
cocheV^ 

Il  me  semble  que  le  sens  de  „ fable  du  ricochet^ 
dans  ce  passage,  autant  qu’on  peut  en  parler  sans  con¬ 
naître  le  contexte,  ne  diffère  guère  de  celui  que  Rabe¬ 
lais  donne  à  „chaDSon  de  ricocheP.  Il  est  intéressant  de 
constater  que  dans  presque  tous  ces  exemples  l’auteur 
éprouve  le  besoin  d’accompagner  cette  expression  d’une 
tournure  équivalente  ;  il  a  peur  qu’elle  ne  reste  incomprise. 
La  difficulté  que  l’on  éprouve  à  définir  exactement  cette 
expression  est  une  preuve  de  plus  pour  l’incertitude  dans 
son  emploi. 

Je  ne  crois  pas  qu’il  faille  supposer  à  l’origine  de 
la  locution  une  fable,  une  chanson  ou  une  facétie,  comme 
c’est  l’opinion  de  G.  Paris  (note  à  l’exposé  de  Raynaud, 
Rom.,  XXVni). 

Varchi  (cité  dans  Luri  di  Vassano,  Modi  di  dire  pro- 
verhiali  italiani,  p.  417)  définit  l’expression  italienne  „la 


78 


canzone  o  la  favola  deU’wcceZ/mo";  correspondant  au 
français  de  la  manière  suivante:  „Quando  alcuno  in  al- 
cuna  quistione  dubita  sempre,  e  sempre  o  da  beffe,  o  da 
vero  ripiglia  le  medesime  cose,  o  délia  medesima  cosa 
demanda,  tanto  che  mai  non  se  ne  puo  venire,  nè  a  capo, 
nè  a  conchiusione,  questo  si  dimanda  in  Firenze  :  la  can¬ 
zone  0,  volete,  la  favola  die\Vuccellino.‘^ 

Cotgrave  définit  cette  chanson  du  ricochet  par:  T’is 
an  idle  or  endlesse  taie  or  song;  a  s  abject  vrhereof  one 
part  contradicts,  marres,  or  overthrowes  another. 

„Chanson  du  ricochet^  a  donc  signifié  d’abord  un 
chant  où  l’on  répète  toujours  la  même  chose,  chant  en¬ 
nuyeux  par  conséquent  et  où  plusieurs  voix  discordantes 
se  mêlent.  Et  il  me  semble  que  Raynaud  a  raison  :  ce  chant 
est  celui  du  roitelet,  non  pas  son  véritable  chant,  très 
mélodieux,  mais  le  cri  discordant  qu’il  fait  entencLre 
beaucoup  plus  fréquemment,  quand  il  se  trouve  avec  ses 
congénères,  et  qui  consiste  en  un  zerrrr,  zerrrr  répété 
pendant  un  espace  de  temps  assez  long. 

Mais  en  langue  d’oïl  on  ne  savait  plus  que  la  lo¬ 
cution  faisait  allusion  au  chant  du  roitelet.  On  substitua 
à  la  chanson  la  fable  comme  équivalent  approximatif, 
lorsque  cela  s’accordait  mieux  avec  le  contexte  (cfr.  la 
locution:  raconter  des  chansons  ou  raconter  des  fables). 
Le  sens  de  l’expression  dont  on  ne  connaissait  plus 
l’origine  devenait  toujours  plus  vague. 

En  même  temps  l’étymologie  populaire  s’en  mêla. 
On  crut  reconnaître  dans  ricochet  le  mot  cochet  (petit 
coq)  ;  Adam  de  la  Halle  écrit  kokelet.  En  Franche-Comté, 
où  l’on  appelle  le  coq  poulo,  on  transforma  la  locution 
en:  Ç’à  la  tschenson  di  roudje  poulo  (Sancy,  Revue  de 
phil.  franç.,  XIV,  47),  ou  di  riche  poulo  (Rolland,  VI, 
p.  111).  On  s’efforça  aussi  de  donner  un  sens  à  la  première 
syllabe  ri-.  On  en  fit  un  bis  cochet  (variante  dans  le  Dit 
des  outils) J  un  rouge  kokelet  (Adam  de  la  Halle),  un  roudje 
ou  riche  poulo  en  Franche-Comté. ï) 

Aujourd’hui  on  ne  parle  plus  de  la  chanson  (fable)  du  ri¬ 
cochet.  Ricochet  tout  seul  est  défini  dans  le  dictionnaire  général 
par  „bond  que  fait  une  pierre  plate  sur  la  surface  de  l’eau,  et, 


79 


Réyhiteet  est  le  seul  nom  ancien  qui  se  rapporte  à 
l’adresse  du  roitelet  à  se  fauüler  dans  les  buissonsd)  11 
y  a  beaucoup  d’autres  types  inspirés  par  la  même  con¬ 
ception  ;  mais  ils  appartiennent  tous  à  des  couches  se¬ 
condaires  restreintes  ou  à  des  points  isolés  ;  ils  sont  donc 
relativement  récents. 

§  63.  Pour  exprimer  la  rapidité  des  mouvements 
du  roitelet,  on  emploie  la  métaphore  de  l’éclair.  C’est 
aussi  une  métaphore  traditionnelle  (cp.  l’allemand  hlitz- 
schnell).  On  compare  le  roitelet  à  l’éclair  dans  le  dépar¬ 
tement  du  Jura.  On  l’y  appelle  chaléron  (Ogérien),  tsa- 
lérion  (Beauquier).^) 

J’ai  déjà  parlé  de  bertô  (étincelle,  roitelet)  dans  la 
Maine-et-Loire  (cfr.  §  40).  Plus  au  sud,  dans  les  Landes, 
on  appelle  le  roitelet  rugle,  m.  (Rolland,  compl.).  Or 
rugle  est  le  nom  de  la  foudre  en  béarnais  (Lespy -Ray¬ 
mond).  3) 

§  64.  Plus  fréquents  encore  sont  les  noms  du  roitelet 
qui  indiquent  l’endroit  où  l’oiseau  aime  à  se  tenir.**)  On 
emploie  plusieurs  de  ces  noms  en  Lorraine.  Dans  cette 
contrée  on  a  dû  dire  autrefois  roberwé  (roi  bitriscus), 

par  allusion  à  la  répétition  du  bond,  au  figuré  :  résultat  qui  se  pro¬ 
duit  indirectement^.  Ce  sens  se  trouve  déjà  dans  Cotgrave  qui 
donne  comme  seconde  signification  de  ricochet:  ,,The  sport  of  a 
skimming  a  thinne  stone  on  the  water,  called  a  Duke  and  a  Drake.“ 
On  emploie  aussi  un  verbe  ricocher  qui  a  le  même  sens.  Raynaud 
dit  que  le  sens  s’est  généralisé  et  que  ricochet  s’est  dégagé  de 
la  locution.  G.  Paris  écrit:  „I1  serait  possible  que  ricocher  remontât 
directement  au  provençal  ricouca  (sautiller)  et  qu’il  eût  amené  le 
changement  de  sens  du  mot  ricochet,  pris  dans  la  locution  anté- 
rieure.“  Cette  hypothèse  me  semble  plus  vraisemblable,  parce  qu’il 
est  difficile  d’expliquer  le  passage  sémasiologique  de  ricochet  (ré¬ 
pétition  ennuyeuse  d’un  son,  d’un  discours)  par  l’étape  intermédiaire 
de  „répétion  en  général^  au  sens  restreint  qu’il  a  aujourd’hui  de 
„sautillement  de  la  pierre  sur  reau‘‘. 

*)  Rolland,  compl.,  donne  encore  comme  nom  du  roitelet  un 
sepivaga  (celui  qui  flâne  dans  la  haie)  isolé  en  latin  du  moyen  âge. 

^)  M.  Gohri,  Blitz  und  Donner  im  Gallo-roman.,  p.  30,  fait 
dériver  ce  mot  de  caliginem. 

3)  Cfr.  M.  Gohri,  §  39,  6. 

*)  Je  ne  reviens  pas  sur  le  mot  sepivaga  que  j’ai  déjà  cité. 


80 


encore  attesté  de  nos  jours.  Maintenant  on  y  appelle  le 
roitelet  mess-en  hay  dans  le  pays  messin  (Rolland), 
mœz’  à  hay  à  Gourcelles-Chaussy  près  de  Metz  (Horning, 
Franz.  Studien,  V,  115),  c’est-à-dire  „cache-toi  dans  la 
haie“  (cfr.  la  carte  „ cacher “).  Selon  Oberlin,  moussi  signi¬ 
fie  aussi  „  entrer,  se  fourrer,  percer La  forme  mous- 
haye,  moussehaye  apparaît  déjà  au  XVP"™®  siècle  dans 
Comenius,  Janua  linguarum,  1569.1) 

On  appelle  le  roitelet  mussot  en  Lorraine  (Toussenel, 
Le  monde  des  oiseaux.,  1872 — 74),  musri  dans  la  Meuse 
(Cordier,  Vocabulaire  des  mots  patois  en  usage  dans  la 
Meuse,  1833)  et  à  Courtisols  (Marne;  Guenard).  Cordier 
le  traduit  par  souris  (sri)  qui  se  fourre  partout.  11  s’agit 
plutôt  de  musser,  cfr.  mucier  -|-  le  double  suffixe  -eret 
(cfr.  grimperet). 

Mussot  se  rencontre  isolément  aussi  à  l’ouest,  à  Ercé 
(Ille-et-Vilaine;  Sébillot).  Le  mot  n’est  pas  propre  au 
troglodyte.  J’ai  déjà  cité  la  fauvette.  Moussyô  est  aussi 
le  nom  de  l’écureuil  en  Mayenne. 

Dans  la  même  contrée,  un  peu  plus  au  sud,  un  autre 
type,  de  même  inspiration  et  de  formation  analogue,  fit 
son  apparition  :  reseto,  reseta,  raseto  (Bloch,  Vosges  mé¬ 
ridionales).  Cette  expression  est  resaut  -j-  ittüs,  ottüs 
(Roussey  mentionne  un  verbe  resata  =  sauter  brusque¬ 
ment  sous  l’influence  de  la  surprise  ou  de  la  peur)  ou 
roi  saut  -f-  ittus,  ottus.  Besseuta  est  attesté  encore 
pour  St-Amé  (Thiriat,  La  vallée  de  Cleurie,  1869),  pour 
les  Vosges  (Haillant),  rè-seu-td  (Lunéville),  rasota  (La 
Roche;  Oberlin),  ressèta  (f.)  pour  la  Savoie  (Rolland, 
compl.). 

§  65.  Il  y  a  des  noms  du  type  „  Zaunschlüpfer“ , 
des  désignations  spontanées  et  isolées  un  peu  partout 
aussi  en  France,  bien  qu’ils  y  existent  en  moins  grand 
nombre  qu’en  Allemagne  ou  en  Italie,  pays  où  les  tra- 

9  Oberlin  qui  connaissait  encore  le  nom  de  reguia  pour  le 
roitelet,  dit  que  la  fauvette  s’appelle  mousse-en-haye.  La  carte 
„fauvette“  de  l’Atlas  donne  mas  à  hé  pour  le  p.  69  (Vosges).  Le 
nom  s’applique  aussi  bien  à  l’un  qu’à  l’autre  de  ces  oiseaux. 


81 


ditions  anciennes  jouent  un  rôle  beaucoup  moins  impor¬ 
tant  qu’en  France^) 

àoursilloa  dans  la  Haute-Vienne  (Bassetière)  est  un 
dérivé  de  gourso  (haie,  p.  707,  603  de  l’Atlas)  qui  entre 
aussi  dans  la  composition  gardo-gorso  (fauvette  ;  Rolland, 
compL).  Le  suffixe  -illon  doit  indiquer  ici  l’appartenance. 

Plusieurs  de  ces  noms  sont  formés  d’un  impératif 
suivi  de  son  complément.  Ainsi  :  fourré-buisson  en  français 
(Rolland).  A  cette  expression  correspond  exactement  le 
provençal  Irauca-hartas  (Mistral,  Azaïs).  Cfr.  traiicar 
(trouer,  percer,  traverser)  et  hartas  (haie  aux  p.  722, 
724,  727  [Aveyron],  fourré  de  buissons). 2) 

Du  même  mot  bartas  dérive  bartassié  que  Mistral 
traduit  par  „qui  se  cache  dans  les  haies,  buissonnier^. 

Ces  deux  noms  ne  sont  pas  propres  au  troglodyte. 
Trâouquo-buisson  est  le  nom  du  pouillot  dans  le  Gard, 
de  la  petite  fauvette  rousse  en  Provence  (Mistral),  ti'ao- 
Jcosego  {sego^  =  haie,  voir  carte  „haie“  ALF)  est  la  fau¬ 
vette  aux  p.  780,  689  (Hautes-Pyrénées),  le  chic  bartassié 
est  à  Toulouse  le  nom  du  bruant  de  roseaux.  Le  nom  con¬ 
vient  également  à  tous  ces  oiseaux.  C’est  un  de  ces 
noms  banals  que  peut-être  les  habitants  d’un  même 
village  ou  de  deux  villages  voisins  ont  appliqué  à  dif¬ 
férents  oiseaux  suivant  le  besoin. 3) 


9  En  Allemagne  l’ancien  mot  germanique  wrendo  (ancien- 
haut-allemand,  Suolahti)  correspondant  à  l’anglais  wren  a  entière¬ 
ment  disparu. 

2)  Cfr.  pour  l’étymologie  de  ce  mot  le  travail  d’Elise  Richter, 
Bedeutungsgeschichte  der  Wortsippe  hur(d),  Wiener  Sitzungsherichtey 
156,  p.  21. 

Voici  de  nombreux  noms  analogues  en  Italie:  forasiepe 
(Tyrol;  Torre)  ou  sp^rciasepe  (Nap.  ;  Bonelli  [sperciare  =  pas- 
sare  con  isforzo  attraverso  la  calcaj)  ou  re  di  siepe  (Meyer-Lübke, 
Worterhuch)  correspondant  exactement  à  l’allemand  Zaïmkônig, 
fora  sîess  (caesa)  (com.;  Bonelli), /omsces  (Suisse  ;  Studer),  (s)hu- 
zosess  (berg.,  mant.,  viz.,  veron.  ;  Bonelli)  qui  renferme  le  verbe 
BucARE  <  Buco,  TB  de  sess  (berg.,  lomb.  ;  Bonelli). 

Fora  hdéc  (buchi)  (valtell.  ;  Bonelli),  sautohocc  (novar.  ;  Bo¬ 
nelli),  re  di  hocc  (novar.  ;  Bonelli),  re  dij  büsson  (piem.  ;Flechia,  Arch. 

XVHI),  sbucafratte  (rom.;  Bonelli),  forafratte  (fratta  <  fracta 
—  haie)  (umbr.,  metaur.  ;  Merlo),  foramakkie  (macchia  <  macula 
=  buisson)  (Siena,  Fiesole;  Bonelli),  re  di  macchia  (fior.,  chian., 


6 


82 


Dans  le  Languedoc  on  dit  aussi  rodo~hartassou  (tourne- 
buisson;  Mistral)  et  à  Espalion  (Aveyron)  rbndo-sièyWo 
(féminin  ;  Rolland,  compL). 

En  Suisse  romande,  surtout  dans  le  Jorat,  le  roitelet 
s’appelle  roze-boss  (Razoumowski,  Histoire  nat.  du  Jorat, 
1789),  rouze-huisson  (Schinz,  Fauna  helveüca,  1837), 
raudje  bosse  (Bridel)  c’est-à-dire  ronge-buisson.  Bridel 
donne  ce  même  nom  à  trois  oiseaux  différents,  soit  au 
roitelet,  au  traquet  (pratincola  rubetra)  et  au  rouge-gorge. 
Ronge-buisson  est  un  nom  banal  qui  peut  s’appliquer 
comme  trauca-bartas  à  plusieurs  oiseaux.  Il  ne  faut  pas 
prendre  cette  expression  à  la  lettre.  Aucun  de  ces  trois 
oiseaux  ne  ronge  le  bois  ni  ne  passe  pour  le  faire  ;  mais 
ils  habitent  dans  les  buissons. 

Plusieurs  de  ces  noms  spontanés  se  trouvent  dans  la 
région  de  la  Savoie  où  jyétaret  avait  disparu  à  cause  de  sa 
confusion  avec  rapatet  et  avait  laissé  la  place  vacante. 

Migeome  à  Grenoble  (Ravanat)  «<  mijd  (mange)  -f' 
homme  peut-être  correspond  à  ronge-buisson. 

Krivaeiza  au  p.  933,  criva-siza  à  Rumilly  (Constantin) 
signifie  crève-(perce-)haie. 

Raddrnü  (roi  ou  rat  de  mur)  à  Troistorrents  (com¬ 
munication  de  M.  Schmidt)  appartient  à  la  meme  caté¬ 
gorie.  Mais  ce  nom  est  peut-être  emprunté  à  quelque 
autre  oiseau  bon  grimpeur,  car  le  roitelet  n’aime  que  les 
haies  vertes.^) 

§  66.  Avec  ujywé  de  stala  (p.  955,  Haute-Savoie) 
on  fait  allusion  à  la  préférence  du  troglodyte  pour  les 
tas  de  bûches.  Il  entre  par  un  trou,  ressort  par  un  autre 
pour  y  rentrer  tout  de  suite  et  se  moquer  de  celui  qui 
veut  l’observer.  Par  stâla  (féminin  scala)  on  désigne 
à  Leschaux  un  tas  de  bois  scié  et  empilé  (Constantin). 

Conta  fascinas  aux  environs  de  Genève  (Rolland,  compl.) 
tîtle  français  com/>^e-/ascme5(Roll.)  expriment  la  même  idée. 2) 

sea.,  umbr. ;  Merlo),  topi  di  matta  ou  di  macchia  (camp.;  Merlo), 
percia  ruvettu  (diminutif  de  rovo  =  ronce)  (messin.  ;  Bonelli). 

^)  Cfr.  l’italien  percia  mura  (catan.  ;  Merlo). 

2)  Cfr.  l’allemand  ReiserJcdmg  (Tyrol)  et  le  suisse-allemand 
Schyterchingli  (Idiotikon). 


83 


§  67.  D’après  Buffon  et  Aldrovande  le  roitelet  huppé 
se  plaît  sur  les  genévriers.  Cette  préférence  lui  a  valu 
le  nom  de  cinse-cadé  à  Toulon  (Péllicot,  Remarques  con¬ 
cernant  les  migrations  des  oiseaux  sur  les  Côtes  de  la 
Provence,  Bulletin  de  la  Soc.  des  sciences  du  Var,  1838). 
On  dit  kadé  pour  le  genévrier  dans  le  sud-est  de  la 
France  (cfr.  l’ Atlas). i)  Mistral  traduit  cinsa  par  „ flairer, 
fureter,  sonder  le  terrain“. 

Pour  la  même  raison,  le  roitelet  s’appelle  répéquet 
en  Normandie  (Seine-Inférieure;  Rolland).  Seul  l’Atlas 
indique  péké  (genévrier)  en  Belgique  et  piPyé  à  Guerne- 
sey.  Ces  formes  isolées  permettent-elles  de  conclure  qu’on 
a  dit  une  fois  péké  aussi  dans  la  Seine-Inférieure? 

Comme  le  chardonneret,  Chardonnet  en  vieux-français 
(Cotgrave),  le  troglodyte  a  été  nommé  d’après  une  plante 
censée  constituer  son  aliment  favori.  On  l’appelle  fenouiet 
dans  le  Hérault  (Marcel  de  Serres,  1822),  fenougé  dans 
le  Gard  (Rolland,  compl.).  Buffon  raconte  que  le  roitelet 
mange  les  grains  du  fenouil. 

Mentionnons  aussi  le  nom  de  ravisset  en  Forez  (Gras) 
qui  s’explique  lorsqu’on  le  compare  à  d’autres  noms  d’oi¬ 
seaux.  Rolland,  compl.,  donne  :  pique-rave  (plusieurs  oi¬ 
seaux  traîne-buissons  d’hiver  en  Savoie,  traquet  à  Genève), 
jnca-rava  (sylvia  hortensis  en  Savoie  et  Isère,  gobe-mouche 
à  Genève).  Je  ne  pense  pas  que  tous  ces  oiseaux  mangent 
des  raves.  Le  nom  a  passé  de  l’un  à  l’autre.  C’est  ainsi 
qu’il  a  servi  à  désigner  le  troglodyte  quoiqu’il  ne  fût  pas 
mangeur  de  raves,  que  je  sache. 

§  68.  Comme  beaucoup  d’animaux,  le  troglodyte  a 
l’habitude  d’avertir  ses  congénères  de  l’approche  d’un 
danger  par  des  cris  perçants.  Bientôt  d’autres  troglodytes 
répondent  au  premier  et  la  forêt  entière  retentit  de  leurs 
cris.  Cette  solidarité  dans  le  danger  lui  a  valu  le  nom 
de  rappelât  à  Plancher-les-Mines  (Beauquier).  (Rappeler 
se  dit  des  oiseleurs  qui  appellent  les  oiseaux  en  imitant 
leur  cri;  vieux-français  rappeau  =  appeau,  oiseau  d’appât). 2) 

^)  Cfr.  Ant.  Thomas,  Nouv.  Essais,  188. 

^)  Ce  nom  est  probablement  un  retlo,  ratelo  du  voisinage, 
transformé  par  l’étymologie  populaire. 


84 


Raffelofy  qu’on  trouve  dans  la  région  voisine  (Plancher- 
les-Mines;  Poulet,  Essai  d’un  vocabulaire  du  patois  de 
Plancher 4es-Mines y  1878),  reflo  dans  les  Vosges  (Bloch) 
ne  sera  qu’un  rappelot  déformé  par  quelque  association. 

De  là  peut  être  aussi  le  nom  de  écouteux  dans 
l’Yonne  (Rolland,  compl.)  =  l’écouteur,  c’est-à-dire  celui 
qui  écoute  pour  les  autres.  L’Yonne  est  aussi  un  des 
centres  de  créations  récentes,  une  de  ces  zones  de  crise. 

§  69.  Le  troglodyte  est  presque  le  seul  oiseau  qui 
chante  en  hiver  quand  il  fait  froid,  pourvu  qu’il  y  ait 
un  peu  de  soleil.  Un  proverbe  de  la  Franche-Comté  dit: 
Quand  le  roi  de  guille  chante,  c’est  signe  de  grand  froid 
(Perron,  Proverbes  de  la  Franche-Comté,  1876).  Buffon 
raconte  qu’il  se  fait  surtout  entendre  quand  il  est  tombé 
de  la  neige  ou  sur  le  soir,  lorsque  le  froid  doit  redou¬ 
bler  pendant  la  nuit.  C’est  pourquoi  on  l’appelle  roi  de 
froidure  en  Bourgogne  (Salerne),  dans  la  Côte-d’Or  (Gé- 
rardin.  Traité  élémentaire  d’ ornithologie,  1806),  roi  de 
ferdure,  roi  de  ferdie,  ferduziô  dans  l’Yonne,  petit  janvier 
dans  le  Nièvre  (Rolland,  compl. ).i) 

Le  roitelet  porte  un  seul  nom  inspiré  par  la  couleur 
du  plumage:  putik  rochet  (petit  roux,  rouge-brun)  à  Lens 
(Valais)  (Gloss,  de  la  Suisse  rom.).  En  général,  nous 
l’avons  vu  l’imagination  populaire  n’a  pas  été  en  peine 
pour  trouver  des  noms  pour  le  roitelet;  elle  n’a  pas  eu 
besoin  de  recourir  à  la  description. 

e)  Noms  onomatopéiques. 

§  70.  Il  arrive  fréquemment  dans  toutes  les  langues 
qu’on  désigne  les  animaux  par  une  onomatopée  imitant 
lem’  cri.  Dans  les  langues  romanes  c’est  surtout  le  cas 
pour  les  oiseaux,  parce  que  beaucoup  d’entre  eux  n’avaient 

0  Janvier  (Saône-et-Loire)  sert  aussi  à  désigner  un  autre 
oiseau  d’hiver,  le  rouge-gorge  (Rolland,  compl.). 

Il  s’appelle  ozeli  del  frecc  à  Bergaine  (Bonelli,  p.  433)  oslen 
del  fredd  à  Parme  (Flechia,  Arch.  Glott.,  XVIII),  Winterhonigy 
Schnykünig  en  Suisse  (Gessner). 

Ailleurs  on  l’appelle  au  contraire  pilloni  de  ber  (petit  oiseau 
du  printemps,  cagl.  ;  Merlo),  puzone  de  ranu  <  veranü  (sard.  log., 
Merlo). 


85 


pas  eu  de  nom  en  latin,  ou  que,  s’ils  en  avaient  eu,  ils 
étaient  tombés  en  désuétude.  Les  peuples  romans  se 
trouvaient  donc  dans  la  nécessité  de  créer  des  noms 
nouveaux,  ce  qu’ils  firent  soit  consciemment,  soit  incons¬ 
ciemment.  Or  le  procédé  le  plus  simple  pour  baptiser 
un  être  vivant,  c’est  de  lui  donner  le  nom  qu’il  se  donne 
lui-même,  c’est-à-dire  de  l’appeler  par  le  cri  qu’il  répète 
toujours.  Lorsque  l’enfant  apprend  à  parler,  la  mère  use 
d’un  moyen  analogue  pour  simplifier  son  langage.  (L’ani¬ 
mal  qui  fait  ou,  ou  —  wau,  wau  s’appellera  toutou, 
wau-wau,  etc.). 

On  essaya  donc  d’imiter  le  cri  des  oiseaux,  plus 
rarement  leur  chant,  parce  que  celui-ci  est  trop  long, 
trop  difficile  à  transposer  en  phonèmes  humains. 

Cette  difficulté  se  fait  même  sentir  dans  l’imitation 
du  cri.  Elle  provient  de  ce  que  les  oiseaux  articulent 
très  indistinctement,  de  ce  que  les  organes  de  la  parole 
de  l’homme  sont  différents  de  ceux  des  oiseaux,  de  ce 
que  l’imagination  auditive  de  l’homme  est  toujours  tentée 
d’entendre  des  sons  inexistants. 

Les  savants  eux-mêmes,  qui  s’efforcent  pourtant 
d’entendre  aussi  exactement  que  possible,  sont  incapables 
de  transcrire  intégralement  les  cris  des  oiseaux  ;  leurs 
notations  diffèrent  sensiblement  les  unes  des  autres. 
Combien  plus  sera-ce  le  cas  lorsque  le  peuple  qui  n’a 
pas  l’oreille  exercée  et  qui  ne  craint  guère  d’ajouter  ses 
inventions  à  ce  qu’il  entend,  imite  ce  cri?  Hauschild  et 
Fr.  Kocher  (cfr.  la  bibliographie)  disent  que  surtout  les 
consonnes  sont  presque  toujours  subjectives. 

Voici  par  exemple  les  noms  qu’on  donne  au  traquet 
d’après  Meyer-Lübke  (Einführimg,  §  75):  trak-trah,  trak- 
trek,  tak-tak,  tok-tok,  sik-sak,  vikre,  visar-sa,  vistrata. 
Bien  que  ces  mots  présentent  une  certaine  ressemblance, 
il  n’y  a  cependant  pas  un  seul  son  qui  se  retrouve  dans 
tous  les  noms  ;  et  encore  sont-ce  des  noms  employés 
en  France,  dans  une  région  relativement  restreinte.  Les 
différences  augmenteraient  encore  si  l’on  tenait  compte 
des  noms  onomatopéiques  d’autres  pays. 


86 


On  voit  dans  ces  exemples  un  certain  schématisme 
conventionnel,  caractéristique  pour  toutes  les  ono¬ 
matopées.  Le  cri  que  l’oiseau  répète  en  réalité  une  quan¬ 
tité  indéterminée  de  fois,  est  généralement  rendu  par 
une  réduplication,  souvent  avec  des  variantes  de  voyelles 
ou  de  consonnes  provenant  d’une  erreur  d’audition. 

Bien  souvent  l’homme  ne  se  contente  pas  d’un  nom 
formé  d’une  interjection  qui  ne  lui  dit  rien,  à  moins  que 
cette  interjection  ne  soit  très  caractéristique  et  suggestive 
comme  le  nom  du  coucou,  dont  le  cri  ne  ressemble  à 
celui  d’aucun  autre  oiseau.  En  général  l’homme  rattache 
aux  noms  existants  un  sens  quelconque;  les  sons 
entendus  évoquent  en  lui  un  assemblage  de  sons  sem¬ 
blables  auquel  coiTespond  une  idée.  Il  fait  de  l’étymologie 
et  il  modifie  quelquefois  les  sons  à  tel  point  qu’on  n’en 
reconnaît  plus  guère  l’origine.  C’est  le  mérite  de  Winteler 
d’avoir  insisté  sur  ce  fait  et  d’avoir  expliqué  de  la  sorte 
—  non  sans  quelques  erreurs  de  détail,  il  est  vrai  — 
une  quantité  de  noms  d’oiseaux  allemands  jusqu’alors 
incompréhensibles. 

Dans  le  domaine  de  la  fable  et  du  conte  on  inter¬ 
prète  encore  beaucoup  plus  arbitrairement.  On  suppose 
aux  animaux  un  langage  humain  et,  de  propos  délibéré, 
on  leur  fait  dire  des  phrases  entières  qui  n’ont  le  plus 
souvent  qu’une  ressemblance  éloignée  avec  leur  cri. 
Wackernagel  cite  beaucoup  d’exemples  de  cette  espèce 
d’interprétation.  Je  renvoie  à  ce  que  j’ai  dit  sous  ce  rap¬ 
port  dans  mon  introduction  (§  6),  car  ces  interprétations 
sont  inspirées  plutôt  par  le  désir  de  raconter  des  fables. 
Elles  sont  inventées,  elles  ne  se  sont  pas  imposées  comme 
les  étymologies  populaires  qui  ont  transformé  les  interjec¬ 
tions  en  véritables  noms. 

Pour  le  roitelet,  j’ai  trouvé  peu  de  traces  de  ces 
noms  onomatopéiques  qu’ils  soient  transformés  ou  non 
par  l’étymologie  populaire.  Pas  un  seul  de  ces  noms 
n’est  antérieur  au  siècle.  Ce  sont  tous  des  types 

isolés  de  formation  récente,  apparaissant  à  des  endroits 
où  l’ancien  nom  est  en  voie  de  disparition  et  où  il  faut 
combler  une  lacune. 


87 


Si  nous  nous  demandons  pourquoi  l’onomatopée 
ne  joue  pas  dans  la  dénomination  du  roitelet 
le  rôle  prépondérant  qu’elle  joue  dans  celle  du 
pinson  ou  du  traquet  par  exemple,  les  deux  faits  suivants 
déjà  mentionnés  nous  l’expliqueront  peut-être: 

1 .  Le  roitelet  est  un  oiseau  très  caractéristique  ;  il 
se  distingue  nettement  des  autres  oiseaux  par  sa  petite 
taille  et  par  ses  allures  étranges;  la  légende  lui  a  sus¬ 
cité  des  noms,  des  comparaisons  en  grand  nombre,  de 
sorte  qu’on  n’a  pas  besoin  de  recourir  à  l’imitation  du  cri. 

2.  L’onomatopée  est  très  peu  expressive  ;  elle  passe 
d’un  oiseau  à  l’autre  encore  plus  facilement  qu’un  autre 
nom  ;  il  y  a  beaucoup  d’oiseaux  dont  on  peut  rendre 
le  cri  par  crecre,  tritri,  fifi,  etc.  Or  on  cherche  pour  le 
roitelet  non  pas  des  noms  banals,  mais  des  noms  affectifs. 

§  71.  Voici  comment  les  différents  naturalistes  rendent 
le  cri  du  troglodyte.  On  constate  un  rapport  assez  étroit 
avec  les  noms  vulgaires  des  différents  peuples  qui  ont 
influencé  les  savants  :  Bechstein  :  tzrr,  tzetzererr,  tzertz  ; 
Brehm  :  zirrr,  zerrr,  zeckzeck  ;  Buffon  :  tirit  tirit  ;  Basse- 
tière  :  crreûi. 

Pour  le  roitelet  huppé  il  y  a  plus  d’unité  :  si  si  ;  zit. 

En  France  les  noms  suivants  ont  été  inspirés  par 
le  cri  du  troglodyte  :  Cricri  (franc,  dial.  ;  la  Blanchère), 
crecre  (Thônes  ;  Constantin,  Bailly),  tritri  (Lorraine  ;  Tous- 
sennel),  tsik  (Mase  dans  le  Valais;  Glossaire),  probable¬ 
ment  aussi  rëche  (féminin),  rëtschi,  rëcha,  rëchom  (masc.) 
dans  l’Yonne  (Rolland,  compl.).^)  Peut-être  faut-il  men¬ 
tionner  ici  kiki  (p.  779,  Hérault),  rikiki  au  p.  368  (Manche) 
à  côté  de  rwatU  parisien.  Cependant  kiki  peut  désigner 
tout  simplement  un  petit  être  frêle  qu’on  méprise.^). 

Voilà  tout  pour  le  troglodyte.  Encore  n’est-il  pas  le 
seul  à  porter  ces  noms  :  Criquet,  crechet  sert  aussi  à  nom¬ 
mer  le  traquet  dont  le  cri  ressemble  un  peu  à  celui  du 

Besse,  reche  j  désignent  le  rouge-gorge  et  la  mésange. 

Cfr.  riqui,  riquiqui  =  petit,  chétif,  souvent  avec  l’idée 
de  vivacité,  bizarrerie,  vanité  plaisante  (Baudouin,  Forêt  de  Clair- 
vaux).  Cfr.  aussi  M"®  Kocher,  op.  cit. 


88 


roitelet,  tritri  désigne  le  projer  en  Saintonge  et  l’effar- 
vate  dans  les  Pjrénéesd) 

J’ai  trouvé  un  seul  nom  onomatopéique  français  ren¬ 
fermant  un  verbe  à  l’impératif  ou  un  nomen  agentis 
comme  les  noms  allemands  ;  frela-huisson  en  Bresse 
(Guillemant).  Frela  appartient  probablement  à  la  même 
famille  que  frelasser  (faire  entendre  un  bruit  semblable 
à  celui  des  feuilles  sèches)  et  frelas  (rhinante  glabre 
ou  crête  de  coq),  ainsi  nommée  par  une  espèce  d’ono¬ 
matopée  indiquant  le  bruit  que  font  ses  tiges  quand  elles 
sont  sèches  (Jaubert). 

A  côté  de  ces  noms  du  troglodyte  il  y  a  des  noms 
imitant  le  cri  du  roitelet  huppé,  qui  peuvent  aussi  en 
venir  à  désigner  le  troglodyte:  fifi  aux  p.  886,  896  (Var). 
Le  même  mot  sert  à  nommer  beaucoup  d’autres  oiseaux 
encore  avec  autant  de  raison:  le  pipi  des  arbres  dans 
le  Jura,  le  pouillot  (Bouches-du-Rhône),  le  grimpereau 
(Provence).  On  peut  imiter  tant  d’oiseaux  par  l’onomato¬ 
pée  que  ce  mot  a  fini  par  désigner  l’oiseau  ou  l’oiselet 
en  général  (Mistral,  M.  Edmont).  Il  en  est  de  même  pour 
zizi^  chichi  désignant  le  roitelet  huppé  en  Savoie  (Bailly) 
(cfr.  le  nom  français  du  zizi  bruant),  nmi  (p.  893,  V^ar; 
Pellicot),  psipsi  (Aveyron;  Vayssier),  Awi  (Grenoble,  Ra- 
vanat).  On  donne  ce  nom  avec  plus  de  raison  au  pinson 
dans  l’Orléanais.  On  appelle  maintenant  le  roitelet  huppé 
petit  louis  couronné  en  Franche-Comté  (Rolland,  compL), 
pitiliu  à  Clermont  (Hérault;  L.  Pastre,  p.  80)  mais  louis 
a  probablement  été  employé  d’abord  pour  le  chant  du 
pouillot  appelé  aussi  petit-louis  (Franche-Comté),  tu-i, 
touvi  (Ain,  Isère),  missi  loui  (Vaucluse),  lui  et  tui  en 
Italie.  L’orthographe  du  mot  louis  montre  que  celui  qui 

9  En  allemand  on  dit  Schnurz,  Schnàrzer,  Scherzer,  noms 
formés  un  peu  différemment  avec  le  suffixe  du  nomen  agentis  -er. 
Les  noms  onomatopéiques,  comme  tous  les  noms  spontanés,  sont 
plus  fréquents  en  Italie.  Il  y  a  des  tre-ire  (bell.  ;  Bonelli),  reéece 
(gen.  ;  Bonelli),  cece  (Ancona,  Crocioni,  Il  dîaletto  âi  Arcevia,  75), 
ciccer  (metanr.  ;  Merlo),  cercer  (veron.  ;  Merlo),  c’err  (berg.  ;  Bonelli), 
cicirilu  (Toppino,  Il  dialetto  di  Castellinaldo,  p.  58),  kra-kra 
(Spezzia;  Bonelli),  zeriàt  (Como,  Monti  367). 


89 


le  nota,  pensait  au  nom  de  personne,  ou  peut-être  même 
au  „louis  d’or“  auquel  il  comparait  la  crête  du  roitelet. 

Fiji  évoqua  le  nom  de  personne  Philippe  à  deux 
endroits  très  éloignés  l’im  de  l’autre.  On  trouve  Jlip  au 
Cerneux  Péquignot  dans  le  canton  de  Neuchâtel  (Gloss.) 
et  reyfelip  au  p.  798  de  l’Atlas  (Pyrénées-Orientales)  non 
loin  de  l’Espagne,  dont  plusieurs  rois  ont  porté  le  nom 
de  Philippe. 

Betyétyé  à  Salvan  (Glossaire)  me  semble  désigner 
d’abord  la  mésange,  et  par  extension  le  roitelet.  Cette 
onomatopée  rend  plutôt  le  chant  de  la  mésange^).  Or  les 
petites  mésanges  et  les  roitelets  huppés  se  ressemblent 
par  le  plumage,  les  allures  et  la  voix  et  se  trouvent 
souvent  en  compagnie  les  uns  des  autres.  Une  confusion 
est  donc  bien  possible. 2)  Avec  hetyéiyé  je  passe  au  chapitre 

f)  Des  confusions  fréquentes  avec  d’autres  oiseaux. 

§  72.  On  a  parfois  donné  au  roitelet  des  noms 
d’autres  oiseaux  qui  lui  ressemblent  par  un  ti’ait  quel¬ 
conque,  souvent  peu  frappant.  11  est  impossible  de  savoir 
dans  chaque  cas  si  cette  confusion  est  propre  au  sujet 
qui  a  fourni  le  nom  ou  à  tous  les  habitants  d’un  village. 
Quand  la  situation  géographique  de  l’endroit  montre  que 
le  mot  qui  désigne  accidentellement  le  troglodyte  comble 
une  lacune,  il  est  probable  que  l’emprunt  n’est  pas  une 
erreur  individuelle. 

J’ai  déjà  mentionné  quelques  cas  où  l’on  a  donné 
au  rouge-gorge  des  noms  du  troglodyte  (cfr.  §  39). 
Le  passage  inverse  se  rencontre  aussi  au  p.  826  (Ar¬ 
dèche).  M.  Edmont  a  reçu  pour  roitelet  la  réponse  pitrn 
(pet  rouge).  Ce  point  se  trouve  dans  une  région  où  des 
noms  récents  ont  remplacé  des  types  anciens  disparus  : 
„roitelet“,  „roi  des  oiseaux“,  „petite  noix“  et  plusieurs 
autres  noms  d’emprunts  :  tels  que  rigahl  (p.  822),  rigal 

On  appelle  en  effet  la  mésange  bustjetje  à  Liddes  (Val 
d’Entremont),  hostekéké,  motskyékyé  à  Nendaz,  dzetiétiê  à  Vollèges. 

2)  Voici  les  noms  onomatopéiques  italiens  qui  imitent  le  cri 
du  regulus  cristatus:  (Spezia  ;  Bonelli),  pipi  (piac.  ;  Merlo), 

ziddi  (s.  log.  ;  Merlo),  sizin  (Valteline,  Studer). 


90 


(p.  852,  Gard),  rïgaùt  (p.  866,  Hautes-Alpes)  qui  étaient 
propres  au  rouge-gorge,  appelé  nigau  dans  les  Bouches- 
du-Rhône,  à  Nice,  Toulon  et  dans  le  Gard  (Rolland)  ; 
martelé  (p.  844,  Drôme)  qui  est  le  nom  de  l’hirondelle 
de  rivage  beaucoup  plus  au  sud,  à  Nice.  Il  serait 
difficile  de  trouver  un  point  de  ressemblance  entre  ces 
deux  oiseaux.  Dans  les  Cévennes  on  dit  heneri(t)  pour 
le  roitelet  (Azaïs,  Crespon).  Ce  nom  attesté  déjà  en  1609 
est  à  l’origine  celui  de  différents  espèces  de  bruants, 
surtout  de  l’ortolan.  Rolland  y  voit  une  onomatopée. 
On  peut  à  la  rigeur  confondre  le  cri  du  bruant  et  du 
roitelet.  Enfin  il  y  a  encore  dans  la  même  région,  forte¬ 
ment  travaillée  par  les  innovations,  paserô  (?)  au  p.  861 
(Gard).  Paserô  est  peut-être  devenu  dans  celte  contrée 
un  nom  générique  désignant  tous  les  petits  oiseaux,  car  tout 
près,  au  p.  779  et  dans  le  Gard,  on  appelle  ainsi  la 
fauvette  et  le  mouchet  (accentor  modularis). 

§  73.  Dans  l’Yonne,  autre  région  de  crise,  le  roitelet 
porte  aussi  un  nom  emprunté  au  rouge-gorge  :  roi  de 
bourse,  houssîo,  masc.  (Rolland,  compL).  Bouge-bourse, 
féminin,  est  le  rouge-gorge  dans  l’Aube  (Salerne).  Bourse 
est  une  petite  tumeur,  ici  peut-être  l’estomac  des  oiseaux, 
équivalent  de  gorge  ou  pet,  comme  dit  Rolland.  Sur  la 
carte  bourse  M.  Edmont  note  dans  cette  contrée  des 
formes  sans  r:  bm  ;  de  là  bousslo. 

A  la  même  région  appartient  l’emprunt  fait  aux 
noms  du  grimpereau.  C’est  ëcalon  (Rolland,  compl.). 
Le  grimpereau  s’appelle  échelette  (vieux-français),  escaletie 
dans  l’Aisne,  escalo-bernaU,  escolèto,  ehcalèto  dans  l’Aveyron, 
tsaleto  dans  le  Puy-de-Dôme.  Je  vois  dans  ces  mots  des 
dérivés  de  scala,  *scalare  (grimper). 

Un  nom  curieux,  commun  au  roitelet,  au  rouge- 
gorge  et  au  pouillot  four  oui,  masc.  (roitelet,  Pas- 
de-Calais;  Rolland,  compl.),  fouroule,  féminin,  magnon- 
fouroule  (rouge-gorge,  Picardie),  chau-four,  bouche-four 
(Sologne),  fournalot  (pouillot,  Jura).^)  Suolahti  explique 

L  Cfr.  Talleraand  Bachofchen,  Backofenkroffer  (Hesse),  Back- 
ofenschlüpfer  (Palatinat),  Backowelken  (Gottingen),  Bnckôwenkrû- 
perken  (Grubenhagen),  tous  des  noms  du  troglodyte  (Suolahti). 


91 


ces  noms  en  disant  que  le  nid  du  troglodyte  a  la  forme 
d’un  four.  Mais  je  doute  de  la  justesse  de  cette  expli¬ 
cation,  car  les  trois  oiseaux  qui  portent  ce  nom  n’ont 
rien  à  faire  avec  le  four. 

On  ne  peut  pas  séparer  ces  mots,  je  crois,  des  noms 
du  pouillot  et  du  roitelet  dans  le  Doubs  :  foiwn’lo,  foun’lo 
(Meuse  ;  Rolland,  compl.),  fouanasse,  fouhso  (dans  la 
Nièvre  et  l’Yonne)  ;  ces  deux  derniers  désignent  la  fau¬ 
vette  des  foins  (sylvia  orphea).  Tous  ces  mots  appar¬ 
tiennent  à  la  même  région,  et  je  crois  qu’il  faut  plutôt 
penser  à  l’oiseau  des  foins  qu’à  l’oiseau  du  four.i) 

Un  autre  nom  du  roitelet  emprunté  au  pouillot  est 
chantre  (Littré,  Larousse). 

§  74.  C’est  à  la  fauvette  que  sont  empruntés  les 
noms  de  ô/ssoi/rcfe^  (Orléans;  Salerne),  mousquet  (Hérault; 
Marcel  de  Serre)  et  oiseau-mouche  (Jura;  Beauquier). 
Voici  les  noms  actuels  de  la  fauvette  qui  nous  concernent  : 
A  l’est,  en  Bourgogne  et  dans  le  Dauphinet  bnskarido 
(p.  822),  bueardj  botsorda,  bneardè,  busardé  (p.  910,  913, 
921,  931,  911,  914),  boearlô,  pu^arla  (p.  819,  818,  829), 
mntserîo  (p.  827,  837,  838).  A  l’ouest  il  y  a  la  même 
hésitation  entre  b  et  m  à,  l’initiale  :  busket  (p.  735),  buh- 
keto  (p.  717),  mmket  (p.  766,  777,  778).  Quelle  est  la 
forme  première,  celle  avec  m  ou  celle  avec  6?  Voici  les 
formes  des  dictionnaires  ;  Godefroy  donne  mouclierolle, 
„un  petit  oysillon  de  la  grandeur  d’une  fauvette  hantant 
les  buissons,  qui  mange  les  mouches  et  de  là  est  aussi 
nommé  moucheroUe^  (Belon,  1555). 

Moucheton:  L’on  prend  à  la  glu  mouchetons  (XV^*"*^ 
et  XVF°^®  siècle,  Testament  de  monseigneur  Desbarres), 

Je  n’ai  pas  trouvé  bosquillon  que  Rolland,  compl., 
dit  y  avoir  trouvé.  Rolland  donne  encore  moucheri,  masc. 
(franç.  dial.,  1688),  moucherla  (Isère,  1809),  mousquet 
(Hérault,  1822,  Gard,  1844),  mouscayrolo  (Tarn,  1845). 

Voici  les  formes  avec  b:  bocharde  (Savoie,  1853), 
boucharde  (Isère,  1846),  bouscarido  (Gard,  1820 — 44), 


Cfr.  la  carte  „foin“  de  ALF  et  le  nom  irlandais  du  pouillot 
hay-hird. 


92 


hisquerlo  (ibidem),  houscarla  (Hérault,  1820,  Nice  1821, 
1826),  busqueta  (Pyrénées-Orientales,  1861). 

Est-ce  par  hasard  qu’en  vieux-français  les  formes 
avec  m  sont  seules  conservées,  ou  étaient-elles  les  seules 
existantes?  Il  faudrait  alors  voir  dans  toutes  ces  expres¬ 
sions  des  dérivés  de  mouche;  mouchet,  moucheton,  mou- 
cherolle,  moucheri,  moucharde,  mouchière  (mouscairolo  = 
celui  qui  prend  des  mouches).  Le  dernier  de  ces  noms 
n’a  pas  besoin  d’explication.  Pour  ^nouchet,  etc.,  confrontez 
ritalien  mouscone  (Tessin;  Schinz),  mmchitta  (log.  camp.; 
Merlo),  roitelet,  oslen  moska  (parm.  ;  Flechia),  moskin 
(mess.),  pouillot.  Même  si  l’allemand  Grasmücke  est  dû 
à  l’étymologie  populaire  (selon  Winteler),  il  faut  pourtant 
qu’à  un  moment  donné  la  comparaison  de  l’oiseau  à  un 
moucheron  se  soit  présentée  à  l’esprit. 

Le  développement  de  u  et  de  sc  est  partout  le  même 
que  dans  mouche.  La  seule  difficulté  phonétique  est  le 
changement  de  7n  initial  en  h,  dont  je  ne  connais  pas 
d’autres  exemples.  L’étymologie  populaire  doit  avoir  eu  sa 
part  à  cette  transformation  :  bosquet  (adjectif)  signifiait  selon 
Godefroy:  „qui  habite  les  bois“,  ensuite  aussi  „écureuil“. 

Mouscairolo  >  mntserlo  >>  bu-eai'la  (fém.),  bnearde, 
busorde  avec  un  autre  suffixe.  Cette  fois  c’est  buse,  bure 
(de  couleur  sombre)  qui  est  en  jeu  (cfr.  busette  =  fau¬ 
vette  dans  le  Berry). i) 

Bissourdei  (roitelet)  dans  l’Orléanais  est  certainement 
en  rapport  avec  ce  busorde  (fauvette),  de  même  que 
mousquet  dans  le  Hérault  et  oiseau-mouche  dans  le  Jura 
qui  doit  être  inspiré  par  mtieerlo  voisin. 

§  75.  Le  nom  de  rédébékadê,  roitelet  au  p.  650, 
Gironde,  méro  bécasso  en  prov.  (Roll.,  compl.)  qui  signifie 
roi  (mère)  des  bécasses,  est  très  curieux.  11  s’explique 
cependant  par  une  croyance  populaire  de  la  Gironde  qui 
dit  que  le  roitelet  voyage  sous  l’aile  de  la  bécasse  (Sé- 
billot).  Le  nom  de  roi  a  pénétré  dans  la  Gironde  par  le 
nord.  Le  roi  qui  voyage  sous  l’aile  de  la  bécasse  de- 

0  Cfr.  l’expression  hochârda  =  vache  qui  a  des  taches  noires 
sur  le  museau,  vache  à  robe  brune,  se  dit  aussi  en  parlant  de 
bœufs  et  de  moutons  (Constantin-Desormaux). 


93 


vient  ainsi  le  roi  des  bécassesd)  Il  se  peut  ([ue  la  res¬ 
semblance  du  plumage  des  deux  oiseaux  ait  joué  un  rôle 
aussi.  Précigou  dit  à  ce  sujet:  „Le  plumage  du  troglo¬ 
dyte  a  les  mêmes  nuances  que  celui  de  la  bécasse et 
Buffon  :  ,.)Le  troglodyte  a  en  raccourci  et,  pour  ainsi  dire 
en  miniature,  le  plumage  de  la  bécasse;  aussi  ai-je  vu 
des  enfants  à  qui  la  bécasse  était  connue,  du  premier 
moment  qu’on  leur  montrait  le  troglodyte,  l’appeler 
petite  bécasse“.2) 

Je  pense  que  l’expression  horgnat  (roitelet;  Littré) 
a  le  même  point  de  départ.  Elle  désignait  à  l’origine  la 
bécasse. 3) 

Pour  des  raisons  déjà  mentionnées  plus  haut  le 
roitelet  a  été  confondu  avec  la  mésange  (cfr.  §  71).  Il 
s’appelle  7nèiz,  ynèizat  aux  Pommerais  (M.  Schmidt),  cfr. 
meize,  meizat  Meise  (Tappolet,  AUeman.  Lehnwôrter, 
IL,  107).  Mistereta  signifie  en  même  temps  roitelet  (Ver- 
rens-Arvey,  Constantin)  et  mésange  (Brachet).  Peut-être 
ce  mot  a-t-il  quelque  rapport  avec  miston  (friandise). 

Guerchette,  fém.  (Maine-et-Loire  ;  Verrier  et  Onillon), 
pouiTait  aussi  être  un  nom  d’emprunt  désignant  peut-être 
à  l’origine  la  bergeronnette.  J’y  vois  un  dérivé  de 
guérécher  labourer,  mettre  en  guéreis  (Jaubert).  Je  n’ai 
aucun  témoignage  pour  guerchette  signifiant  bergeronnette, 

0  Cfr.  le  bolonais  papa  dla  inzzacra  (pape  des  bécasses, 
Merlo). 

2)  La  même  comparaison  a  été  faite  en  Italie  où  le  troglo¬ 
dyte  porte  les  noms  de  heccaccino  (Ancona,  Merlo),  polina  à  Ber- 
game  à  côté  de  re  di  pôle  (pola  =  beccaccia),  galinazen  (Italie  du 
nord,  Bonelli).  La  gallinazza  est  la  bécasse. 

Je  ne  sais  pas  jusqu’à  quel  point  roi  des  cailles,  râle  (crex 
crex)  a  iufluencé  ces  différents  rois  des  bécasses  ou  en  a  été  in¬ 
fluencé.  Il  se  rencontre  en  fr.,  prov.,  lang.  (Eolland),  aussi  en 
Italie  et  en  Allemagne.  Grimm  dit  que  le  troglodyte  s’appelle 
aussi  „Wachtelkônig'‘,  ce  qui  est  probablement  une  erreur.  Ce 
nom  paraît  venir  de  ce  que  le  râle  semble  en  tout  temps  suivre 
les  cailles.  Pour  la  même  raison  on  appelle  au  point  650  (Gironde) 
le  roitelet  rédéhékade. 

^)  Cfr.  l’explication  qu’en  donne  Sainéan,  Etymologies  lyon¬ 
naises,  Rev.  de  pliil.,  XXII,  60.  Von  Wartburg  (Die  Ausdrücke  für 
die  Fehler  des  Gesichtsorgans)  n’en  parle  pas.  Borgne  est  aussi  un 
nom  de  la  mésange  charbonnière. 


94 


il  est  vrai,  mais  les  noms  parallèles  en  allem.  fAcker- 
mànnchen),  en  picard  (semeur  [SalerneJJ,  en  prov.  (houy- 
eireto,  petit  laborenr)  semblent  confirmer  notre  suppo¬ 
sition.^) 

cikro  dans  les  Vosges  (Bloch)  signifie  proprement 
pinson.  Peut-être  le  sujet  interrogé  ne  connaissait-il  pas 
le  troglodyte. 

g)  Les  noms  appartenant  spécialement  au  regulus 

cristatus. 

§  76.  Tous  ces  noms  se  rapportent  au  trait  carac¬ 
téristique  du  petit  oiseau,  au  bandeau  jaune  ou 
orange  qui  orne  sa  tête. 

Honisô  (jaunisson)  au  p.  630  de  l’Atlas  (Gironde) 
ne  peut  désigner  que  le  roitelet  huppé.^) 

Tout  ce  qui  est  jaune  et  qui  plaît  est  comparé  à 
l’or,  substance  jaune  par  excellence,  celle  qui  plaît  le  plus 
à  l’enfant  et  à  l’homme,  qui  l’intéresse  le  plus  vivement. 
Si  l’on  rassemblait  tous  les  noms  de  plantes  et  d’animaux 
oïl  l’or  joue  un  rôle,  le  nombre  en  serait  très  grand,  je 
crois.  On  compare  à  l’or  toutes  les  nuances  du  jaune, 
le  jaune  foncé,  presque  brun,  de  la  giroflée  (Goldlack), 
le  jaune  très  pâle  des  „boutons  d’or“  („Butterbluine“), 
et  même  ce  qui  est  seulement  jaunâtre  (Goldamsel). 

On  appelle  le  roitelet  huppé  petit  doré  en  franç. 
dial.  (Gérardin,  Traité  élémentaire  T  ornithologie  y  1806).^) 

Le  peuple  ne  se  contente  pas  d’un  nom  en  quelque 
sorte  scientifique,  c’est-à-dire  d’un  nom  purement  descrip- 

9  Je  constate  le  fait  curieux  que  pour  ces  mêmes  endroits 
(Brissac,  Luigné)  Verrier  et  Onillon  offrent  guèrche  dans  le  sens 
de  crèche,  sans  que  toutefois  j’aie  réussi  à  trouver  un  rapport  qui 
relie  ces  deux  mots. 

2)  Jaunisse  désigne  le  bruant  jaune  dans  le  Luxembourg  à 
cause  de  son  plumage.  En  allemand  cet  oiseau  s’appelle  Goldammer. 

Cfr.  l’ital.  capo  Joro  (Feltre;  Bonelli),  conca  (tête)  J  ont 
(sarde;  P.  Bolla,  Fauna  pop.  sarda),  cô  d'or  (suisse;  Studer)  ou 
codorin,  testin  d'ôo  (Spezia,  Tortona,  aless.  ;  Bonelli),  uslin  del 
testin  giald  (suisse;  Studer)  ou  riottin  de  la  corona  (milan.;  Banfi); 
Fallem.  GoldhàlmcJien,  Goldkdpfchen  (Brehm),  Goldschüpli  (Studer), 
Guldstangerl  (stangerl,  kleines  Stück;  Heanzer  Mda. ;  Suolahti), 
Goldplüttchen,  Goldele  (Tyrol). 


95 


tif.  En  indiquant  une  couleur,  une  qualité  quelconque, 
il  fait  une  comparaison  comme  le  poète.  Ainsi  le  nom 
devient  affectif;  il  exprime  un  jugement  de 
valeur,  car  selon  que  l’objet  lui  plaira  ou  ne  lui  plaira 
pas,  il  choisira  un  symbole  différent  pour  la  même  cou¬ 
leur.  Le  même  roitelet  peut  être  appelé  pour  la  couleur 
de  sa  crête  un  'petit  doré  ou  un  juif  (voir  plus  loin).  Il 
y  a  en  Suisse  allemande  goldyelh  à  coté  de  „gâygeligcll^ 
(<^  cacare)  péjoratif.  La  même  couleur  qui  est  agréable 
à  nos  yeux  et  que  nous  comparons  à  l’or  lorsqu’elle 
appartient  à  une  fleur  ou  à  un  oiseau,  nous  est  des¬ 
agréable  sur  une  plus  grande  étendue,  sur  une  robe 
par  exemple  qui  ne  sied  pas  bien  ;  nous  l’appelons  alors 
„gaggeligâl^ y  jaune  criard.  Nous  avons  constaté  la  même 
divergence  du  jugement  de  valeur  dans  le  choix  des 
symboles  de  petitesse  (cfr.  péteMx  à  côté  de  poulette  au 
bon  Dieu), 

§  77.  La  flamme  aussi  est  jamie-orange  et  fournit 
un  point  de  comparaison.  On  appelle  le  roitelet  flamineile 
en  wallon  (Grandgagnage).  Flaminette  ou  flamive  est 
aussi  le  nom  de  la  fleur  de  souci  (calendula  arvensis)  en 
vieux-français  (Ducange)  et  en  wallon  à  cause  de  sa 
couleur  orange  vive.^) 

Cette  fleur  a  servi  de  bonne  heure  à  désigner  le 
roitelet  huppé.  Godefroy  cite  Belon  (Nat.  des  oijs.y  7,  VII, 
éd.  1555):  „Ceux  du  Maine  le  nomment  un  poul  ou  une 
sourcicle  mais  ceux  qui  parlent  meilleur  françoys  dient 
une  soulcie:  car  il  a  les  sourcilz  de  plumes  noires  esle- 
vées  sur  chaque  costé  des  temples  au-dessus  des  yeux 
au  milieu  desquelles  il  y  a  comme  une  creste  de  plu¬ 
sieurs  plumes  jaulnes  sur  le  sommet  de  la  teste.  “  C’est 
donc  bien  le  roitelet  huppé  dont  il  est  question.  Je  ne 
sais  ce  que  Godefroy  entend  par  la  traduction  „pouillot 
colybie“.  Le  deuxième  exemple  est  tiré  de  Fr.  Binet 
( Merv,  de  nat.j  p.  68,  éd.  1622):  ypnoineau  à  la  soulsie 
ou  au  collier  jaune,  c’est  celui  qui  a  au  col  comme  un 
petit  carquan  de  duvet  jaunissant^. 


Cfr.  l’anglais  fire-crest. 


96 


Le  dernier  exemple  se  trouve  dans  la  Nouv.  Fabrique, 
116  (Bibl.  élz.):  soulcicles. 

Le  moineau  à  la  soulsie  ou  au  collier  jaune  est 
peut-être  le  friquet  (passer  montanus  ou  passer  petronia), 
non  pas  le  regulus,  car  Cotgrave  le  traduit  par  „mig- 
sparrow  ;  a  small  bird  that  hath  a  yellow  ring  about  its 
necke  and  builds  in  the  trunke  of  a  tree.“ 

Rolland  rapporte  encore  d’autres  témoignages  de  ce 
mot:  fleur  de  souci  (franc,  dial.;  Salerne,  1767),  sucet, 
petit  sucet  (Orléanais,  Salerne),  sucet  n’est  autre  que 
petit  souci  (<<  solseqxjia),  appelé  suss  à  Fougerolles 
(Haute-Saône;  Rolland,  Flore  pop.,  VII,  163),  S7i€é,  masc., 
à  Vincelles  (Dauzat).  Au  XVin®“®  siècle  il  semble  avoir 
été  en  usage  aussi  dans  le  canton  de  Vaud,  dans  le 
Jorat:  souci,  roitelet  (Razoumowski). 

La  désignation  paraît  être  ancienne  et  plus  répandue 
peut-être  autrefois.  Pour  le  siècle  je  n’en  ai  que 

des  témoignages  isolés  :  souci  en  Lorraine  (Toussenel, 
1872 — 74),  sourcicle  à  Guernesej  (Métivier,  1870). 0 

Au  même  ordre  d’idées  que  flaminette  appartient 
soraij  (soleil)  à  Charmoille  (Berne,  Glossaire).  Ce  mot  aussi 
a  peut-être  passé  par  l’intermédiaire  du  souci  qui  comme 
le  tourne- sol  (Sonnenblume)  ressemble  au  soleil  par  la 
couleur  et  la  forme.  Il  s’appelle  espouse  du  soleil  (Belon), 
herbe  solaire  (Vinet  et  Mizaut,  La  maison  champêtre), 
solo,  petit  solo  en  luxembourgeois.^) 

§  78.  On  appelle  le  roitelet  crêté  poul  (coq)  en  le 
comparant  à  l’oiseau  crêté  par  excellence  :  poul  (Belon, 
Le  Mans),  pou,  pou  de  bois  (Vienne,  Manduyt,  1840), 

La  fleur  de  l’oranger  a  remplacé  le  souci  au  nord  de 
l’Italie  où  le  regulus  est  appelé  poranccin  à  Côme  (Bonelli),  en 
Suisse  (Studer),  fiorancîo  (Frioul,  Pirona). 

2)  Le  soleil  est  d’or  et  les  étoiles  et  la  lune  sont  généralement 
d’argent  dans  le  langage  du  peuple;  mais  quelquefois  on  parle 
aussi  des  étoiles  d’or  (cfr.  l’expression  „die  goldencn  Sternlein'‘ 
de  M.  Claudius).  C’est  ainsi  qu’on  arrive  à  appeler  le  regulus 
stéîle  d'or,  steiletta  (piem.  ;  Bonelli),  steiïa  giauna  (Verc.),  stelen 
(cremon.),  stelin  (Vie.,  Friul;  Bonelli;  Pirona,  Suisse;  Studer), 
stilé  (Brescia,  Berg,  ;  Bonelli)  ou  stellat  (Riva),  stellatin  (Rendena, 
Torre).  De  même  en  portugais  estrellinha  (petite  étoile  ;  Michaelis). 


97 


jpoUy  petit  pouë  (Mayenne;  Rolland,  compl).  Guillemeau 
(1806)  donne  ce  nom  pour  le  pouillot  dans  le  dép.  des 
Deux-Sèvres. 1)  Peut-être  faut-il  mentionner  ici  aussi  un 
goché  (roitelet  huppé)  à  Frameries  (Hainaut;  Rolland, 
compl.). 

§  79.  Les  Grecs  firent  de  la  petite  crête  une  cou¬ 
ronne  et  donnèrent  à  l’oiseau  le  nom  de  Tupavvoç.  Les 
Français  l’appelaient  empereur  dans  le  Jura  (Ogérien), 
petit  empereur  (Doubs;  Beauquier),  prince  en  Champagne 
(Rolland). 2) 

§  80.  La  désignation  jusiàu  près  d’Orange  est  un 
peu  moins  respectueuse,  si  l’on  tient  compte  du  mépris 
que  les  gens  avaient  pour  les  juifs  au  moyen  âge.  Mistral, 
qui  donne  ce  nom,  dit  qu’on  comparait  la  tache  jaune 
du  roitelet  au  chapeau  jaune  que  les  juifs  devaient 
porter  pour  qu’on  les  reconnût  de  loin.  Ces  prescriptions 
étaient  particulièrement  sévères  dans  le  midi  de  la 
France  (cfr.  une  notice  d’Alex.  Dancona  dans  le  Giov- 
nale  storico  V,  p.  54).®) 

Plus  flatteurs  sont  les  noms  qui  comparent  notre 
oiseau  à  un  ecclésiastique.  On  comprend  sans  difficulté 
le  napolitain  cardinale  (Bonelli),  les  cardinaux  portant 
un  costume  pourpre.  Mais  petit  quereye^)  (curé)  en 

9  Cfr.  le  sicilien  jadduzzeddu  (Merlo),  le  tessinois  cb  d’or 
(Studer),  l’allemand  Goldhahnchen,  ou  la  comparaison  avec  un 
autre  oiseau,  l’autruche:  struzzet  (trev.,  Merlo),  en  suisse  allemand 
Streilfile  (Berne;  GeÛner). 

2)  Le  nom  d’empereur  lui  est  fréquemment  donné  en  Italie  : 
imperator  (veron.  ;  Bonelli  —  Val  di  Ledro;  Torre),  imperatorel 
(veron.;  Merlo,  — Val  di  Ledro  ;  Ettmayer),  imperatori  (Ledro;  Torre). 

On  a  donné  ce  même  nom  à  différentes  plantes  jaunes: 
jîidievo  est  le  narcisse  jaune,  erbo  di  judieu  la  gaude  (réséda  lu- 
teola)  dont  la  fleur  est  jaune  et  qui  sert  à  teindre  en  jaune.  Les 
comparaisons  avec  les  juifs  se  présentaient  facilement  à  l’esprit 
parce  que  ceux-ci  occupaient  les  imaginations.  On  appelle  peis 
jouziou  le  sphyrgna  zygaena  (morteau)  et  le  martinet  (cypselus 
apus)  à  cause  des  cornes  du  premier,  de  la  queue  bifurquée  de 
l’autre  qui  ressemblent  aux  cornes  des  chapeaux  juifs  (Barbier, 
Noms  des  poissons,  Rev.  des  lang.  rom.,  LVII,  312). 

9  Cfr.  la  carte  „curé“  de  l’ALF  en  Belgique  et  au  nord-est 
de  la  France. 


7 


98 


luxembourgeois  (Liégeois)  est  plus  difficile  à  expliquer, 
le  roitelet  n’ajant  pas  de  calotte  noire  sur  la  tête  comme 
le  rossignol  de  muraille  (ruticilla  phoenicura)  appelé 
aussi  prêtre,  clerc,  le  „moineau“  qui  est  un  petit 

moine,  les  bergeronnettes  et  certaines  mésanges  appelées 
nonnettes  ou  béguines,  la  fauvette  à  tête  noire  (sylvia 
atricapilla)  nommé  Mônchsgrasmücke  en  allemand.  Le 
grimpereau  s’appelle  keurè  dans  l’Orne  (Rolland,  compl.). 
Peut-être  y  a-t-il  aussi  confusion. 

Covreû  (couvert,  cfr.  l’ALF  carte  „est  couvert^)  en 
wallon  (Rolland,  compl.)  est  un  équivalent  de  huppé. 


5.  Mots  obscurs. 

§  81.  Esterangle-porc  en  franç.  dial.  (Chenevière, 
Carnet  de  chasse,  s.  d.,  p.  233). 

Dôdê  (Yonne;  Rolland,  compl.)  est  peut-être  en 
rapport  avec  dodine  (sorte  de  caresse  faite  à  un  enfant 
[Jossier],  cfr.  Fr.  Kocher,  op.  cit.,  p.  27.) 

Bihoudin  (Normandie,  Lemetteil)  pourrait  être  le 
roi  qui  boude  (cfr.  boudin  dans  Jaubert).  Peut-être  est-ce 
le  même  mot  que  ribodi,  ribaudet  (pluvier)  en  Picardie, 
baude  (alouette  huppée)  dans  le  Poitou,  dont  l’origine 
est  obscure. 

Racatin  (Bosquet,  Normandie  merveilleuse,  p.  220) 
pourrait  contenir  Caün  =  sotte  (<C  Catherine). 

Dans  biskànké  (p.  981  de  l’Atlas,  Hautes-Alpes)  pour¬ 
rait  se  cacher  un  dérivé  de  cacaue  dans  une  région 
où  a  et  a  a  (cfr.  §  49). 

Tyètb  à  Vinzelles  (Dauzat)  s’explique  peut-être  de 
la  même  manière  que  le  fribourgeois  tgin  (culot).  (Cfr. 
M.  Gauchat:  Die  franzôsische  Schiveiz  als  Hüterin  latei- 
nischen  Sprachgutes,  Festschrift  Blümner  1914,  p.  346  et 
Bulletin  du  Gloss.,  VH,  p.  58).  (Cfr.  les  noms  du  §  49). 


99 


6.  Conclusions, 

a)  La  multitude  des  noms. 

§  82.  H  me  reste  encore  à  résumer  brièvement  les 
résultats  de  mon  travail  et  à  passer  en  revue  la  répar¬ 
tition  et  la  succession  des  différentes  couches  de  noms 
du  roitelet. 

Un  premier  coup  d’œil  sur  la  carte  roitelet,  nous 
donne  l’impression  d’un  tableau  très  varié,  d’une  multi¬ 
tude  de  types  indépendants,  dits  „éruptifs“,  sans  rapport 
les  uns  avec  les  autres.  Mais  un  examen  plus  approfondi 
montre  que  beaucoup  de  ces  types  qui  semblaient  d’abord 
isolés,  procèdent  d’un  même  mot  primitif.  S’ils  varient 
à  l’infini,  c’est  qu’ils  ont  été  transformés  par  l’étymologie 
populaire. 

La  tendance  d’unification  n’entre  presque 
pas  en  ligne  de  compte  pour  le  nom  du  roitelet,  fort 
différent  en  cela  de  celui  d’autres  oiseaux.  Pour  le  ros¬ 
signol  par  exemple  nous  n’avons  guère  dans  toute  la  France 
qu’un  type.  Là,  les  formes  de  l’extrême  nord  sont  com¬ 
prises  par  les  gens  de  l’extrême  sud  et  vice-versa.  C’est 
que  le  rossignol  a  joué  de  tout  temps  un  rôle  dans  la 
littérature,  surtout  dans  la  littérature  artistique.  On  en 
parle  plus  souvent  en  poésie  que  dans  la  conversation 
de  chaque  jour.  Or,  le  poète  veut  être  compris  en  dehors 
de  la  région  qu’il  habite,  il  préfère  les  termes  du  français 
littéraire  à  ceux  de  son  parler  dialectal.  Dans  beaucoup 
de  contrées  de  la  France,  le  rossignol  n’est  même  connu 
que  de  nom. 

Le  roitelet  par  contre  fait  l’objet  du  folklore.  Son 
nom  est  sans  prétention  ;  il  reste  sédentaire  ou  passe  de 
bouche  en  bouche,  mais  ne  voyage  pas  d’un  coin  de 
France  à  l’autre.  Le  roitelet  n’étant  pas  non  plus  un 
objet  de  commerce,  ses  noms  peuvent  varier  à  l’infini, 
d’endroit  en  endroit  sans  gêner  personne,  en  toute  liberté. 
L’unification  ne  s’impose  pas. 

Mais  la  cause  de  ces  variations  multiples  n’est  pas 
purement  négative;  il  y  avait  aussi  un  stimulant  positif; 
lorsqu’un  terme  désignant  le  roitelet  était  atteint  de 


100 


>  ? 


„déchéance  sémantique^,  c’est-à-dire  lorsqu’il  n’avait  plus 
aucune  valeur  affective,  lorsqu’il  ne  suscitait  plus  aucune 
association,  le  peuple  créait  une  nouvelle  expression,  en 
utilisant  généralement  le  terme  déjà  existant,  auquel  il 
donnait  une  nouvelle  valeur  affective,  une  nou¬ 
velle  signification  grâce  à  l’étymologie  populaire.  Ainsi 
les  anciens  termes,  continuellement  renouvelés,  pouvaient 
de  nouveau  exprimer  l’idée  de  roitelet,  tout  en  s’éloignant 
de  plus  en  plus  de  leur  origine. 

b)  L’ordre  de  la  succession. 

§  83.  Essayons  de  donner  un  aperçu  général  de 
l’histoire  de  ces  noms,  de  leurs  couches  successives. 

Lorsque  la  civilisation  latine  importa  en  Gaule  avec 
la  légende  du  roitelet  et  de  l’aigle  le  nom  de  „ petit  roi“ 
pour  désigner  le  troglodyte,  les  habitants  du  pays  possé¬ 
daient  déjà  un  nom  pour  l’oiseau,  un  nom  d’origine 
celte:  bitriscus.  Ce  nom  était  implanté,  car  toute  sorte 
de  légendes  et  de  contes  amusants  s’y  rattachaient.  Dès 
lors  il  y  eut  lutte  entre  l’ancien  terme  et  le  nouveau 
venu,  et  partout  où,  dans  la  suite,  bitriscus  montrera 
un  point  faible,  le  nom  latin  tendra  à  le  remplacer,  tout 
au  moins  dans  le  nord  de  la  France. 

La  lutte  de  ces  deux  termes  latin  et  gaulois 
est  analogue  à  celle  de  verne  et  d'aune  (cfr.  M.  Jud, 
Aune  Arch.  /.  d.  Stud  d.  neueren  Spr.  u.  Lit.,  CXXl, 

76 — 96),  berbix  et  multone  (v.  Wartbiurg,  Zur  Benennung 
des  Schafes  in  den  romanischen  Sprachen,  p.  15)  ;  elle  est 
moins  acharnée  cependant,  parce  que  le  besoin  d’unité 
est  moins  sensible.  On  tolérait  sans  difficulté  plusieurs 
termes  dans  des  régions  voisines,  parce  que  l’oiseau  ne 
jouait  aucun  rôle  dans  la  vie  quotidienne. 

La  répartition  de  ces  deux  types  est  très  curieuse 
dans  le  nord  de  la  France.  A  l’ouest  un  rété,  donc  une 
des  formes  les  plus  anciennes  de  roitelet  (cfr.  §  19)  et 
un  rio  isolé  à  Jersey  et  à  la  Villette  (Calvados)  se 
trouvent  à  côté  des  descendants  de  bitriscus  prélatin. 
Des  vestiges  de  cet  ancien  nom  se  trouvent  aussi  dans 
le  Pas-de-Calais  et  en  Lorraine  à  côté  de  reietel. 


101 


Il  n’est  donc  pas  permis  d’admettre  une  grande  aire 
unie  du  type  reietel  dans  toute  la  partie  nord  de  la 
France,  bien  que  ce  type  y  ait  sûrement  pénétré  très  tôt. 

Il  faut  admettre  que  déjà  au  moyen  âge  deux 
mots  pour  le  seul  roitelet  existaient  côte  à  côte  dans 
une  même  région,  l’un  étant  le  nom  populaire,  traditionnel, 
l’autre  le  nom  francien,  importé  avec  la  fable,  le  nom 
du  roitelet  fabuleux  en  quelque  sorte,  le  nom  savant. 
Ensuite  le  nom  celtique  aurait  fini  par  l’emporter  dans 
une  des  régions,  et  le  nom  latin  dans  l’autre.  Des  formes 
comme  rebettin,  reheré,  roirobert,  etc.,  seraient  alors  des 
produits  d’une  contamination  secondaire. 

Il  se  peut  fort  bien  que  les  choses  se  soient  passées 
de  même  en  francien,  car  l’Ile  de  France  est  encore 
aujourd’hui  entièrement  entourée  par  les  déscendants  de 
ce  BiTRiscüS.  Roiet  est  peut-être,  je  dirais  même  pro¬ 
bablement,  un  mot  savant,  introduit  par  les  clercs  qui 
traduisaiemt  ainsi  le  mot  latin  regulus  parce  qu’ils  ne 
connaissaient  pas  le  mot  populaire  ou  parce  qu’ils  ne 
reconnaissaient  pas  le  héros  de  la  fable  antique  dans 
l’oiseau  des  campagnes  françaises. 

Grâce  à  la  fable  le  nom  latin  se  répandait  dans  le 
peuple  et  se  substituait  en  partie  au  nom  populaire  à 
cause  de  la  conception  d’être  fabuleux,  toute  particulière 
à  notre  oiseau,  conception  dont  j’ai  déjà  parlé  dans  mon 
introduction. 

Le  type  bitriscus  et  ses  dérivés  multiples  et  variés, 
presque  méconnaissables  en  bien  des  endroits,  a  donc 
une  fois  été  en  usage  dans  presque  toute  la  France,  à 
l’exception  peut-être  du  sud-ouest  du  pays,  de  l’aire 
rekuUet,  qui,  fort  probablement,  était  alors  plus  étendue 
que  maintenant. 

Ensuite  bitriscus  a  dû  reculer  en  plusieurs  points 
du  nord  de  la  France  devant  „roitelet“,  le  type 
parisien  qui  avait  le  grand  avantage  d’être  expressif, 
tandis  ^que  les  dérivés  de  bitriscus  étaient  devenus  in¬ 
compréhensibles.  Le  manque  de  témoignages  ne  me 
permet  pas  de  poursuivre  l’histoire  de  cette  lutte  entre 
l’ancien  bitriscus  et  le  mot  savant. 


102 


Mais  c’est  surtout  dans  la  France  orientale  que 
BiTRiscus  dut  passer  par  une  crise  qui  lui  fut  fatale. 
C’est  dans  cette  région  qu’on  en  avait  fait,  peut-être 
par  étymologie  populaire,  petaret,  mot  quelque  peu 
malséant.  Tôt  ou  tard  il  se  manifestera  une  tendance  à 
éviter  ou  à  cacher  ce  qu’il  peut  avoir  de  choquant. 

J’ai  déjà  parlé  des  transformations  qu’il  a  subies, 
en  reypetit  ou  en  rampantin.  Reypetit  surtout  a  pris  dans 
la  suite  une  grande  force  d’expansion.  Il  ne  renfermait 
plus  rien  de  choquant  et  était  de  plus  appuyé  par  la 
fable.  Rampantin  par  contre  est  en  train  de  disparaître 
à  cause  de  la  collision  avec  un  autre  mot. 

Cette  transformation  lente,  qui  n’est  pas  entière¬ 
ment  inconsciente,  puisque  ceux  qui  parlent  ont  une 
certaine  tendance,  est  un  moyen  pour  éviter  un  mot 
choquant. 

Un  autre  moyen  consiste  à  ne  plus  employer  le 
mot,  à  le  remplacer  par  un  autre  terme.  Mais  dans  ce 
cas  l’imagination  n’est  pas  indépendante  dans  la 
création  du  mot  nouveau.  C’est  ainsi  qu’on  a  substitué 
à  repeteret  des  mots  de  signification  semblable,  mais 
peut-être  un  peu  moins  transparents:  vessinarda,  pet  de 
hoUj  culot,  roi  de  quille,  cagadâouleta,  etc. 

Mais  comme  ces  mots  avaient  tous  la  même  tare 
que  le  nom  dont  ils  prenaient  la  place,  d’autres  rempla¬ 
çants  se  présentent  à  l’esprit.  D’abord  ce  seront  d’autres 
symboles  exprimant  la  petite  taille:  petaret  suscite  peyro 
dian  (espèce  de  châtaigne)  par  une  ressemblance  de  sons, 
en  Savoie.  Peyro  dian  appelle  châtaigne-,  châtaigne  ap¬ 
pelle  noisette  et  fève.  Plus  au  nord  on  pense  au  petit 
Poucet  et  on  donne  ce  nom  au  roitelet. 

D’autres  termes  remplaçants  encore  sont  fournis 
surtout  dans  les  Vosges,  par  les  noms  de  la  fauvette, 
ou  par  les  noms  du  roitelet  dans  les  contrées  allemandes 
voisines.  Tels  sont  moez  à  hay,  mussot,  rasota.  Ici  aussi 
un  des  termes  appelle  l’autre. 

Des  types  de  la  même  catégorie  se  retrouvent  isolés 
en  Savoie,  dans  une  région  de  crise,  à  types  très 


103 


hétérogènes,  importés  ici  peut-être  du  Piémont  voisin 
où  ils  sont  très  fréquents. 

En  dehors  de  la  Savoie  c’est  plutôt  à  l’ouest  qu’on 
trouve  ce  type  de  désignations  qui  se  rapportent  aux 
mœurs  de  l’oiseau,  dans  le  voisinage  de  reknUet,  type 
d’inspiration  semblable,  qui  aura  appelé  les  dénominations 
de  trauca-hartaSy  bartassiéy  rondo- si èy'ro,  frela-buissony 
lorsqu’il  n’était  plus  assez  expressif. 

Toujours  en  Savoie  nous  trouvons  encore  des  noms 
onomatopéiques,  très  peu  caractéristiques  pour  le 
roitelet,  et  enfin  le  type  parisien  qui,  ici,  comme  en 
Suisse  romande,  est  assimilé  aux  lois  phonétiques  du  pays. 

C’est  bien  à  une  couche  secondaire  que  nous  avons 
affaire  ici  en  Savoie.  Son  hétérogénéité  le  prouve  et  plus 
encore  le  fait  qu’elle  sépare  l’aire  principale  de  repeteret 
de  reypetaret  isolé  dans  la  vallée  d’Aoste.  Mais  c’est  une 
couche  secondaire  assez  ancienne,  où  le  type  parisien 
n’a  pas  été  accepté  tel  quel  comme  ce  fut  le  cas  plus 
récemment  dans  la  région  voisine  des  départements  de 
l’Ain  et  de  l’Isère. 

Une  autre  région  fortement  troublée  par  les 
innovations  est  le  Languedoc;  cette  zone  située 
entre  la  zone  petouze  qui  recouvre  à  peu  près  l’ancien 
domaine  de  la  langue  provençale  et  l’aire  repetit,  revêt 
un  caractère  tout  différent.  On  y  trouve  une  véritable 
nichée  de  toutes  espèces  de  noms  empruntés  à 
d’autres  oiseaux.  On  se  tire  d’affaire  en  appellant  le 
roitelet  tantôt  pitru,  rigal  (rouge-gorge),  tantôt  martélét 
(hirondelle  de  rivage),  benerit  (ortolan)  ou  simplement 
paserô. 

Plus  au  nord,  dans  l’Auvergne,  parmi  les  derniers 
vestiges  de  rebéré  (bitriscus),  nous  trouvons  une  zone 
assez  étendue  de  „roi  des  oiseaux.  “ 

Une  autre  région  où  se  croisent  des  influences  mul¬ 
tiples  se  trouve  dans  l’Yonne  entre  les  zones  roïbri  et 
roi  de  quille.  Il  y  a  là  tout  d’abord  des  produits  de 
contaminations  comme  roi  de  ghézi,  ghéziya,  ensuite 
des  remplaçants  de  toute  sorte  tels:  écouteur  et  roi  de 
froidure  et  ses  équivalents,  puis  des  onomatopées.  Enfin 


104 


à  côté  de  quelques  mots  difficiles  à  expliquer,  il  y  a  une 
catégorie  de  noms  empruntés  à  d’autres  oiseaux.  Donc, 
comme  en  Savoie,  nous  trouvons  beaucoup  d’expressions 
différentes  sur  un  espace  restreint.  Notons  cependant  que 
„roitelet“  parisien  n’y  a  pas  pénétré. 

Le  trait  caractéristique  de  l’histoire  des  noms  du 
roitelet,  c’est  que  le  mot  parisien  a  été  relative¬ 
ment  rarement  appelé  à  remplacer  des  noms 
disparus,  à  combler  les  lacunes,  fréquentes  pourtant, 
et  encore  ces  substitutions  ont-elles  toutes  eu  lieu  assez 
récemment.  Paris,  centre  économique  et  politique, 
linguistique  et  littéraire  n’a  joué  qu’un  rôle  insignifiant 
dans  l’histoire  des  noms  populaires  du  roitelet.  Tout  au 
plus  le  roitelet,  grâce  à  la  propagation  du  récit  de  l’aigle 
et  du  roitelet  par  les  livres  de  lecture  scolaire,  a-t-il  au¬ 
jourd’hui  la  chance  de  remplacer  le  mot  régional  par¬ 
tout  là  où  le  dernier  va  disparaître. 


C.  INDICES 


1.  Index  des  mots. 


araig  24. 
artviüo  62. 

-attus  30. 

avem  regaliolum  21. 
bâcher  in  O  73. 
harnaheli  43. 
barnatsarada  44. 
hartassié  81. 

20. 

iîaa'.li,axoç  21. 

hë  45. 

heccaccîno  93. 
hedou  47. 
begron  45. 
beneri  90. 
beré  45,  47. 
berée,  besée  45,  47. 
ber  go  50. 
berîchon  51. 
berillon  39. 
berteau  48. 
bertb  48. 
bertrand  50. 
beruet  38. 
betyétyé  89. 
beurîchon  51. 
bezoïie  47. 
bezuet  47. 
bidelet  (roi)  42. 
bieutin  45. 
biô  43. 
bîrou  46,  48. 
biroufle  48. 
biskànké  98. 
bissourdet  91. 
bitorius  35. 
bitriscus  35. 
bœuf  de  Dieu  73. 
borgnat  93. 


bouleratte  70. 
bourichon  52. 

(roi  de)  bourse  90. 
bousslo  90. 

(roi)  bouti  52. 
bovino  74. 
britiscus  35. 
brilmbla  67. 
burichon  51. 
cabot  69. 
cagadauleto  63. 
capo  d’or  O  94. 

(re)  castagna  66. 
castagnolo  66. 
cece  88. 
cent-rübb  70. 
cercer  88. 
c’err  88. 
chaleron  49,  79. 
chantagnCy  eotand  66. 
chantre  91. 

(rei)  chichou  63. 
èikro  94. 

chourro,  chouret  59. 
ciccer  88. 
cicirilu  88. 
cinse-cadê  83. 
coda  66. 
cocoyrou  64. 
cb  d’or  94. 
conca  d’oru  94. 
conta-fascinas  82. 
covreû  98. 
crac-jan  70. 
crecre  87. 
cricri  87. 
culot  64. 
dôdê  98. 

Dommendick  65. 


106 

(petit)  doré  94. 
Dumeling  65. 
Dumenzîoîtscherle  65. 
écalon  80. 
écouteux  84. 

-ellus  27. 
empereur  25,  97. 

-eret  80. 

estr angle-porc  98. 
eatrelUnha  96. 
faharelo  67. 
farfonte  70. 
favite  67. 
fauzza  67. 

(rey)  felip  89. 
fenouiet  83. 
fevat  67. 
ferduzio  84. 

M  88. 
fi  or  anodin  96. 
fiamînette  95. 
flip  89. 
forahocc  81. 
forafratte  81. 
foramakkie  81. 
forasiepe  81. 
fouonHo  91. 
fouroul  90 
fourre-huisson  81. 
fouti-fouti  63. 
frela-buîsson  88. 
fri-fri  89. 

(roi  de)  froidure  84. 
fucila  22. 
galînazen  93. 
gey  de  poue  63. 

(roi  de)  gliézi  62. 
ghézîya  62. 
goché  97. 

Goldele  94. 
Goldhâhnchen  94. 
Goldkbpfchen  94. 
Goldplattchen  94. 
Goldstangerl  94. 
Goldtschupli  94. 
goursillon  81. 
granin  d*fava  67. 
grapeto  57. 
greguariolus  22. 


gueyatf  63. 
guerchette  93. 
honiso  94. 
hüî  88. 

jadduzzeddu  97. 
(petit)  janvier  84. 
-illon  30,  39 
imperator  97. 

-isco  37. 

-ichon,  -ucTion  52. 
-ittus  26,  55. 
jusiou  97. 
kiki  87. 

Kbniglin  13. 
kra-kra  88. 
krané  70. 
krîvaoiza  82. 
krolik  13. 
kutia  66. 
kuket  64. 

(re)  hutoet  74. 
lagagnou(s)o  52. 
laouenik  68. 
liva-cava  71. 
louhri  39. 
lurümi  58. 
madonin  72. 
magus  avium  22. 
mari-héré  47. 
marie-chourre  59. 
martèle  90. 
méiz  93. 
mero-hécasso  92. 
mess-en-hay  80. 
miey’liahe  67. 
migeome  82. 
mistereta  93. 
mistouUno  69. 
(oiseau)  mouche  92. 
mousquet  91. 
muschitta  92. 
musri  80. 
mussot  80. 
nini  88. 
noisette  66. 
nouchat  66. 
nugeta  66. 

7iuèiiia  66. 

nuzilu  66. 


miserle  66. 

roi  de  quilles  61. 

occhio  hovino  74. 

racatin  98. 

Ochsenôgele  74. 

radhira  42. 

oiseau  de  Dieu  72. 

raddmü  82. 

-olet  31,  33. 

rajfelot  84. 

-one  30,  32. 

rakia  62. 

orchil  24. 

raklé  29. 

ordelet  33. 

rampantin  55. 

-osus  54. 

rapatet  55. 

-ottus  26,  27. 

rappelot  83. 

de  sri  66. 

rappetolet  58. 

papa  dla  pizzacra  93. 

rapya(neta)  57. 

parpajo  68. 

rastelet  28. 

passera  90. 

ratatet  30. 

pemphignon  68. 

rateré  29. 

(re)  pépin  69. 

ratereau  30. 

pêro  d*bou  66. 

ratillon  30. 

percia  ruvettu  (mura)  82. 

ratitolé  58. 

pet  de  hou  60. 

ravisset  83. 

(roi)  Pétaud  61. 

razerou  32. 

petaret  52. 

rehédédé  42. 

petit  rey  57. 

rehederé  42. 

petouso  54. 

rehéné  43. 

pey  de  hou  60. 

reheire  46. 

peyro  dian  60. 

rehette  45. 

pieucart  65. 

rehettin  45. 

pilloni  di  her  84. 

rehlette  45. 

pintorius  35. 

reéece  88. 

pipi  89. 

rëche  87. 

pitilui  88. 

redatol  34. 

pitriscus  36. 

rédéhékade  92. 

pitristus  36. 

redehedloe  42. 

pitru  89. 

re  di  siepe  81. 

pœsro  65. 

redoyell  33. 

polaschet  65. 

refouchion  64. 

polina  93. 

regaliolus  21. 

potohillou  57. 

regillus  25. 

pouce  65. 

regina  24. 

poufinion  68. 

regulus  21. 

poul  96. 

reiat  25. 

poulette  71. 

reiet  25. 

upéa(Buç  20. 

reietel  26. 

prince  25,  97. 

reietelet  27. 

psipsi  88. 

reigunet  71. 

(roi)  pueça  65. 

reinou  31. 

purisculus  36. 

reiot  26. 

putih  rocket  84. 

reipetoun  54. 

puzone  de  ranu  84. 

reire  helet  43. 

guereye  97. 

Reiserkonig  82. 

108 


répéquet  83. 
repetetit  58. 
reseto  80. 
rex  avium  21. 
reyhelé  43. 
reyenit  34. 
reygartus  50. 
reymanut  58. 
rey  57. 
reyteu  58. 
rezeto  34. 
rWe  45. 
riherna  44. 
riblê  45. 
riboudin  98. 
ribwe  45. 
ricochet  76. 
rigalii  89. 
rikiki  87. 

riottin  de  la  corona  94. 

ripatea  54. 

riguieu  64. 

ristoula  33. 

ritola  32. 

ritoleri  33. 

roable  39. 

Robert  39. 
rodo-hartassou  82. 
roibery,  roibri  38. 
roi  de  bezigue  39. 
roidelo  33. 
roido  33. 
rondo-sièy’ro  82. 
rouapsi  39. 
roze-boss  82. 
rubi  39. 
riigle  79. 
riipido  22. 
sauta  hbcc  81. 
sbucafratte  81. 
(s)buzasess  81. 

Scherzer  88. 

Schnàrzer  88. 

Schnurzer  88. 
Schyterchingli  82. 
senator  22. 


sepîvaga  79. 
sizin  89. 
soray  96. 
fleur  de  souci  96. 
sourcicle  95. 
sp^rciasiepe  81. 
steile  d^or  96. 
steiletta  96. 
steila  giauna  96. 
stelin  96. 
stellat  96. 

Strâufile  97. 
struzzet  97. 
sucet  96. 
testin  d’ÔQ  94. 
thumh-hird  65. 
topi  di  matta  82. 
trauca-bartas  82. 
trenta  pes  70. 
tretre  88. 
tritri  87. 
xpôyiloç  20. 

TpWYloSuTTflÇ  20. 

trouspe  60. 
trousse-gueue  71. 
tsik  87. 
tyeto  98. 

Tupavvo;  20. 
ujywé  de  stala  82. 

-ulus  25. 

usel  dla  madona  72. 

uslîn  del  testin  giald  96. 

uzi]ü  66. 

vacherino  73. 

vaco  petouo  73. 

vaguete  73. 

vessinarda  60. 

vichou  60. 

vitriscus  35. 

wœil  de  buu  73. 

ivren  13. 

u'rendo  13,  81. 

zeriat  88. 

ziddi  89. 

zizi  88. 


109 


2.  Index  des  matières. 


à  >  a  55. 

a  entre  labiale  >  o  68. 
agglutination  de  l’article  58, 66. 
agilité  74. 
aïeul  43. 
alouette  98. 

Artus  50. 

(nom)  banal  81. 
bandeau  jaune  94. 

Barnabé  44. 
beau  43. 
bécasse  92. 

béni  (oiseau)  15,  43,  71. 
bergeronnette  23,  37,  71,  74, 
93. 

Bernard  44. 

Berrichon  51. 

Bertaud  48. 

Bertrand  50. 

Bidelet  42. 

Bituriges  37. 
bruant  57,  90. 
biiche  82. 
bure  51,  92. 
butor  35,  36. 

(nom  de)  caresse  71. 
celte  (noms  et  fables)  14. 
chassieux  52. 
châtaigne  66. 
chieur,  chiure  63. 
choquant  (terme)  54,  65,  102. 
coccinelle  72. 
collision  55. 

conception  obsédant  l’imagi¬ 
nation  60,  102. 
contamination  62,  73. 
comparaison  populaire  67,  94, 
95. 

coq  96. 

couche  secondaire  56,  79,  103. 
culot  64. 
curé  97. 

(région  de)  crise  102  ss. 

-d-  sporadique  34. 

-de-  intercalé  34,  41,  43. 
diminutifs  caritatifs,  doubles 
25,  45,  71. 


dissimilation  de  r  —  r  39,  43, 
45. 

e  -\-  r  >  ar  44,  55. 
éclair  48,  79. 
emprunts  89  ss. 
étincelle  85. 

étymologie  populaire  37  ss., 
59,  78. 

expression  dialectale  qui  pé¬ 
nètre  dans  la  langue  littéraire 
76. 

extinction  d’un  mot  42. 
fausse  régression  de  s  +  ^  29. 
fauvette  51,  54,  59,  62,  66,  67, 
71,  80,  82,  91. 

(noms)  féminins  24,  32,  45,  47, 
54 

fier  70. 
flamme  95. 
froidure  84, 

g  sporadique  initial  50. 
genévrier  83. 

géographie  linguistique  41, 
99  ss. 

grimpereau  29,  30,  54,  55,  68, 
88,  90. 

-gu-  >  w  62. 
haricot  66. 
hirondelle  72,  90. 
homonymie  55  ss. 
huppe  54. 

(composition  avec)  impératif 
59,  81. 

impertinence  70. 
interprétation  du  chant  16,  85. 
ironie  populaire  54,  69,  70. 
importation  103. 

(mot)  isolé  37,  62. 
juif  97. 

-?-  >  r  ou  tombe  29,  32. 
langue  enfantine  63,  85. 
lutte  entre  deux  termes  100. 
Marie  47,  59. 
mésange  54,  72,  89,  93. 
métathèse  43,  62,  71. 
mouchet  51. 

multitude  de  noms  10,  99, 


110 


noisette  66. 

noms  de  personne  39  ss.,  42, 
44,  47,  48,  50,  59,  69,  89. 
nourriture  83. 
œil  73. 

onomatopée  84  ss. 
or  94. 

papillon  68. 

Pépin  69. 
pet  60. 

pétard,  péteur  53,  54. 

ÎPhilippe  89. 
pinson  47,  88,  94. 
pois  67. 
pou  68. 
pouce  65. 

pouillot  67,  68,  74,  81,  88,  90, 
97. 

proyer  88. 
prune  67. 
queue  71. 
quille  61. 

-r-  >  -5;-  ou  tombe  39,  47. 

r  adventif  46. 

raillerie  16. 

râle  29,  93. 

ramper  55  ss. 


rat  et  roi  30. 

remplaçants  d’un  mot  hors  d’u¬ 
sage  à  signification  semb¬ 
lable  60,  80,  81,  102. 
remplaçant  banal  81. 

Robert  39. 

rouge-gorge  47,  73,  82,  87, 
89,  90. 
rubis  39. 

-s-  tombe  54. 

mot  savant  24. 

simplification  méchanique  74. 

soleil  96. 

sot  64,  66. 

souci  95. 

substantif  verbal  59,  75,  80. 
-tr-  celte  53. 
tradition  latine  23. 
(comparaisons)  traditionnelles 
67,  94. 
traquet  82. 
unification  99. 

valeur  affective  des  désigua- 
tions  37,  62,  87,  101. 
(jugement  de)  valeur  71,  95. 
veau  42. 
y  >  n  68. 

zone  d’expansion  28,  104. 


CURRICULUM  VITRE. 


Je  suis  née  à  Frauenfeld  le  2  décembre  1896.  J’ai 
suivi  les  écoles  primaires  et  secondaires  de  Frauenfeld, 
de  Bevers  (Engadine)  et  de  Neuchâtel  où  j’ai  obtenu  au 
printemps  1916  le  diplôme  de  fin  d’études.  En  mars 
1921,  après  avoir  suivi  à  Zurich  pendant  10  semestres 
les  cours  de  MM.  Bovet,  Gauchat,  Jud,  Bachmann,  Frey 
et  Unger,  j’ai  obtenu  „das  Diplom  fürs  hôhere  Lehramt“ 
pour  les  langues  française  et  allemande  et,  au  mois  de 
juillet  de  la  même  année,  je  fus  reçue  docteur  ès  lettres. 

Qu’il  me  soit  permis  d’adresser  mes  remercîments 
chaleureux  et  sincères  à  tous  mes  maîtres,  mais  notam¬ 
ment  à  MM.  Gauchat  et  Jud  qui  m’ont  toujours  aidée 
de  leurs  précieux  conseils  pendant  la  rédaction  de  ma  thèse. 


THE  llBRAR'f  ÜF  FHE 
JUL  9  .  1924 

UN1VERS1TY  OF  ILLINOIS 


'  THE  ttHR^^Ry 
OF  THE 

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